"Les attaques de requins de cette année ont généré une surprise générale qu’on a du mal à comprendre venant d’une communauté îlienne, entourée de 250km d’océan. On aurait pu imaginer y trouver des requins…
C’est aussi surprenant d’entendre les autorités dire que dans ce département océanique, personne ne possède de connaissances adéquates sur les requins, leurs moeurs, leur comportement et les conditions qui les influencent. Ayant lu et entendu tout ce qu’on a pu dire sur ce sujet, nous confirmons… la désinformation règne. Alors sur quoi est basée la décision des autorités de "prélever" une dizaine de requins Tigre ou Bouledogue?
Tout comme les décès récents de surfeurs ont provoqué une vive réaction "anti-requin," ces "prélèvements" ont provoqué un tollé public, de par l’incohérence de ces actes et par l’ignorance qui les entoure. Traités d’"écolo-bobos" par certains, les personnes qui s’élèvent contre cette mascarade politico-économique sont de plus en plus nombreuses. Un groupe s’est formé aussitôt sur Facebook et aujourd’hui compte un peu plus de 800 membres et bénéficie aussi du support du "Global Shark Conservation Initiative," un groupe international pour la conservation de requins, qui a immédiatement ébruité la situation dans le monde entier, écrit une lettre aux autorités qui a été copiée et utilisée par des citoyens de toute la planète pour protester contre cette injustice environnementale et se tient prêt pour fournir de plus amples renseignements sur les squales, voir même se déplacer pour les conférences à but éducatif. Sea Shepherd France a également apporté son soutien et se dit prêt à épauler un projet à la Réunion. La Fondation Brigitte Bardot quant à elle a montré son intérêt en écrivant un courrier au préfet.
Comme l’avouent les autorités, il existe un manque de connaissances à la Réunion, alors pourquoi ne pas avoir sollicité l’avis des gens qui en ont? Ils auraient dit que les requins ne sont pas comme les prédateurs terrestres, ils ne sont pas territoriaux. Ils bougent, migrent, suivent leurs proies et se laissent influencer par les conditions de leur milieu. Si l’homme jette des restes de poissons à la mer à proximité des plages, il y aura des requins. Opportunistes, ils iront là où il y a possibilité d’un repas facile. Si l’homme s’allonge sur une planche de surf ou de body et prend la forme des proies préférées des requins dépassant les 2m50 – des pinnipèdes ou des tortues- alors il se présente à l’animal comme une proie. Le comportement de l’humain n’est pas comme celui d’une proie, il ne fuit pas, alors il se fait prendre.
Les requins ne sont pas bons, ils ne sont pas mauvais non plus, ce sont juste des requins. Ce que les gens ne savent pas, c’est qu’il s’agit probablement de l’animal le plus important de la planète. Ces 500 espèces se trouvent dans chaque niche écologique. Ils maintiennent leur écosystème en bonne santé en prélevant les animaux malades, faibles, mourants ou morts. Sans eux, il y aura une augmentation dans le nombre d’individus composant normalement leurs proies, proies qui elles, mangeraient des poissons encore plus petits jusqu’à ce que la faim et les maladies provoquées par une concentration de ces populations, ainsi que l’inclusion des gènes malsains, autrefois ôtés par prédation, tueront ces poissons. Les plus petits, inaptes à être commercialisés, se reproduiront massivement et consommeront très rapidement le plancton de nos océans. Ce plancton absorbe actuellement 80% du CO2 de l’atmosphère et produit 70% de l’oxygène que l’on respire.
Depuis ces 3 dernières décennies, nous avons perdu jusqu’à 90% de certaines espèces de requins pour fournir des ailerons pour une soupe de luxe asiatique. Ces animaux grandissent très lentement, ils viennent à maturité sexuelle tardivement et ne font que peu de petits, tous les deux ou trois ans donc, ils ne peuvent remplacer les 73 millions de requins tués par an. Les individus pêchés sont de plus en plus petits et donc ne se reproduisent jamais. La pêche au requin n’est pas durable, et nous allons perdre certaines espèces définitivement d’ici une dizaine d’années. Dans ce contexte, chaque individu adulte a son importance pour la continuité de son espèce. A la Réunion, ils ne vont en tuer que dix, mais combien sont-ils dans ces eaux? De plus, ces dix requins ont leur utilité sur une échelle plus globale.
L’homme et le requin peuvent exister ensemble. C’est à l’homme de connaître les requins, les comprendre et les anticiper pour éviter le pire. Seigneur requin, quant à lui, existe sous sa forme actuelle depuis 436 millions d’années. C’est le plus ancien animal existant. Il a vu les premiers organismes quitter la mer pour s’établir sur terre. Il a vu l’arrivée et la disparition des dinosaures. Il a façonné la vie marine que l’on connaît aujourd’hui en obligeant ses proies à évoluer pour mieux lui échapper. Il est fort et fragile à la fois, il est hardi mais timide, il est citoyen de la planète bleue, lui aussi et nous ne pouvons pas nous passer de lui.
Auteur : J.W., administrateur "GSCI" pour le "Collectif pour la protection de l’Océan Indien"
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