Quelle est l’origine de la pollution d’un stock de légines ramené par le palangrier de la Scapêche*-Comata ? La question intrigue. Elle vaut 2,4 millions d’euros !
L’Ile de La Réunion, un palangrier de 55m baptisé en 2002 au Port Ouest, est rentré d’une campagne de pêche de trois mois le 2 août dernier. Le bateau est spécialisé dans l’exploitation de la ressource « légine » dans la zone économique exclusive, au large des Kerguelen et de Crozet. Une zone soumise à des quotas de pêche stricts et placée sous administration française.
Au cours de sa marée, le palangrier a remonté 222 tonnes de légine dans ses cales. Mais sa mise sur le marché semble pour l’heure plus qu’hypothétique. Le poisson débarqué dégage une odeur d’hydrocarbure.
Des analyses sanitaires plus poussées sont en cours par les services de la DAAF. Des sources internes à la compagnie de pêche affirment que le poisson n’était pas pollué lorsqu’il a été monté à bord. Il y a une raison de croire à cette version : la légine n’est pas prélevée au filet, mais à la palangre. C’est l’une des conditions de pêche responsable imposées par l’Etat français et sa représentation sur zone, l’administration des TAAF. D’ailleurs, un contrôleur des Terres australes embarque à bord pour contrôler les prises, nous informe la DMSOI. Une fois arrivé au port, c’est au tour d’un contrôleur des affaires maritimes de vérifier sur pièces la correspondance du tableau de bord du capitaine au tonnage débarqué.
Comata-Scapêche-Intermarché : Un poids-lourd de la grande distribution
Les informations dont nous disposons portent désormais à croire qu’une pollution humaine (accidentelle ?) est intervenue entre la débarque et le transfert du stock vers les chambres froides du Port Ouest dont le Grand Port Maritime est concessionnaire.
La survenue d’un incident, confirmée par la DAAF, pourrait, si les analyses confirment la nécessité de destruction d’une partie ou de la totalité du stock, entrainer une grave perte financière au groupe.
La demande en légine australe sur les marchés japonais et américain a toujours été plus forte que la ressource, protégée par quotas de pêche. Le prix de vente de la légine au débarquement avoisine 11 euros le kilo. Avec 222 tonnes à bord, la Comata a donc ainsi ramené dans ses cales un poisson très prisé d’une valeur de 2,4 millions d’euros, avant même l’entrée d’intermédiaires ! Le prix peut monter jusqu’à 30 euros le kilo à la vente.
Le stock présentait des émanations d’hydrocarbure
La Comata joue en effet dans la cour des grands. Elle est une filiale de Scapêche, premier armateur de pêche fraîche en France, qui alimente la chaîne de grande distribution Les Mousquetaires (Intermarché) en métropole.
Interrogés sur cet incident qui pourrait condamner 222 tonnes de poissons, les services de la DAAF, qui ont la charge du contrôle qualitatif et sanitaire des débarques de la pêche australe, tentent avant toute chose de rassurer les consommateurs, même si pour l’essentiel, les débouchés de ce poisson en or (les pêcheurs appellent la légine « l’or blanc« ) se jouent ailleurs, en Asie pour l’essentiel.
« Les mesures de gestion ont été prises, et aucune denrée susceptible d’être contaminée ou de présenter un aspect impropre à la consommation n’a été et ne sera livrée à la consommation humaine ou animale dans ce cadre. Le stock en question présentait des émanations d’hydrocarbure. Il a été entièrement débarqué. Il s’agit d’un dossier nominatif, en cours de gestion, et donc les éléments ne peuvent pas être communiqués à ce stade », ajoute la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, placée sous l’autorité de la Préfecture de La Réunion.
Hors département, le directeur de la Comata n’a pour l’heure pas réagi à nos sollicitations.
*Société Centrale des Armements Mousquetaires à la Pêche