En 2010, l’une des actualités majeures de votre ministère a porté sur l’évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane vers une collectivité unique, en lieu et place du conseil régional et du conseil général. Qu’attendez-vous exactement de cette réforme et a-t-elle pris du retard ?
Il n’y a aucun retard dans le processus de mise en œuvre des collectivités uniques. Un an après le référendum, deux projets de loi ont été adoptés par le Conseil des ministres. Ils seront examinés par le Sénat au début du mois de mai. Une fois le texte voté par le Parlement, dès élections seront organisées pour désigner chaque assemblée. Et le 31 décembre 2012 au plus tard, la Martinique et la Guyane disposeront de leur propre collectivité unique.
Je rappelle que le rôle du gouvernement consiste à accompagner cette réforme, initiée par le président de la République, qui s’est faite à la demande des élus locaux, avant d’être acceptée par les électeurs. Elle vise à simplifier la gestion politique avec plus d’efficacité : la collectivité unique possédera les compétences de la région et du département, mais il n’y aura plus qu’un seul budget et une seule assemblée décisionnaire. D’un côté, on simplifiera le fonctionnement et le coût de la collectivité, de l’autre, on gagnera en rapidité et en lisibilité politique.
Que va-t-il se passer pour les élus en Guadeloupe et à la Réunion ?
Ce que les élus souhaiteront… Il ne s’agit pas de décider à Paris ce qui est bon ou non pour les DOM-TOM. Notre Constitution prévoit les outils nécessaires pour décider de la nature des relations qu’ils veulent avoir avec la métropole. La Guadeloupe n’était pas prête à une telle évolution et la Réunion n’en voulait pas. Maintenant, la balle est dans le camp des élus, mais il n’y a aucun désir de l’Etat d’aller vers un changement institutionnel à tout prix : Notre seule volonté, c’est de tendre vers un statut à la carte. Demain, nous aurons peut-être autant d’organisations institutionnelles que de territoires, parce que chacun d’eux a une histoire différente avec la métropole et des besoins propres. C’est pourquoi nous parlons « des » outre-mer.
Dans les rapports métropole-DOM, il est une notion que vous souhaitez voir s’étendre, celle du « développement endogène », De quelle façon ?
Longtemps, on a laissé penser que le développement des territoires d’outre-mer reposait essentiellement sur les apports extérieurs. C’était le sens des premières lois de défiscalisation.
Aujourd’hui, on constate que cela n’est pas suffisant. Il existe une autre voie, qui consiste à développer ces territoires à partir de leur potentialité : la Guadeloupe et la Martinique peuvent faire plus en matière d’élevage et d’agriculture, tout comme la filière bois en Guyane laisse augurer d’extraordinaires possibilités de développement, notamment à l’exportation. Il faut se battre dans les secteurs à forte valeur ajoutée. On ne peut pas rester avec un niveau d’importations de 80%. Nous avons un marché intérieur à reconquérir tout en créant au niveau régional- la Caraïbe pour les Antilles – des produits que l’on pourra exporter en direction des pays voisins. Mais ces développements ne doivent pas non plus se faire au détriment des activités traditionnelles comme la canne à sucre et la banane.
Dans sa politique de réduction des dépenses publiques, le gouvernement s’est lancé dans une chasse aux niches fiscales. Celles concernant les DOM ont-elles été particulièrement visées (lois Scellier, aide au photovoltaïque, etc.) ?
Le « coup de rabot » sur les niches fiscales a préservé le domaine essentiel du logement social. Idem dans l’investissement productif (loi Girardin industriel) où l’effort porte non sur l’opérateur ultramarin mais sur celui qui défiscalise. En ce sens, les investissements productifs ne devraient pas subir de coup d’arrêt. Maintenant, concernant le photovoltaïque, il y a eu par le passé des effets d’aubaine : outre la défiscalisation sur le matériel photovoltaïque, EDF doit racheter l’électricité à un prix précis qui fait que le dispositif était extrêmement rentable.
Le gouvernement a souhaité mettre de l’ordre. Pour autant, en l’absence d’alternative, une réflexion est engagée pour soutenir le développement des énergies renouvelables indispensables pour tendre vers l’autonomie énergétique des outre-mer.
Toujours dans le domaine des avantages, le sursalaire des fonctionnaires, stigmatisé, notamment par les acteurs économiques ultramarins qui y voient une déstabilisation du marché du travail, peut-il être remis en question ?
Vous le dites : ce n’est pas le gouvernement qui a mis ce sujet sur la table, mais les élus, puis le monde économique, d’abord à la Réunion, ensuite en Guadeloupe. Pour nous, ce n’est pas un sujet tabou, mais on ne peut pas tout aborder de front lorsqu’on a en responsabilité des territoires aussi fragiles, avec des marchés étroits et dont l’économie est à ce point soutenue. Les Antilles ont traversé une lourde crise en 2009. Ce n’est pas au moment où l’on s’en remet qu’il convient d’aborder ce dossier, surtout dans un climat aussi passionnel. La question du sursalaire n’est donc pas une priorité.