Revenir à la rubrique : Faits divers

Pêche illégale, revente illicite, substitut en pétard: « Vous nous prenez pour des imbéciles ? »

Correctionnelle Sud – Jeudi 26/05/2016

Ecrit par Jules Bénard – le vendredi 27 mai 2016 à 08H44

Il nous a été rarement donné d’observer un tel état d’exaspération chez le substitut Mathieu Saunier. Il faut dire que la mauvaise foi du principal accusé, dans cette histoire de pêche illégale et de vente en missouk, avait bien de quoi titiller le plus placide, habituellement, des accusateurs.

Illégalité à fond la caisse

L’affaire se passe à Saint-Pierre de janvier 2014 à mai 2015, et est des plus simples.
Roger L., retraité de la fonction publique hospitalière, adore la pêche. Parvenu à la retraite, il entend bien s’adonner à fond à sa passion. Il acquiert 80% des parts dans une embarcation de taille correcte, un ami, Alain Flaujac assurant les 20% restants.

Le sieur Flaujac étant le plus souvent en métropole, et ne voulant pas être seul en haute mer, Roger jette son dévolu sur Karl Gonthier, ancien pêcheur professionnel  » désenrôlé « . Cet homme est unanimement considéré comme un professionnel hors pair.

Il va vite se révéler également navigateur de gros temps dans la pêche et la revente du poisson de la façon la plus illégale qui soit.

Sans titre puisqu’il a rendu sa carte pro depuis des années, Karl Gonthier organise 3 à 4 sorties par semaine et, chose interdite aux amateurs-plaisanciers, se rend sur les DCP (dispositifs de concentration du poisson).

La taille de son embarcation le lui permet aisément, même par mauvais temps ; alors que les quelques professionnels restants ne peuvent s’y rendre que par très beau temps vu la distance et leur embarcation plus modeste.

 » Un congélateur plus grand que mon bureau ! « 

De chaque DCP, M. Gonthier revient régulièrement avec pas moins de 40 kilos de prises diverses, ce qui est mieux que bien par les temps qui courent. On se rappelle les paroles de Jules Joron dans  » Pêcheur Terre-Sainte « , qui dépeint bien la dure condition des marins-pêcheurs.

Revenu au port de Saint-Pierre, Karl Gonthier plonge un peu plus dans l’illégalité. Il accorde quelque 10 kilos à Roger et livre le reste à son pote Alix V., qui cumule les fonctions de pêcheur et de gérant d’un stand de vente installé au radier de la rivière d’Abord. Un GIE dont il est le gérant-vendeur et principal actionnaire avec son frère. Le poisson est revendu avec un bénéfice de 4 à 5 euros le kilo.

Gonthier n’en démordra pas, devant les gendarmes comme à la barre : s’il a mis le poisson chez Vélia, c’est parce qu’il n’a pas assez de place chez lui. Même si, comme le remarque le substitut Saunier,  » les gendarmes ont trouvé chez vous un congélateur plus grand que mon bureau ! « 

Une BMW de 58.000 euros, bigre !

Ce n’est pas tout… Les poissons déposés chez le revendeur, étant issus d’une pêche de plaisance, devraient avoir la queue ou les nageoires caudales coupées. Ceci afin de les différencier des prises professionnelles, ce qui les rend invendables. S’il fallait s’arrêter à ces détails…

Karl Gonthier prétend que  » quand la mer lé mauvais, i gaingn pas coupe la queue poisson « . Mais pourquoi ne pas le faire en rentrant au port ?  » A cause moin lé fatigué ! «  Ah bon ?

Il ne peut prétendre ignorer la règlementation, ayant plusieurs fois été condamné pour ces mêmes faits. Mais rien à faire, la queue tortue lé courte, la pas lu l’auteur.

Quant au sieur Vélia, il l’a fait pour rendre service à un ami et n’en retire aucun bénéfice. Sauf que contrairement aux professionnels qui tirent la langue et ont du mal à finir le mois, il s’affiche en BMW à 58.000 euros et possède une belle villa.

Un substitut au marteau-pilon

On a frôlé les sommets du comico-ridicule lorsque l’avocate du Comité régional des pêches maritimes est venu réclamer… vous êtes assis ?… 122.128 euros et 80 centimes de dommages-intérêts. Ce qui a fait bondir Me Raffi, avocat de Gonthier :  » Quel préjudice a subi cette instance aux contours indéfinis et qui ne représente qu’elle-même ? « 

 » Tant va la cruche à l’eau… «  a dit en préambule le substitut Saunier avant d’écraser Karl Gonthier au marteau-pilon de son exaspération. Insistant sur la pénibilité d’un métier forçant le respect, pêcheur professionnel, le substitut a eu beau jeu de rappeler que le contrevenant était parfaitement au courant de sa faute puisque multirécidiviste.

 » Je vous reproche de nous prendre pour des imbéciles, ou pour un banc de poisson «  Le substitut n’a pas dit à quels pélagiques il songeait. De petits poissons avec une raie bleue sur le côté ? Possible…

Réquisitions : 6 mois fermes et 3000 euros pour Gonthier ; 100 jours-amendes à 50 euros plus 5000 euros contre Gonthier ; et enfin, à l’encontre de Lapierre, propriétaire de l’objet du délit, confiscation de l’embarcation.

 » Moin la rôde in l’avocat pourtant ! « 

Pour Gonthier, Me Raffi n’a pas nié que le délit était constitué. Il s’est rabattu avec sa force et son ironie coutumières sur les parties civiles, usant de la dérision avec cet art consommé qu’on lui connaît.

Il est revenu à Me Duleroy, avocat de Roger L., de soulever un point de droit qui a semé un gros malaise dans la salle : comment confisquer un bien dont l’épouse de Roger L. est propriétaire pour moitié ? Références de jurisprudence à l’appui, il a réclamé purement et simplement la relaxe de son client.

Vélia n’avait pas de défenseur :  » Moin la rôde in’ lundi mais la dit a moin navé pu l’temps « . Ce à quoi la présidente Peinaud lui a rétorqué que les convocations dataient de plusieurs mois. Ce qui ne l’a pas ému outre mesure.

Jugement le jeudi 2 juin.
 

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Rixe à Bras Fusil : Un jeune homme mis en examen et écroué

Suite aux violences survenues dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars dans le quartier de Bras Fusil, un jeune homme, né en 2005, a été placé en garde à vue après une course-poursuite ayant causé un grave accident. Il a été mis en examen pour violences avec arme et blessures involontaire et présenté ce vendredi devant le juge des libertés et de la détention.