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PCR 3ème partie : Les dissidents…

Un parti est une organisation d’hommes et de femmes qui partagent en principe des valeurs, des objectifs et des intérêts (le plus souvent). Comme toute organisation, un parti, par la diversité de ses membres mais aussi par l’importance des discordances qui peuvent apparaitre entre principes, valeurs et intérêts, va connaitre rivalités, concurrences, tensions qui débouchent […]

Ecrit par R. Laleu – le samedi 09 mai 2009 à 17H01

Un parti est une organisation d’hommes et de femmes qui partagent en principe des valeurs, des objectifs et des intérêts (le plus souvent). Comme toute organisation, un parti, par la diversité de ses membres mais aussi par l’importance des discordances qui peuvent apparaitre entre principes, valeurs et intérêts, va connaitre rivalités, concurrences, tensions qui débouchent sur des changements ou des scissions. Ces phénomènes sont l’ordinaire des organisations humaines.
Mais le PCR n’est pas un parti comme les autres. C’est un parti stalinien. C’est cette dimension fondamentale qu’il nous faut comprendre avant tout autre développement.
Éliminons d’entrée l’objection qui consisterait à dire que le stalinisme est mort avec Staline tant elle est confondante d’ignorance. Une seconde objection pourrait apparaître à savoir : « c’est une vieille critique que les adversaires du parti remâchent comme un vieil os« . Eh bien non! Il y a au PCR une actualité continue du stalinisme. Qu’est ce que le stalinisme? C’est une conception et une pratique particulières du parti politique, de son organisation et son fonctionnement.
Le stalinisme repose sur un mythe fondateur : le parti communiste est un parti de type nouveau dont les dirigeants, c’est à dire le premier d’entre-eux, est porteur de la vérité suprême et absolue.
Un parti à qui donc revient naturellement, par mission de l’histoire, le rôle de dirigeant, mission qu’il incombe au leader de faire vivre. Conséquences de ce mythe : un culte de la personnalité du leader bien aimé.
Dans un effort jamais démenti cela a donné à la Réunion cette ode du journal Témoignages chrétien de la Réunion : « Paul Vergès, li mem bon dié la terre« . « Paul Vergès, not’ ti coq chinois » ou « japon« , autre variante, péchaient  alors pour les bons apôtres de TCR !
Autre conséquence il y a ni tendance, ni fraction, ni pluralisme dans le parti. Quand ce parti assume le pouvoir, dans sa totalité ou dans une de ses plus modestes parcelles quand il est dans l’opposition, tout syndicat indépendant est assimilé à une « provocation » de la réaction ce qu’ont découvert récemment à leurs dépends les journalistes de Témoignages!
Le système stalinien, c’est donc pour reprendre une définition connue « une économie identifiée au pouvoir d’État et un pouvoir d’État qui s’identifie à un parti hégémonique sous la direction de son leader bien  aimé »
Un leader qui n’a de compte à rendre à personne puisqu’il est Vérité et Science absolues.
Ne rendre compte de personne à l’extérieur cela va de soi. Cet extérieur qui n’est que réaction, ennemis, ou au mieux des « masses qui seraient trompées » par ces premiers. Mais également sans rien révéler d’essentiel aux membres du parti qui doivent accepter, obéir et agir. Pour l’histoire présente, le remplacement de l’État par telle ou telle autre collectivité amène son lot d’exemples .
Dans un tel processus, tout questionnement des membres du parti devient subversif pour le parti et son appareil. Dans un parti au pouvoir, cela a donné des drames connus : procès, internement, déportation, élimination. Mais quand ce parti ne dispose pas du pouvoir d’État, c’est le bannissement des individus qui est recherché, leur suppression « symbolique » comme on peut voir à travers quelques affaires qui ont révélé publiquement le fonctionnement du PCR ces 50 dernières années.      

 

Pour Sinamalé sous couvert de défendre les intérêts de la Réunion, ce sont ses intérêts de pouvoir et d’affaires que Paul Verges cherche à satisfaire. Rejoint par quelques militants du FJAR, dont notamment la section étudiante de Paris, Serge Sinamalé crée les Cercles marxistes léninistes qui  donnent naissance ensuite à l’Organisation marxiste léniniste de la Réunion (OCMLR : 1975) pour devenir enfin le Mouvement Indépendantiste de la Réunion (MIR : 1981).
Pour Sinamalé et ses amis, seule l’indépendance peut permettre la décolonisation de la Réunion. Une cause qu’ils cherchent à internationaliser auprès de l’OUA et d’autres organisations et pays indépendants dont la Libye. Dénoncés comme gauchistes et aventuriers, ils seront accusés de faire « le jeu de la Droite« . Ces dernières années, Sinamalé avait abandonné la politique active au profit d’actions culturelles. Sa toute dernière manifestation publique aura été de marquer de sa présence le dévoilement du buste d’Alexis de Villeneuve place de la cathédrale, il y a un an.

 

Autre affaire retenue, celle de la dissidence des sections communistes de Saint-Leu et des Avirons en 1976. A la base de cette affaire, il y a la conduite de la direction du PCR qui veut imposer ses candidats aux élections locales contre la volonté des militants du coin. Pour obtenir gain de cause, la direction communiste décide de faire chanter les responsables de la section.
Ses responsables, les frères Raymond et Raoul Lucas et Philippe Dambreville, soutenus par les communistes du coin et aussi ceux de Saint-Paul, avec Daniel Saingainy, dénoncent ce chantage et attaquent publiquement Paul Verges. C’est la première fois que des responsables communistes s’en prennent publiquement aux méthodes de Paul Verges en saisissant la presse et l’opinion et en se portant candidats aux élections contre ceux de la direction du PCR. Accusés de traîtrise et d’être « achetés par la Droite« , ces responsables seront exclus du PCR.

 

La troisième affaire est celle de Jean-Baptiste Ponama, celle qui sera la plus nauséabonde et violente. Instituteur victime de l’ordonnance de 1960, Ponama choisit de démissionner pour se mettre au service du PCR. Numéro 3 du PCR, il sera candidat communiste à de nombreuses élections avant d’être élu conseiller général à Saint -Paul.
Fin 1977, le couple Ponama connaît des difficultés d’ordre privé auxquelles Paul Verges ne semble pas être étranger. La presse, début janvier, fait état de tensions entre le n°1 et le n°3 du PCR. Dans la foulée le quotidien du PCR publie une lettre qu’il dit avoir reçue anonymement et qui étale la vie privée de Jean-Baptiste Ponama sur la place publique, violant ainsi son intimité. Cette lettre, qu’aucun autre journal de la place n’avait accepté de publier, rend surtout caduque le jury d’honneur que Ponama avait demandé aux sages du PCR d’organiser et vise à le détruire.     
Se sentant doublement trahi, Ponama ne se laisse pas abattre, au sens premier du terme. La presse locale, avec retenue, embraye et l’affaire prend une autre tournure.
Ponama s’en prend au secrétaire général du PCR et à la direction de son parti. Les arguments échangés par presse et réunions publiques interposées, seront d’une rare violence. Ils se déplacent côté Ponama sur le plan politique. Il dénonce « l’exploitation que fait le PCR de la souffrance du peuple« , « le rôle des étrangers (zoreils ) à sa direction« , « l’utilisation des « Malbars » par l’appareil du parti comme « boeuf-brancart« , l’absence de contenu de l’autonomie, et la collusion du secrétaire général avec « les forces d’argent« .
Aux élections législatives de mars 1978, Ponama se présente à la députation contre Paul Vergès dans le but affiché de  faire battre celui dont il condamne la conduite, tant politique que personnelle, avec une sévérité extrême.
Accusé de « dérangé mental« ,  Ponama est exclu du PCR après l’échec de son secrétaire général dans la circonscription de Saint-Paul.
Retraçant l’histoire de son parti, en 1993, Paul Verges écrit avec un art consommé « l’exclusion contre un membre du parti n’est jamais intervenu« , ajoutant que « des différences avaient pu se produire à tel ou tel moment, amenant (un) membre à s’éloigner« ! (sic)

 

Dernières « différences« , pour parler comme Paul Vergès, celles de Boris Gamaleya qui s’exprimeront sur un autre registre : celui de la littérature.
Contrairement à tous ceux dont les noms ont étés cités, Gamaleya est lui membre fondateur du Parti communiste. Comme Ponama, il va être victime de l’ordonnance d’octobre 1960.
Poète reconnu quand il rompt avec le parti communiste réunionnais, c’est à travers son œuvre qu’il dénonce à son tour l’imposture de son chef. Un chef qu’il dénomme tour à tour : « Le diable » (renversant l’ode de TCR, voir plus haut) ou encore « le grand molloque » ou « big brother » .
Un chef (je cite) de « parti qui ne manque pas d’R » et dont il pourfend la politique de « fanfaron mégalomane le haut de sa pyramide inversée (…) régent d’une intelligentsia identitaire qui voudrait arrêter l’horloge à l’heure du maloya (avec) sa maison du clonage mental » .
Boris Gamaleya qui, rappelons-le, a prononcé le discours inaugural lors de la mise en place de la stèle d’Alexis de Villeneuve, place de la Cathédrale à Saint-Denis. 

 

Il n’a bien sûr pas été question, ici, de tous ceux, dirigeants de premier plan ou militants dévoués, qui se sont éloignés gardant pour eux, ou ne distillant qu’en privé, leurs interrogations, doutes, désaccords ou oppositions. Écartés ou éliminés parce qu’ils pouvaient devenir incontrôlables ou n’offraient plus assez de garanties car sachant trop de choses. Ils seront  remplacés par des zélés plus tenables parce que néophytes, ou parce que s’inscrivant dans ce qu’ils croient être un « gagnant-gagnant » avant de laisser la place à d’autres encore, tant que l’inculture sera transmise et entretenue autour de quelques légendes et autres impostures que paresse et intérêt bien compris veilleront à la reproduction.

 

La première de ces affaires que nous choisirons de retenir est celle de la dissidence causée par Serge Sinamalé, membre du bureau politique du PCR et membre fondateur du FJAR (Front de la jeunesse autonomiste de la Réunion) dont il assure la présidence à sa création. Pour Serge Sinamalé, « le PCR bafoue les intérêts populaires ». Se réclamant de la lutte de « libération nationale » à la base de la stratégie du PCR, il va accuser son secrétaire général de « collusion » avec le pouvoir et de tromper les Réunionnais.
Dans la phraséologie communiste, le PCR est accusé de « collaboration de classe avec la bourgeoisie et l’État« . Un État dont Paul Vergès se veut le conseiller pour la Réunion en espérant en « reconnaissance » être désigné comme administrateur.

 

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