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PCR 2ème partie : l’évolution des revendications statutaires…

Pour les communistes réunis en congrès constitutif au Port, la départementalisation a échoué. Cette revendication formulée une décennie plus tôt par leurs ainés a été au mieux une illusion, au pire un piège. Colonie française avant la loi du 19 mars 1946, La Réunion est demeurée 13 ans plus tard, pour les communistes, une colonie. […]

Ecrit par R. Laleu – le vendredi 08 mai 2009 à 09H53

Pour les communistes réunis en congrès constitutif au Port, la départementalisation a échoué. Cette revendication formulée une décennie plus tôt par leurs ainés a été au mieux une illusion, au pire un piège. Colonie française avant la loi du 19 mars 1946, La Réunion est demeurée 13 ans plus tard, pour les communistes, une colonie. Et le destin des peuples colonisés, c’est de se prendre en charge. Il faut donc changer radicalement de cap, de mot d’ordre et de stratégie.
Dans la phraséologie communiste alors en vigueur, cela s’appelle faire « une analyse concrète (grâce à la théorie marxiste) d’une situation concrète » (celle de la Réunion). Que nous livre cette analyse?
Tout d’abord qu’il y a désormais à l’échelle du monde une bataille qui oppose les pays colonisés aux pays impérialistes, avec comme enjeu pour les pays colonisés d’arracher leur indépendance. Pour le PCR, la Réunion ne peut et ne doit pas rester à l’écart de ce grand mouvement. Mais pour des raisons liées au peuplement de l’île, à la formation de leur société, les Réunionnais ont une « conscience nationale » très faible et restent très attachés à La France. Le rôle du PCR est donc de chercher un mot d’ordre qui doive à la fois rompre totalement avec celui de « département français », mais sans que ce soit l’indépendance qui ne correspond pas à la situation de la Réunion. C’est ainsi que les congressistes réunis au Port adoptent le mot d’ordre d’autonomie.
En adoptant cette position, les communistes réunionnais reprennent donc, avec plus d’un an de décalage, la revendication des partis communistes martiniquais et guadeloupéens qui eux mêmes n’ont pas voulu laisser au seul parti d’Aimé Césaire la possibilité de se réclamer de ce nouveau mot d’ordre.

 

C’est une autonomie « interne » qui est réclamée, avec « le droit pour les Réunionnais de pouvoir décider de toutes les questions d’intérêt local« … Une revendication qui s’accompagne d’une amorce de programme, avec parmi les  mesures avancées:
– « la nationalisation de l’industrie sucrière et la confiscation de leurs immenses domaines »
– « la mise en œuvre d’une véritable  politique de créolisation progressive des cadres, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé »
Un mot d’ordre et un programme qui ne suscitent pendant les deux premières années que peu de réactions de la part des adversaires des communistes, hormis le préfet Perreau-Pradier tout à sa croisade anti-PCR.
Les élus de droite sont sans doute trop occupés par leurs rivalités endémiques, à s’étriper pour défendre leurs intérêts locaux et monter des coups les uns contre les autres.
Deux événements vont faire changer radicalement cette attitude. L’arrivée de  Michel Debré dans l’ile à la demande d’une partie des élus de droite accablés  par les conduites suicidaires de leurs propres amis. Et la création de l’Association Réunion Département Français (ARDF) avec des syndicalistes marqués à gauche comme Albert Ramassamy, des anciens élus du Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (CRADS) comme Maitre Collardeau, ancien maire de Saint-Pierre et Conseiller de la République, mais aussi des membres de la société civile.
La question du statut va désormais s’installer au cœur du débat politique réunionnais. Autonomistes et départementalistes vont s’opposer frontalement, faisant de chaque élection un référendum sur le statut.              
Au fil des rencontres, des conférences, tant locales que nationales avec les Partis communistes français et antillais, et des manifestations du mouvement communiste international et des congrès, le PCR va préciser son projet, faire évoluer le contenu de l’autonomie revendiquée et exposer sa stratégie…

 

C’est ainsi que « l’autonomie interne » cède la place à l »autonomie de gestion » (1963: conférence de Paris) puis à un « état autonome » (1971: conférence de Morne-Rouge) et enfin à « une autonomie démocratique et populaire » (1977: conférence de Saint-Anne), mot d’ordre confirmé au 5è congrès du PCR au Port le 12 juillet 1980…
Le modèle revendiqué c’est tour à tour Cuba « où les masses mobilisées ont fait des miracles« , la République Démocratique du Viet-Nam « où les dirigeants du Parti sont à la fois les leaders et les héros populaires de leur pays » et également les « Démocraties populaires« . La stratégie retenue est celle qui allie « lutte de libération sociale » et « lutte de libération nationale« . Pour y parvenir, il faut arracher l’autodétermination.
Ces positions vont susciter de nombreuses polémiques et alimenter, au propre comme au figuré, de nombreux procès.
Pour ses adversaires, le PCR avance masqué car il ne réclame, sous couvert d’autonomie, rien d’autre que l’indépendance. Dés lors, la fin justifiant les moyens, dans chaque camp tous les coups sont permis. C’est dans la deuxième moitié de la décennie 1970 que les choses comment à se décrisper progressivement.
Mais pour le PCR, l’autonomie reste le choix de la raison car la situation ne cesse de devenir dramatique « dans un avenir toujours encore plus  proche« . Ainsi en 1973, le PCR nous annonce « l’explosion« . En 1975, ce sera « la fin de la période sucre qui se fera dans les pires conditions de crise économique et sociale« . En 1982, Paul Verges constate que « la situation s’aggrave rapidement et elle peut devenir dramatique dans un avenir proche et (..) déboucher sur une explosion sociale et une catastrophe économique« . Sans compter évidemment les menaces que fait peser sur nous le réchauffement de la planète. 

 

Toutefois l’élection de François Mitterrand, que le PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique) et le PCF avaient tout fait pour empêcher, crée estime le PCR « une ère nouvelle« . Le parti communiste renonce à l' »autonomie démocratique et populaire » sans pour autant renoncer à changer le statut de l’ile. En 1981 il se rallie au projet d’assemblée unique proposé par le gouvernement Mauroy. Rejeté par le conseil constitutionnel, le projet capote (1982). En 1986, seul puis grâce à de nouveaux alliés (une partie du PS et une partie de la  droite), le PCR réclame la bi-départementalisation qu’il avait pourtant combattu violemment quelques années plus tôt. Le projet capote à son tour (2000). Dans les deux cas, l’ARDF se se sera mis, comme dans les décennies précédentes, au travers de la  route du PCR. Pour l’heure, plus question de statut en attendant des jours meilleurs sans doute!
Quant aux luttes « de libération  sociale » et de « libération nationale« , elles ne sont plus de mise, disparition de l’URSS aidant. Place désormais « au rassemblement de toutes les bonnes volontés » pour peu qu’il se fasse autour de Paul Verges qui n’est plus désormais « que » président du PCR mais qui reste pour le PCR le visionnaire qu’il n’a jamais cessé d’être et qu’il convient de célébrer avec une ferveur au moins égale à celle que lui chantait chaque quinzaine les amis de Témoignage chrétien dans la décennie 1970.  
Fraternité, Réconciliation et Ferveur, citoyens, c’est ainsi que s’écrit désormais l’histoire!

 

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