Politiques et médias ne cessent de le répéter : les élections européennes sont importantes pour la Réunion, et l’Outre-mer en général. La participation à ces élections y est traditionnellement très faible, de l’ordre de 70% d’abstention (28,02 % de participation en 2004, et 21,18 % en 1999). Un chiffre à relativiser à la Réunion (qui représente la moitié des électeurs d’Outre-mer) puisque le taux de participation avait atteint 60% en 2004, à la fois cause et conséquence du fait que toutes les têtes de listes Outre-mer étaient réunionnaises. Si bien que les trois sièges de députés européens pour l’Outre-mer sont tous revenus à des Réunionnais (Paul Vergès, Margie Sudre et Jean-Claude Fruteau).
Pour éviter que cela se reproduise, le mode de scrutin a changé. Désormais, la circonscription Outre-mer est divisée en trois zones géographiques : l’Atlantique avec la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, l’Océan Indien avec Mayotte et la Réunion et le Pacifique avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. A l’issu du vote, chaque zone est assurée d’avoir un député élu.
L’important n’est pas qui… mais où…
Jusqu’ici tout va bien, mais c’est maintenant qu’il faut s’accrocher car ça se complique. Les trois sièges de l’Outre-mer seront tout d’abord répartis entre les listes (six listes en tout avec au moins un candidat par zone) à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sur la base du résultat de l’ensemble de la circonscription ultramarine. Classique. Seulement la difficulté n’est pas de savoir qui va remporter les sièges, mais plutôt où…
Car ensuite, les sièges seront répartis dans l’ordre du nombre total de voix. La liste qui arrive en tête remporte son siège dans la section où elle a obtenu son meilleur score, en pourcentage des suffrages exprimés. La deuxième prend elle son siège dans l’une des sections restantes où elle a obtenu son meilleur score, toujours en pourcentage des suffrages exprimés, tandis que la troisième liste obtiendra son siège dans la troisième et dernière section. A condition qu’aucune liste ne remporte plusieurs sièges dans plusieurs sections…
Concrètement, si l’on avait appliqué ce suffrage en 2004, les trois mêmes listes (PCR, PS et UMP) auraient obtenu un siège, seulement seul Paul Vergès aurait siégé puisque l’UMP aurait obtenu son siège dans le Pacifique et le PS dans l’Atlantique.
Un scrutin qui favorise l’arrivée de nouveaux candidats
Conséquence de ce nouveau scrutin, mais aussi du peu d’intérêt des ultra-marin pour les Européennes, le choix des têtes de listes pour ces élections. Étant donné qu’il est quasiment impossible, vu la manière dont seront attribués les sièges, de savoir quelle tête de liste dans quelle circonscription sera élue, les partis politiques utilisent cette élection comme « laboratoire » pour les prochaines échéances, notamment régionales. Ericka Bareigts profite ainsi pleinement de cette nouvelle donne.
Le cas est encore plus révélateur à l’UMP, qui positionne l’Antillaise Marie-Luce Penchard en lieu et place de Margie Sudre. Pourtant, la Réunion représente plus d’électeurs que toutes les Antilles réunies. Oui mais Marie-Luce Penchard serait « testée » avant les régionales de Guadeloupe où l’UMP envisage de la présenter pour reprendre la Région au socialiste Victorin Lurel.
Des calculs qui font une nouvelle fois passer l’Europe au second plan et qui ne devrait pas en faire de sitôt une des préoccupations majeures des ultra-marins alors qu’elle est pourtant omniprésente dans leur vie quotidienne…