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Musique péi: L’auto-production en plein essor

Chaque année, entre 300 et 350 disques sont produits à la Réunion. Confirmés ou amateurs, la majeure partie des musiciens réunionnais a contourné la frilosité des maisons de disque, en faisant vivre leur art de façon indépendante, par l'auto-production. De la musique identitaire à la variété moderne en passant par les métissages les plus imaginatifs, chaque composition laisse une empreinte.

Ecrit par zinfos974 – le mardi 04 octobre 2011 à 15H56

 

Vivre sa passion et vivre de sa passion sont deux choses qui diffèrent sensiblement et spécialement dans une île où l’on estime entre 600 et 700 le nombre de groupes de musique actifs. Cela sans compter ceux qui se contentent de jouer dans les sphères privées sans ambitionner de conquérir le public. "L’un des départements les plus dynamiques" en matière musicale, dira Alain Courbis. Selon le directeur du Pôle régional des musiques actuelles (PRMA), le séga domine largement la production de CD locale, suivi d’assez loin par le maloya qui incarne davantage une "musique de scène". Variété, dance-hall, reggae, pop, jazz ou encore électro ne sont pas les oubliés du paysage musical réunionnais, ils s’y fondent et s’écoutent souvent sous la forme de modèles hybrides tel le "malogué", synthèse du reggae et du maloya.

Avec un tel vivier de création musicale, il parait compliqué d’émerger, de se démarquer du lot et a fortiori de se vendre à l’extérieur. "De nombreux artistes partent en métropole ou dans l’océan Indien faire des scènes. On s’exporte bien. De grandes figures du maloya, Daniel Waro, Granmoun Lélé, Firmin Viry, ont réussi à dépasser nos frontières en faisant connaître notre musique identitaire. Bien sûr, tous les artistes n’ont pas la même notoriété, mais les collectivités ont pris la mesure de l’éloignement avec la métropole, et grâce à leurs subventions, les artistes se déplacent. On s’en sort bien, même mieux que les Antilles, assure Alain Courbis. On met plus longtemps à s’installer mais on peut espérer s’inscrire dans le temps".

La musique, un mode d’expression pas toujours un gagne-pain

Toujours est-il que sur l’ensemble des musiciens et chanteurs locaux, peu parviennent à gagner leur vie exclusivement grâce à la musique et ceux qui y parviennent conjuguent généralement la scène, la vente de disques et l’enseignement. La récompense d’heures passées en répétition, à investir dans du matériel, à tourner dans les cafés-concerts se situe ailleurs. Une étude menée à la Réunion en 2007 par le PRMA aboutit à la conclusion suivante: "pour de nombreux musiciens, l’activité musicale constitue un revenu d’appoint nul ou négligeable au niveau économique".

Entre un marché du disque en pleine crise et une multitude de produits proposés par des artistes amateurs, confirmés, maîtres de techniques ou autodidactes, les Réunionnais se sont adaptés pour pouvoir tout de même transmettre leurs idées, leurs valeurs et leur poésie par la musique. Jusque dans les années 2000, les maisons Discorama, Piros et Oasis régentaient le secteur. Avec l’avènement des technologies, les home-studios se sont multipliés et aujourd’hui, deux tiers des artistes s’auto-produisent, si l’on s’en réfère aux chiffres du Prma. Leurs albums sont ensuite vendus de mains en mains, dans l’entourage, après les concerts et via divers réseaux de distribution.

La carte auto-production

Après avoir vécu de nombreuses années avec la musique dans la peau en jouant tour à tour batterie, basse, guitare, Laurent Roselli, 39 ans, a enfin sauté le pas. En décembre dernier, il a sorti "Mon ti’piment", un album séga qu’il veut hommage à son père, Pierre Roselli. Trop couteux pour ce passionné de faire intervenir une maison de disque, alors c’est dans le home-studio d’un ami qu’il a enregistré. "Pour faire un album, il faut compter environ 6.000 euros, après si on veut que ça marche il faut faire en plus de la promotion et ça revient cher. On peut le faire pour son plaisir, mais de là à espérer en vivre… Enfin, on ne sait jamais, si un jour ça décolle et que l’on me propose une tournée, je foncerais bien sûr"…

Autre exemple d’auto-production, le groupe Tapok, né il y a une dizaine d’année de la volonté de ses membres de faire de la musique et de montrer "la richesse de la langue créole" à travers des Fonnkèr. Les six musiciens militants consacrent leurs temps libre à leur passion et ils en sont déjà à leur quatrième opus, un album intitulé "Tapokalips". Et s’ils ont choisi l’option auto-production, c’est avant tout par souci d’indépendance. "Nous ne sommes redevables à personne, nous gardons la maitrise de notre projet et nous sommes fiers d’en porter les fruits", explique Arnaud Bazin, musicien et chanteur présent dans le groupe dès ses balbutiements.

"La donne a changé"

Parce que les artistes qui le souhaitent ont la possibilité, moyennant quelques milliers d’euros, d’accéder à la filière discographique, les productions péi augmentent de façon exponentielle. Un constat sur lequel Alain Courbis jette un regard critique. "Avant, il fallait parfois galérer pendant des années avant de pouvoir poser le pied dans un studio d’enregistrement, aujourd’hui certains sortent un disque avant d’être montés sur une scène. Au moins, on ne nous dira pas que l’on ne s’exprime pas par la musique! La situation actuelle n’est ni meilleure, ni moins bien qu’avant, simplement, la donne a changé".

Dans la profusion du spectacle vivant et le méli-mélo des productions de disque, il revient au public de faire le tri et d’être aux aguets pour ne pas passer à côtés de certaines perles…

 

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