Demain, au tribunal de grande instance de Saint-Denis, se tient une nouvelle audience du juge de l’exécution dans l’affaire Moussajee contre Sogecore. Si la cour d’appel de Saint-Denis a reconnu le préjudice subi par les frères Moussajee dans la session de leur entreprise Propneu à la société Sogecore, la nouvelle audience de demain risque de voir « rétroactivement l’annulation des saisies « , craint Me Nasser Zaïr. « Aujourd’hui, on a reconnu que la Sogecore avait volé et escroqué nos clients. Mais au final, on a rien et on recul« , constate-t-il. Me Zaïr pointe du doigt la multiplicité des recours pris par la Sogecore pour au final obtenir un « ovni procédural« . « On pourrait avoir une juridiction consacrée uniquement au dossier Moussajee« , lâche Me Zaïr.
Au-delà de la nouvelle audience de demain, Salim Moussajee et ses avocats veulent dépayser une partie de l’affaire. Pourquoi ? Ils voient dans la justice réunionnaise un « dysfonctionnement » apparent avec un traitement particulier réservé à leur affaire. « On va engager la responsabilité de l’Etat au titre du dysfonctionnement de la justice réunionnaise. Il n’y a pas eu de traitement dans un délai raisonnable« , explique-t-il. Pour rappel, l’affaire court maintenant depuis six ans.
« Quand Manuel Valls dit qu’il y a des ripoux dans la police à Marseille, personne ne crie au scandale »
Si la saisie de l’IGS (Inspection générale des services et de l’administration) n’a rien donné, « on nous a répondu qu’il ne pouvait pas intervenir sur une affaire en cours d’instruction« , les avocats des frères Moussajee ont bon espoir dans le dépaysement d’une partie de l’affaire. « A la Réunion, la machine judiciaire peut se transformer en machine de guerre (…). On le dénonce pour les Moussajee mais également pour faire changer les choses« , explique Me Pierre-Olivier Lambert. « On veut que la Réunion soit une île où le droit soit respecté« , lâche-t-il. « Quand Manuel Valls dit qu’il y a des ripoux dans la police à Marseille, personne ne crie au scandale. En matière de justice en France et à la Réunion on ne peut pas penser ça« , ajoute Me Zaïr.
Si l’action engagée sur les deux tableaux du civil et du commercial est un demi revers, il y a également un motif de « satisfaction » pour Me Lambert. « On reconnaît le préjudice des Moussajee. Maintenant la bataille va tourner autour des indemnisations. On se retrouve obligés d’allumer d’autres feux car l’indemnisation est bien en dessous de que l’on a demandé« , rappelle-t-il. La décision rendue en décembre 2008 par le tribunal arbitral donnait raison aux Moussajee et leur octroyaient plus de 680.000 euros d’indemnisation au titre du préjudice moral. Sur le montant des indemnisations, la cour d’appel a remis en cause le chiffrage et demandé aux frères Moussajee de revoir le calcul du montant des préjudices. « Mais on a une crainte, c’est de voir l’indemnisation devenir une broutille. C’est très difficile à quantifier. Pour vous donner un ordre d’idée, si vous perdez un enfant le montant du préjudice moral ne peut pas excéder 30.000 euros (…). On va s’appuyer sur plusieurs jurisprudences, notamment celle Tapie (ndlr: Bernard Tapie avait touché 45 millions d’euros au titre de préjudice moral dans l’affaire Adidas)« , explique Me Zaïr.
« Notre devoir de nous battre et de lutter contre ces dérives »
De son côté, Salim Moussajee ne veut plus se cacher : « Moi je parle de collusion avec la justice locale« . « On veut que le ministère de la justice ordonne une enquête sur la comptabilité de la Sogecore. On a à faire à des terroristes de la finance« , lâche-t-il. Salim Moussajee ne craint plus les procès en diffamation. « Je dénonce et on me condamne« , souligne-t-il amèrement.
Après 6 ans de procédure, plus de 400.000 euros dépensés en honoraires d’avocats et toujours près de « 8 millions d’euros perdus« , Salim Moussajee ne veut rien lâcher. « C’est de notre devoir de nous battre et de lutter contre ces dérives. Moi je voudrais poser une question aux magistrats qui ont cautionné tout ça. Si vos enfants se retrouvaient dans notre position est-ce que vous l’accepteriez ?« , conclut-il.
En attendant les prochains rendez-vous judiciaires à la Réunion, les procédures pénales vont se multiplier en métropole auprès des TGI de Paris et de Lyon.