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Mgr Aubry : « Pâques, c’est sortir de son trou »

Monseigneur Aubry a adressé aux fidèles réunionnais son traditionnel message, en ce dimanche de Pâques. L'évèque de La Réunion estime que "la fête de Pâques (...) nous invite tous à refuser la vision d’une île étriquée  "petit paradis" ou "grand enfer". Nous avons à sortir du trou intérieur dans lequel nous nous enfermons trop souvent. (...) Il nous faut progresser en laissant de côté la peur, en valorisant nos atouts en fonction des êtres humains concrets qui vivent en priorité sur cette île. Et nous ouvrir sur le monde".

Ecrit par – le dimanche 31 mars 2013 à 07H12

Les temps sont difficiles. Le monde va mal du point de vue économique, financier, social. Il n’y a jamais eu autant de stress, de violences, de haine, de désespoir et le nombre de suicides ne cesse d’augmenter. Guerres et rumeurs de guerres !

Alors à quoi cela sert de célébrer Pâques ? C’est la question que m’a posée un ami. On a l’impression d’être impuissant pour changer le cours des choses, pour faire bouger les lignes. Le risque est de se replier sur soi-même, en faisant valoir ses justes droits mais de façon extrême, en basculant dans des alibis, en rappelant aux autres leurs obligations vis-à-vis de nous et en oubliant notre propre devoir vis-à-vis des autres. L’enfermement : la responsabilité c’est pour les autres, moi je ne bouge pas. J’attends et je tire mon épingle du jeu.

Pâques, c’est tout le contraire. C’est sortir de son trou avec Jésus-le-Christ qui sort de son tombeau. D’année en année, vivre c’est revivre avec notre vie renouvelée. Non pas pour un nouveau tour de piste qui nous ramènerait au point de départ. La course de notre vie est portée par le Christ ressuscité vivant en nous. Dans le respect de la liberté et de la responsabilité de chacun, la trajectoire est aspirée par la certitude de son retour glorieux au jour de son jour, à l’heure de son heure. Et après les douleurs de l’enfantement que connaît l’Humanité en nos temps de profondes mutations, ce sera l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle.

Pâques est une certitude historique d’hier et d’aujourd’hui. Les premiers apôtres ont été les témoins qui « ont mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Actes 10, 37-43). L’Evangile s’est diffusé aux quatre coins du monde dans toutes les cultures. Le souffle de l’Esprit prépare toutes les Eglises et l’Humanité tout entière à être une seule famille humaine où les diversités spirituelles chanteront les louanges du Créateur. La création trouvera son harmonie dans l’harmonie de Dieu. Cette harmonie de plénitude, paix et joie, habite déjà le cœur de tous les croyants « votre vie reste cachée avec lui (Jésus-Christ) en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col. 3 /1-4).

Certains peuvent prendre ces propos comme une fable, un mythe sans consistance. D’autres vont s’appuyer sur des incohérences de chrétiens pour tout rejeter en bloc. C’est oublier que les chrétiens cheminent du même chemin que toute l’Humanité. Notre témoignage est d’être des pécheurs pardonnés qui refusent le désespoir pour nous-mêmes et pour les autres, pour notre île et pour l’Humanité. La résurrection du Christ et la perspective de son retour glorieux ouvrent l’horizon à l’Espérance. C’est pour cela que nous refusons la fatalité. Nous refusons une Humanité déshumanisée où les exclus seraient encore plus exclus, où l’amour se réduirait à la satisfaction des pulsions immédiates, où l’argent serait l’idole suprême, où la politique ne serait que jeu politicien, où la religion ne serait que rites cultuels vidés de leur sens avec une idée magique de Dieu.

La fête de Pâques pour les chrétiens–avec–les–autres nous invite tous à refuser la vision d’une île étriquée « petit paradis » ou « grand enfer ». Nous avons à sortir du trou intérieur dans lequel nous nous enfermons trop souvent. Nous sommes pourtant une île d’Indianocéanie ouverte sur la mer et un élan de montagne qui s’élance vers l’infini du ciel. Dans notre Histoire, nous avons traversé des étapes douloureuses. Nous avons surmonté des détresses sociales et économiques. Nous avons vécu des tournants politiques qui ont permis de progresser en une seule communauté de destin dans la fidélité à toute notre Histoire. Il nous faut progresser en laissant de côté la peur, en valorisant nos atouts en fonction des êtres humains concrets qui vivent en priorité sur cette île. Et nous ouvrir sur le monde. Que nos jeunes puissent aussi aller voir ailleurs et revenir s’ils le souhaitent. La gouvernance politique ne peut pas rester comme elle est. Il nous faut du courage pour évoluer vers la responsabilité sociale, économique et politique grâce à l’application du principe de subsidiarité. C’est l’Enseignement social de l’Eglise.

Pâques nous invite à descendre au plus profond de nous-mêmes et à laisser l’Esprit nous remettre en cause pour ouvrir l’horizon à la vie. Arrêtons de nous autoflageller continuellement en nous dévalorisant nous-mêmes ou en prétendant reconstruire l’Histoire à partir des idéologies de conflits exacerbés. Les tensions sont inévitables et mêmes utiles. Le dialogue doit être permanent. Dans tous les domaines, la dignité humaine n’est pas négociable. Elle doit être respectée dans tous les partenaires, de manière réciproque et par le dialogue permanent. La défense des intérêts particuliers doit toujours s’inscrire dans la prise en considération de l’intérêt général pour la promotion de notre communauté de destin.

Pourquoi donc ce déballage continuel de drames, de suicides, dans des opinions médiatisées avec des faits divers traités souvent comme des reportages radiophoniques ? Nous sommes dans une île. Il est vrai. C’est une raison de plus pour ne pas battre le tambour et donner une importance internationale à ce qui ne le mérite pas et détruit une image positive de l’ensemble vécu à La Réunion. Ne créons pas un climat de jugement et de condamnation avant que la justice ne se soit prononcée. Nous sommes dans une île. Tout le monde connaît tout le monde. Un drame de l’existence amplifié médiatiquement conduit à l’accablement familial et même social, parfois au suicide. La médisance et la calomnie détruisent une société et lui interdisent l’avenir. N’oublions pas de nous poser les quatre questions de la vieille parabole avant de parler, avant de diffuser une image, même sur les réseaux sociaux : est-ce vrai ? Est-ce bon ? Est-ce utile ? Est-ce nécessaire ?

Pâques est la plus belle fête de la chrétienté parce que c’est la fête de la Résurrection, de la Lumière, de l’Espérance et la source de notre engagement à faire bouger les choses. Chacun de nous a reçu un certain nombre de talents qu’il est appelé à développer. Nous sommes riches de nos talents mis en commun. Nous sommes alors capables de porter notre contribution pour humaniser à la mesure infinie de Dieu.

« O, toi qui dors, réveille-toi
Le jour a brillé
D’entre les morts relève-toi
Sois illuminé ! »
 
Le 30 mars 2013
Monseigneur Gilbert AUBRY

 

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