Il n’a que 20 ans et un sourire qui ne laisse rien transparaître. Et pourtant… Viken Joshi n’a pas eu la vie facile ; et c’est peu dire. Ce jeune Indien originaire de Surate est homosexuel. Dans son pays, c’est illégal. Jusqu’en mai l’année dernière, le jeune homme a pu le garder secret vis-à-vis de sa famille et surtout des autorités. Mais voilà qu’en 2016, un concours de circonstances change sa vie.
L’étudiant en média à l’université à Mumbay est sur le chemin du retour lorsqu’il s’arrête pour aller dans des toilettes publiques. « En Inde c’est le genre d’endroit que tu évites mais là je n’avais pas le choix », raconte-t-il. Il avoue qu’il s’agit aussi d’un lieu de rencontre entre homosexuels. Alors qu’il s’apprête à quitter les lieux, un groupe d’hommes pénètrent dans les toilettes et s’en prend à ceux qui s’y trouvent. Viken, chanceux, parvient à s’enfuir et naïvement, il se dirige vers le commissariat le plus près, à deux minutes de là.
Le policier le viole
Il est alors reçu par un jeune policier, qui écoute son histoire. 45 minutes d’attente plus tard, il est reçu par un autre policier, plus âgé, qui l’invite à entrer dans son bureau. « Il était fortement alcoolisé, se souvient Viken, et après avoir écouté mon histoire, m’a accusé d’être allé aux toilettes pour rencontrer des hommes et d’être un menteur. Je me suis vu en train de me défendre et enfin, d’avouer que j’étais homosexuel ». C’est à ce moment-là que le policier menace de tout raconter à sa famille, si Viken ne couche pas avec lui. Le jeune homme refuse ; le policier finit par le violer.
Choqué, Viken rentre alors chez lui, résolu à ne rien dire, « car en Inde, tu ne peux pas te battre contre la police ». Le soir-même, le même policier se rend chez la famille de Viken pour dévoiler son homosexualité. « Ils m’ont ensuite ordonné d’arrêter mes études et m’ont enfermé chez moi pendant cinq mois, raconte-t-il, et ce n’est que grâce à un ex-petit ami qui a réussi à mentir et convaincre mon père que des opportunités m’attendaient dans une autre ville, que j’ai pu partir ».
Viken parvient alors à rejoindre le Bhoutan en novembre 2016 où il reste deux semaines, le temps de réaliser que l’ONU ne peut pas l’aider là-bas, et qu’il faut qu’il se rende au Népal. Une association, ainsi qu’un représentant autrichien, l’aident à s’y rendre. Nouvelle déception, un traité signé entre les deux pays ne permet pas de recevoir des demandeurs d’asile indiens. Un mois et demi plus tard, un e-mail de sa sœur lui indique que l’ambiance au sein de la famille s’est calmée et qu’il peut rentrer. Nous sommes en février 2017. Soulagé, il retourne chez lui à Surate où les tensions sont cependant toujours palpables. Viken tente de reprendre sa vie d’avant et travaille bénévolement dans une école pour enfants aveugles, comme il le faisait auparavant.
« Tu dois devenir normal, sinon ça ne me dérange pas de perdre un fils »
C’est à cette école que les visites de ce même policier, ainsi que les menaces d’emprisonnement et de mort commencent. « Il ne voulait que je parle à personne de ce qu’il m’avait fait. Je lui ai assuré que ce n’était pas mon intention. Il devait avoir une femme et des enfants et je ne voulais pas faire de mal à ces gens qui n’avaient rien demandé », explique-t-il. Une bonté et une force admirables… qui n’empêchent pas la police de le trouver et de le menacer à nouveau de mort, où qu’il soit.
Si le jeune homme encaisse les harcèlements de la police, il ne supporte pas la réaction de son père qui lui annonce un jour : « Tu dois devenir normal, sinon ça ne me dérange pas de perdre un fils ». « Je pense qui si j’avais eu le soutien de ma famille, je ne me serais pas senti si vulnérable, avoue-t-il, mais là je savais que je devais partir ». Se renseignant sur internet sur les pays qui pourraient l’accueillir, il tombe sur La Réunion. Une entrée en France qui ne nécessite pas de Visa. Avec l’aide financière d’un ami, il arrive en août sur l’île.
« La décision de l’État déterminera comment va se dérouler le reste de ma vie »
D’abord aidé par les associations Le Refuge et Orizon, la préfecture lui accorde ensuite un mois de résidence. Et le voilà demandeur d’asile. L’Etat français, les associations et de nouveaux amis l’aident alors à faire les démarches. Demain a lieu son entretien avec l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Une réponse devrait être rendue dans un mois. Si la résidence lui est refusée, Viken devra rentrer en Inde. « La décision de l’État déterminera comment va se dérouler le reste de ma vie », déclare-t-il.
Il ne se dit pas unique, loin de là : « Notre communauté subit de telles horreurs en Inde ; je suis juste un des rares à être parvenu à m’échapper. D’où la responsabilité que j’ai d’en parler et de sensibiliser la communauté internationale sur ce qui se passe ». Il compte lancer une campagne de sensibilisation et interpeler les politiques sur les violences et mises à morts que subit la communauté LGBT en Inde. Il souhaite avant tout se battre contre l’article 377 du code pénal indien qui interdit « les relations charnelles non-naturelles entre deux personnes et avec des animaux ». Elle avait été abandonnée en 2009 puis rétablie en 2013. « La loi doit changer, car c’est elle qui donne le plein pouvoir à la police de nous traiter de cette manière et c’est pour ça que j’en suis arrivé là ».
« Nous sommes arrivés à saturation, termine Viken qui démontre une grande tolérance et une belle philosophie de vie, surtout pour son jeune âge, et nous cherchons juste la liberté d’être en paix et de vivre nos vies ».