Il y a un peu plus d’une semaine, un premier avocat saint-paulois ouvrait ce qui pourrait s’avérer être une brèche dans la ligne de défense adoptée par les médecins. Me Alain Antoine, en tant que conseiller du Collectif Mediator Réunion océan Indien, a mis formellement en cause un médecin ayant prescrit du Mediator en tant que coupe faim. "D’autres médecins seront impliqués" avait-il annoncé, restant toutefois prudent devant la masse d’informations à vérifier qui lui arrivent, car les supposérs victimes du Mediator continuent encore à se faire connaître.
"Pour moi, le médecin ne peut être directement concerné dans le cas du Mediator" avance le docteur Yvan Tcheng, président du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Réunion. "Bien avant le médecin, il y a des études, un ministère, l’Afssaps et son autorisation de mise sur le marché. Tous ces niveaux viennent bien avant le prescripteur. Les médecins ne sont pas chargés de la vérification des médicaments", argue le professionnel. Un point de vue qui n’est pas partagé par tout le monde.
"Il reviendra à la justice de se prononcer"
"Toute prescription du Mediator contre son usage premier est déjà suffisant pour caractériser la faute d’un médecin" répondait l’avocat, sûr de son angle d’attaque. Sur ce point précis, le président de l’Ordre des médecins de la Réunion se veut tout aussi catégorique, tout en défendant légitimement la cause de ses confrères. "Que nous dit le Vidal à propos du Mediator ?" demande le médecin. "Il y est fait référence comme "adjuvant à un régime pour les diabétiques en surpoids", d’où l’étonnement du docteur devant le déplacement des responsabilités en direction du prescripteur.
Ce qui fait dire à Yvan Tcheng que "l’avocat ne fait que son travail". "Il reviendra à la justice de se prononcer" ajoute-t-il prudemment. Des médecins qui peuvent également se targuer d’avoir une défense de poids face à la critique en la personne du ministre de la santé Xavier Bertrand lui-même. Ce dernier avait affirmé le 9 mai dernier que "les médecins ne seraient pas les payeurs" dans l’indemnisation des victimes du Mediator.
A la rentrée parlementaire, le gouvernement devra défendre son projet de "réforme du médicament" pour ne pas revivre un deuxième épisode comme celui du Mediator. Entre autres mesures, le texte de loi propose d’instaurer un système de déclaration publique d’intérêt des personnels dirigeants et experts des agences sanitaires lors de leur prise de fonction. "Un peu à la manière de la déclaration patrimoniale d’un homme politique" avant d’occuper un poste concède le président de l’Ordre des médecins, qui n’y voit que du positif.
Gérer le flux des visiteurs médicaux
Un peu plus loin, le projet de loi affiche l’obligation faite aux laboratoires pharmaceutiques de rendre public tous les avantages qu’ils procurent aux médecins ou même aux étudiants en médecine. Une demi nouveauté pour Yvan Tcheng car "cela est déjà appliqué. C’est déjà le cas lorsqu’un laboratoire veut entrer en relation avec un médecin. Sa demande doit être soumise à l’Ordre". Quant aux visiteurs médicaux ou pharmaceutiques, la libre appréciation reste de mise. Devant les sollicitations, chacun voit midi à sa porte. "Personnellement, j’ai fait le choix de ne pas recevoir les visiteurs médicaux car je n’ai pas le temps mais d’autres médecins le font. C’est selon".