J’étais chef de poste ce jour-là. On avait fait des préventions à destination des surfeurs. A 17h05, il y a eu un mouvement de panique sur le spot de surf au niveau de la gauche : on a vu des jeunes sortir et crier. Ayant déjà eu affaire à des attaques de requins, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait de ça.
On a immédiatement mis le jet-ski à l’eau et je suis parti avec mon collègue Bertrand Babef sur l’intervention. Malheureusement, il y avait des grosses séries de vagues au même moment qui nous ont retardés, il y avait une bonne houle de trois mètres. On est tombé et mon collègue s’est cassé la cheville et le tibia. On a ensuite pu remonter sur le jet-ski et atteindre la victime. A ce moment-là, je l’ai récupéré sur le sled (la planche à l’arrière du scooter, je l’ai sécurisé et on a rejoint le spot de secours.
Là-bas les collègues attendaient avec les garrots. Il y avait aussi quelques personnes qui sont venues nous assister. On a mis les garrots aux membres touchés. La victime est restée consciente durant toute l’intervention jusqu’à ce que le Smur et les pompiers prennent le relais et le placent sous anesthésie.
Vous connaissez la victime ?
Il me semble l’avoir déjà aperçue puisque moi-même je suis surfeur, depuis très longtemps. Mais je le connaissais pas personnellement. Je lui souhaite tout le courage du monde pour les épreuves qui l’attendent, il a toute ma compassion.
Vous n’en étiez pas à votre première intervention en situation d’attaque de requin ?
Non malheureusement, j’étais déjà intervenu pour l’attaque de Mathieu Schiller et d’Arnaud Dussel. Pour le premier, c’était un très bon ami à moi depuis plusieurs années et, malheureusement, ça s’est mal passé. Pour Arnaud, grâce au jet-ski, on avait réussi à le sortir indemne.
Cette attaque a donc ravivé des souvenirs douloureux ?
C’est surtout qu’on pensait qu’on était sorti de l’enfer de la crise requin, et avec ce nouveau coup dur (après avoir cru que le cauchemar était terminé à travers les solutions apportées) on voit qu’il n’en est rien. Et on ne sait pas ce qu’il va se passer par la suite. Ça fait peur de perdre l’océan à tout jamais.
Une aide psychologique vous a-t-elle été proposée pour affronter cette épreuve ?
Oui, la mairie de Saint-Paul m’a proposé une aide psychologique. Pour l’instant je n’en ressens pas encore le besoin, mais si le besoin s’en fait sentir, je les contacterai.
Malgré ces événements difficiles, vous voulez continuer ce métier de MNS ?
C’est une passion, j’ai grandi dans la mer, j’ai passé toute ma vie dans l’eau, c’est mon équilibre. C’est comme demander à un poisson de vivre sur la terre : c’est pas possible. C’est un élément qui me permet d’avoir un équilibre dans ma vie, qui me fait du bien, qui fait partie de ma personnalité, qui fait ce que je suis. Quand on nous dit que l’eau n’est pas notre élément, pour moi, ça l’est plus que la terre. Je ne suis pas dans le débat de quoique ce soit, sur la pêche ou autre chose, mais de dire que l’homme n’a pas sa place dans la mer, je ne suis pas d’accord.
Par ailleurs, je tire mon chapeau à tous mes collègues qui étaient là samedi. Et je voudrais qu’on revalorise ce corps de métier. On est pas juste assis à regarder les jolies filles, notre métier c’est aussi ça, des noyades, des attaques de requins, on est là pour ça.
Que pensez-vous d’une verbalisation pour les contrevenants ?
Un message pour les surfeurs ?
D’être prudents, et de respecter toutes les interdictions.