Revenir à la rubrique : Courrier des lecteurs

Madagascar Résistance : Résister, résister encore, résister toujours

Comme tout ce qui relève de l’esprit et du sentiment, notre capacité de résister à une épreuve, ou de nous opposer à une situation, est mise durement à l’épreuve par le temps. Lorsque les perspectives sont claires, lorsque les possibilités d’une victoire (fin de l’épreuve, changement de la situation dont on ne veut pas) sont […]

Ecrit par Les inconditionnels de Madagascar – le mercredi 20 juillet 2011 à 18H22

Comme tout ce qui relève de l’esprit et du sentiment, notre capacité de résister à une épreuve, ou de nous opposer à une situation, est mise durement à l’épreuve par le temps.

Lorsque les perspectives sont claires, lorsque les possibilités d’une victoire (fin de l’épreuve, changement de la situation dont on ne veut pas) sont fortes, il est plus facile de faire de la résistance. A contrario, lorsque les perspectives sont mouvantes et la victoire plus dure à obtenir, persévérer dans la résistance est plus difficile.

La crise politique malgache qui aurait dû s’achever en août 2009 avec la signature des accords de Maputo perdure jusqu’à aujourd’hui. Cette crise politique s’est transformée, au fil du temps, en crise sociétale divisant jusqu’à la cellule familiale, en crise économique, en crise sociale qui deviendra bientôt, si ce n’est pas déjà le cas, une crise humanitaire.

Tout semble alors se liguer pour nous pousser à lacher prise et nous faire renoncer :

Les risques personnels ou étendus aux proches ; les trahisons, même si on les sait inévitables en politique, et plus encore avec la classe politique qui sévit à Madagascar comme dans toutes les anciennes colonies françaises ; la conscience de la souffrance quotidienne de la population, frappée par des sanctions internationales, alors que les responsables de cette situation se protègent par d’épais matelas d’argent mal acquis et rapidement amassé ; la conscience de l’énormité du futur travail de reconstruction, alors que le précédent créé par ce premier coup d’Etat hypothèque la stabilité politique dans le futur ; et surtout, la conscience d’avoir à mener un combat inégal, toujours à recommencer, face à des forces extérieures qui persistent à vouloir réduire les anciennes colonies à l’état de protectorats.

Tout résistant, quel qu’ait pu être son combat, connaît ces moments de fatigue et d’interrogation. Il doit alors renforcer sa combativité en recourrant à deux moyens : nourrir son indignation car une dose d’indignation est indispensable à l’engagement et à l’action, et penser aux combattants qui l’ont précédé dans l’histoire car c’est un honneur de suivre leurs pas.

Pour nourrir votre indignation nous vous suggerons de voir "Françafrique", l’excellent documentaire réalisé par Patrick Benquet en 2010 et produit par la Cie des Phares et des Balises. Ce film montre avec une précision remarquable la naissance du réseau Françafrique, son développement, la perversion de la classe politique française qui en résulte par le biais de l’argent du pétrole africain, la protection par la France, y compris par les armes, des dictateurs françafricains, l’élimination de ceux qui manquent de docilité. Toute l’histoire des relations postcoloniales (si l’on peut dire) entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique est là, depuis Charles de Gaulle et Foccart jusqu’à Sarkozy et Bourgi, en passant par Mitterrand, son fils Christophe et Guy Penne, la version socialiste de Foccart. Oui, on réalise pleinement, après avoir vu ce film, tout le chemin qui restera à parcourir par les Africains avant qu’il ne leur soit donné de pouvoir décider de leur avenir. Mais curieusement, loin de décourager, ce film agit comme un remontant : il efface toute fatigue. Véritable potion magique à consommer sans modération et à partager de même avec les résistants au pays, qui ont peu accès à de tels documentaires.

Toujours dans le registre de la nécessaire indignation, nous vous recommandons également les films suivants : celui montrant le complot contre Patrice Lumumba et son assassinat, rediffusé récemment sur une chaîne française, et où l’on voit notamment certains acteurs belges et américains en parler aujourd’hui avec détachement, voire avec amusement, sans l’ombre d’un regret ; ou bien celui intitulé « Le sang du Nigéria », montrant comment ce pays est "saigné" de son pétrole, sans bénéfice pour sa population et dans l’irrespect le plus total de son environnement ; ou bien encore "A qui profite le cuivre", réalisé en 2011 par Alice Odiot et Audrey Gallet (productions Yam2) qui, comme son titre l’annonce, montre le véritable hold-up perpétré par une grosse entreprise multinationale sur le cuivre zambien. En Zambie, à Mufulira, se trouve en effet la plus grande fonderie d’Afrique. L’exploitation du cuivre, les rejets de dioxyde de soufre et d’acide sulfurique entraînent une importante pollution qui cause des problèmes pulmonaires, de peau et des cancers aux habitants de la région, alors que la société de négoce de matières premières Glencore a bénéficié d’un prêt environnemental de 48 millions d’euros de la part de la Banque européenne d’investissement en 2005. Avec l’aide d’une ONG française, Les Amis de la Terre, Anne Sophie Simpere et l’économiste zambien Savior Mwambwa voudrait faire condamner Glencore. En avril dernier, un procès a été intenté par cinq ONG contre la multinationale pour violation des principes de l’OCDE.

Et pour réveiller notre combativité, Il est bon aussi de réécouter et de faire réécouter les discours d’Andry Rajoelina à Ambohijatovo en 2008 : indignation garantie tant ils sont aux antipodes de ces actes.

Mais comme nous le disions plus haut, l’indignation est utile pour s’engager et agir.

Et là, il est bon de disposer de référence positives dont nous pouvons nous inspirer

Nous pouvons vous suggérer, par exemple, de lire ou de relire la biographie de Rainiandriamampandry.
Grand commis de l’Etat et fin stratège militaire, il fut Gouverneur de Toamasina qu’il défendit avec succès contre un débarquement lors de la dernière guerre franco-malgache. Après la défaite de l’armée malgache sur le front de l’ouest, il fut ministre de l’intérieur du dernier gouvernement royal (1895-1896) avant d’être fusillé en compagnie du prince Ratsimamanga, sur ordre de Galliéni devant le palais d’Ambohitsorohitra, après un simulacre de procès. L’intelligence de Rainiandriamampandry et ses qualités humaines forcèrent l’admiration des étrangers, y compris ceux qui avaient pour mission de l’éliminer. Il est inhumé à Ankadifotsy, non loin de la clinique des Sœurs qui fut d’ailleurs la clinique du Docteur Rajaonah, fils de Rainiandriamampandry, et dont la vie peut également être source d’inspiration patriotique.

Il peut être utile également de méditer sur les parcours opposés de deux hommes, Francisque Ravony et Jacques Sylla, qui présentaient pourtant bien des points communs au départ : tous les deux fils de hauts dignitaires de la première république malgache, tous les deux avocats, tous les deux entrés en politique lors de la crise de 1991/1992, tous les deux chefs de gouvernement sous la troisième république.

Après avoir été vice-premier ministre pendant la transition instaurée par la convention du panorama en octobre 1991, Francisque Ravony fut le seul premier ministre malgache élu par l’Assemblée Nationale, et doté de pouvoirs importants par la Constitution du début de la troisième république. Il fit face avec intelligence et courage à une situation économique et financière très difficile, ainsi qu’aux exigences des bailleurs de fonds qui lui imposèrent un ajustement structurel aux lourds impacts sociaux. Il refusa ainsi d’avoir recours à des financements parallèles aux origines douteuses, malgré des pressions dans ce sens. Il réussit à demeurer populaire malgré les mesures d’austérité qu’il dut prendre. Mais son goût du pouvoir demeura toujours modéré. Sans doute parce qu’il avait toujours gardé un sens élevé de la loi et de l’Etat. Ainsi, en juillet 1995, il préféra perdre une partie de ses alliés politiques (et toute chance de demeurer à son poste) plutôt que d’écouter leur mauvais conseil d’en appeler à l’armée pour régler le contentieux qui l’opposait au président de la République. En 1996, pressentant un face à face Zafy-Ratsiraka au deuxième tour des présidentielles, il apporta son soutien dès le premier tour à Zafy (le président qui, pourtant, était allé jusqu’à modifier la constitution de la troisième république en 1995 pour le forcer à partir), parce qu’il était persuadé que c’était le meilleur choix pour le pays. Il paya ce courage politique de la perte de son parti, le CSDDM, dont il dut démissionner, et de la colère de ses partisans, notamment dans le sud-est de Madagascar. Démocrate convaincu, il laissa les médias s’exprimer et veilla à ce que les journalistes d’opposition soient toujours invités aux conférences de presse qu’il tint régulièrement.

Au plan personnel, ce Malgache au physique de vazaha incarne la richesse que peut apporter à un pays le métissage réussi : sa vision politique était nourrie à la fois par une vaste culture occidentale, une passion pour l’histoire de Madagascar et son désir d’implanter fermement à Madagascar une nouvelle pratique politique fondée sur le respect des lois et des libertés.
Son décès à l’âge de soixante ans mit fin prématurément à une carrière politique entrecoupée de retraites volontaires, mais qu’il semblait vouloir relancer après la crise de 2002.

Après avoir été ministre des Affaires étrangères pendant la présidence de Zafy Albert, Jacques Sylla devint premier ministre de Marc Ravalomanana en 2002, dans le cadre d’une constitution amendée ayant rétabli un régime présidentiel et laissant peu de pouvoirs au chef de gouvernement désigné par le président de la république. Comme pour d’autres premiers ministres avant lui, un tel régime présidentiel lui laissait peu d’initiative. La forte personnalité de Marc Ravalomanana et la propension de ce dernier à l’action immédiate, sans s’embarrasser de savoir si cela relevait de sa responsabilité, réduisirent encore le champ d’action du premier ministre.

Jacques Sylla fit preuve d’une souplesse remarquable, ce qui lui permit, avec l’appui du clergé catholique, d’avoir une longévité assez remarquable à ce poste qu’il dut toutefois quitter en 2007.

La présidence de l’Assemblée nationale qui lui fut octroyée en échange ne fut pas suffisante pour maintenir sa loyauté envers le président Ravalomanana. Cependant, la rancœur née du changement de fonction n’explique pas à elle seule la direction que Jacques Sylla allait ensuite donner à son parcours politique. Ceux qui l’avait côtoyé d’assez près n’ignoraient pas qu’il caressait depuis longtemps des ambitions présidentielles, et qu’il attendait son heure. Il créa toutefois la surprise (du moins pour le public tenu dans l’ignorance de ses réunions discrètes avec le haut clergé catholique devenu un adversaire acharné de Marc Ravalomanana) en se rendant sur la Place du 13 mai pour prêter allégeance à Andry Rajoelina, alors même qu’il dirigeait la délégation de Marc Ravalomanana aux premières négociations qui s’étaient tenues en février et mars 2009 sous la médiation du Conseil Œcuménique des Eglises Chrétiennes.

Auparavant, il n’avait pas pris la peine de démissionner de sa fonction de président de l’Assemblée nationale, obtenue sous l’étiquette du parti présidentiel.

Il n’avait pas non plus pris la peine d’informer Marc Ravalomanana de sa décision de rejoindre le camp de l’opposition.
Ces premiers manquements à la déontologie et à l’honneur l’entraînèrent, comme cela est souvent le cas, à en commettre d’autres. Ainsi, cet avocat, ancien membre du Comité national d’observation des élections (CNOE), député de Sainte-marie, ne condamna pas la suspension de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pire, il s’efforça d’encourager d’autres défections afin de rassembler autour de lui un nombre suffisant de députés renégats en vue de se prévaloir d’un poids politique auprès des putschistes, dont certains lui restaient hostiles.

La manœuvre échoua. La tentative de s’insérer dans la direction du régime issu du coup d’Etat fut un échec, alors qu’elle avait été payée du prix élevé de la trahison et du déshonneur.

Sa veuve, actuelle ministre des Affaires étrangères du régime de fait, veut sans doute tenter de récupérer une partie de la mise. Ne jouit-elle pas de la protection appuyée de l’ambassadeur de France à Madagascar qui a par ailleurs récemment rendu hommage à Jacques Sylla, celui qui, selon ses dires lui a appris à connaître Madagascar ? Il n’est d’ailleurs pas certain qu’un hommage de ce genre serve la mémoire de Jacques Sylla et fasse de lui une figure d’inspiration pour les patriotes.

Que vous suggerer d’autre, pour entretenir la flamme de la résistance ?

Pêle-même, nous vous proposons de lire ou de relire : les poèmes de Rado, les kabary d’Andrianampoinimerina (qui sont d’une modernité et d’une actualité étonnantes), la biographie du Professeur Rakoto Ratsimamanga (qui fut cet enfant aux pieds nus avec ses yeux dans les étoiles), et pourquoi pas, les différents numéros de "Madagascar Résistance" sur notre blog ?

Et n’oublions pas : nous avons un devoir de partage avec les résistants dans la Grande Ile où les ordinateurs et l’internet ne sont pas à la portée du plus grand nombre.

Aussi, faisons circuler sans modération ces films et ces textes, ou bien toutes les informations permettant d’y avoir accès.

Et résistons, encore et toujours !

Les Inconditionnels de Madagascar,
À l’Ile de la Réunion

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires