Le phénomène n’est pas nouveau mais il s’accentue au fil des années pour les acteurs de la filière riz à la Réunion. La croissance des importations de riz blanchi ne cessent de gagner du terrain depuis 10 ans. Plus grave pour les acteurs locaux, ils sont passés en deçà des 50% de part de marché depuis la mi 2010. Les résultats de l’année 2010 sont attendus avec beaucoup d’appréhension.
Les statistiques mises à jour mensuellement par l’Association des Rizeries de la Réunion, sur la base des chiffres des douanes, révèlent l’apparition d’une nouvelle source d’approvisionnement pour le marché réunionnais à partir de septembre 2009 : le Cambodge.
La filière de la transformation du riz local est en péril
Près de 10.000 tonnes de riz cambodgien sont entrées dans l’île en l’espace d’un an. Un concurrent plus que sérieux qui a réussi à supplanter les pays fournisseurs traditionnels que sont la Thaïlande, l’Inde, le Pakistan ou le Vietnam.
« L’élément déclencheur qui a concouru à notre perte de parts de marché s’explique par la mise en place en septembre 2009 du programme Tout Sauf les Armes », constate Marc Gautheron, porte-parole des Rizeries de la Réunion. Ce dispositif permet ainsi au pays d’exporter vers l’Europe, et donc vers la Réunion, en franchise totale de taxes.
Un programme qu’a su saisir le Cambodge. A tel point qu’il met en péril la filière de la transformation du riz des trois sociétés locales spécialisées dans ce créneau, à savoir l’UCR (Unité de conditionnement du riz), SIS Sodériz et Soboriz-Capricorne.
Le tableau est alarmant précise Marc Gautheron. On ne peut pas lutter contre le marché asiatique avec ses coûts de main-d’œuvre extrêmement bas. « Nous avons besoin de l’instauration de l’octroi de mer sur le riz blanchi importé », ajoute-t-il.
Les trois concurrents péi se liguent pour trouver une solution
En annonçant cette mesure, que les transformateurs de l’île appellent de leurs vœux, Marc Gautheron, sait qu’il pourrait susciter l’incompréhension des acheteurs.
Sur ce point, il veut rétablir la vérité : « la mise en place d’un octroi de mer n’influera pas sur les prix du riz transformé à la Réunion par les trois sociétés locales. Seuls les riz blanchis importés directement d’Asie seraient pris pour cible par l’octroi de mer ». Autrement dit, le prix du riz récupéré en vrac et travaillé localement ne bougerait pas.
D’ailleurs, pour prouver sa bonne foie, la profession est prête à jouer le jeu de la transparence. « Nous, on dit à la Région qu’on leur propose une formule de calcul pour la révision des tarifs du riz usiné localement. Des tarifs qui pourraient être vérifiés par l’instance régionale régulièrement. De cette manière, nous ne pourrons être accusés d’alimenter une inflation sur nos produits », rappelle Marc Gautheron.
Cet octroi de mer, que les riziers de la Réunion fixent aux alentours des 20%, devra être avalisé par le Conseil régional. Une demande qu’il considère comme « légitime ». « Il y a une quinzaine de jours, nous recevions des représentants de la filière riz des Antilles. Ces derniers ont été surpris d’apprendre qu’aucune protection régionale ne sauvegardait notre plus-value locale dans la transformation du riz », argumente-t-il.
Une demande de taxation que la Commission européenne se disait prête à examiner en… 2004 déjà. Dans sa décision du 10 février 2004, la Commission affirmait ainsi qu’elle était ouverte à l’examen d’une « demande de taxation différenciée entre octroi de mer interne et octroi de mer externe » (article 3).
Pour l’heure, les chiffres restent inquiétants
En 2000, le riz blanchi importé (ndlr : celui qui serait sujet à taxation) représentait 6% de parts de marché face au riz cargo blanchi (ndlr : celui transformé localement). Les derniers chiffres constitués en juillet 2010 rappellent cette progression fulgurante. Aujourd’hui, le riz blanchi importé occupe 58% des parts de marché.
Hier, les transformateurs ont officiellement demandé à être reçus par David Lorion, 3ème vice-président au Conseil régional. « Un courrier parallèle a été envoyé au préfet », précise Marc Gautheron.