Avec le rachat estimé à 18 milliards d’euros de SFR, Numéricable se voit aujourd’hui à la tête de trois opérateurs téléphoniques et internet à la Réunion. En juin 2013 et janvier 2014, le rachat respectif de Only et iZi-Mobius a été réalisé par une filiale de Numéricable, Altice Blue Two. Le 5 avril dernier, c’est Numéricable lui-même qui a racheté SFR au niveau national et donc sa filiale réunionnaise, SRR.
Selon les délégués syndicaux de Only et Izi-Mobius, le premier rachat a eu des conséquences en terme d’emplois chez les deux opérateurs locaux. « Dès ce soir, trois boutiques iZi sur quatre vont fermer« , souligne Morgane Lannuzel, déléguée syndicale CFDT chez iZi-Mobius. Des fermetures qui coïncident également avec 12 ruptures conventionnelles entre salariés et direction. « Mais ces ruptures ont été stoppées par l’inspection du travail« , poursuit-elle.
Le malaise est palpable chez ces délégués syndicaux. Preuve du changement opéré en interne, Only va se retrouver à vendre, dans ses 26 boutiques de l’île, des box internet iZi dès mercredi prochain. La box internet Only étant purement et simplement abandonnée, à en croire Michel Serralia, délégué CFDT chez Only. Une stratégie adoptée par le groupe Altice sans « consultation et information du comité d’entreprise« , ajoute-t-il.
« Flou » et « inquiétude » chez Only et iZi-Mobius
L’opérateur téléphonique Only a déjà délocalisé son service clientèle et sa direction vers Maurice. Même constat pour iZi. « Il nous reste cinq conseillers à la Réunion sur la quinzaine de conseillers clientèle« , précise Morgane Lannuzel. La mutualisation est en marche et ce changement laisse des traces. Il touche la clientèle. « Nos clients sont perdus car pas tenus au courant. Certains nous ramènent leur box et on a en face de nous des clients très mécontents. Il y a eu de grosses tensions dans certaines boutiques et la police a dû intervenir« , explique-t-elle.
Chez Only et iZi-Mobius le « flou » et « l’inquiétude » prédominent aujourd’hui. Le premier opérateur compte 164 salariés à la Réunion et Mayotte, le second 69 salariés uniquement à la Réunion.
Quid de SFR, nouvel opérateur téléphonique et internet fraîchement acquis par le même groupe ? Le rachat étant récent, les 426 salariés de la Réunion (49 salariés à Mayotte) ne connaissent pas encore leur avenir. « On voudrait que l’emploi et la culture d’entreprise restent comme aujourd’hui« , lance Jean-François Maoulida, délégué syndical CFDT chez SFR Réunion.
Le grand patron de SFR attendu demain à la Réunion
Mais le rachat de ce troisième opérateur à la Réunion va pousser l’Autorité de la concurrence à se pencher sur le dossier. Le groupe Altice (Numéricable) possède aujourd’hui trois opérateurs dans l’île. « Ce rachat a plus d’impact pour nous qu’en métropole. Il y a présence d’un monopole à la Réunion« , explique-t-il. En réunissant les trois entreprises, le groupement SFR, iZi-Mobius et Only rassemble 80% de parts de marché à la Réunion. Une situation impossible en terme de concurrence.
Demain, le patron de SFR France, Jean-Yves Charlier, débarque à la Réunion pour une opération déminage. Il doit rencontrer les collaborateurs du groupe réunionnais et tenter de les rassurer, notamment sur la question de la sauvegarde de l’emploi. De son côté, le patron de Numéricable, Patrick Drahi, s’est engagé, au moment du rachat, à maintenir l’emploi sur 36 mois. « On demande 48 mois« , précise Jean-François Maoulida. Ce sujet devrait être au coeur des discussions.
L’autre inquiétude des salariés de SFR Réunion porte sur le montant de la dette du nouvel acquéreur après ce rachat estimé à 16,5 milliards d’euros. « On ne voudrait pas que les salariés soient amenés à rembourser cette dette. On ne veut pas d’impact sur la partie rémunération et perdre nos avantages« , souligne-t-il.
Quel opérateur va continuer d’exister ?
Ce rachat va laisser des traces à la Réunion. Avec trois opérateurs sous le même giron, deux d’entre eux vont être amenés à changer radicalement. Si SFR dispose d’une image de marque forte auprès des clients réunionnais, le groupe Numéricable devrait continuer ses efforts sur le rapprochement Only et iZi-Mobius, en se focalisant sur l’internet. La téléphonie resterait dans les mains de SFR qui, comme Only, s’est positionné sur l’obtention d’une licence 4G. L’autre question est de savoir si SFR Réunion lâchera l’internet. Plusieurs scénarii sont possibles. « L’inquiétude est plus grande chez iZi et chez Only. Mais après qu’en est-il de SFR ?« , s’interroge Georges Trecasse, secrétaire du pôle Télécom à la CFDT.
La réunion de demain entre les salariés et le patron de SFR France devrait amener quelques réponses. Le projet de rachat Numércable/SFR devrait être finalisé à la fin de l’année 2014 au niveau national. Pour la Réunion, il faudra encore attendre le positionnement de l’Autorité de la concurrence et les décisions prises sur l’avenir des deux autres opérateurs Only et iZi-Mobius.
Et les consommateurs dans tout ça ? Si au niveau national le groupe Numéricable affiche son ambition de concurrencer frontalement Free avec des offres quadruple play (fixe, mobile, internet et télévision), la disparition d’une véritable concurrence (cinq opérateurs jusqu’à la mi 2013 contre trois aujourd’hui) à la Réunion risque de ne pas jouer en faveur des consommateurs réunionnais.