"Approche interdisciplinaire des inégalités sociales de santé à la Réunion". Voilà un sujet qui peut sembler bien "barbare" à bon nombre d’entre nous… Cet intitulé de séminaire qui s’est déroulé hier, à l’université de la Réunion, évoque pourtant des situations que bien des Réunionnais vivent au quotidien.
Ce séminaire a permis à des professionnels de santé, des acteurs associatifs, des institutionnels, des scientifiques de diffuser leurs connaissances et d’échanger entre eux. Il n’est pas question d’ailleurs que les interventions restent "isolées", a notamment souligné Maryvette Balcou-Debussche, chercheur au MCF et intervenante à l’IUFM-Université, elles ont vocation à s’inscrire dans un "travail partenarial" et de "terrain".
A la Réunion, le transport est un facteur incontournable qui conduit à des inégalités d’accès aux soins. Autre exemple frappant, le taux de mortalité infantile est sept fois supérieur lorsque la mère est sans instruction, n’ayant pas ou peu fréquenté l’école, selon l’enquête Famille/Réunion de 97 de l’Insee. Dernier chiffre parlant, les enfants de cadres ont mois fréquemment les dents cariées que les enfants d’employés ou d’ouvriers, selon une enquête DREES sur la santé des enfants scolarisés en CM2 entre 2004 et 2005. Comment réduire les inégalités sociales et de santé? Ces chiffres montrent que les aspects à prendre en compte doivent aussi bien provenir du domaine socio-culturel, économique, territorial, éducatif, éthique que de santé publique.
Plusieurs contributions ont également montré que les inégalités sociales de santé peuvent aussi être issues des inégalités dans les pratiques des professionnels de santé ou encore du monde éducatif. Face à ces enjeux, la notion d’éducation prend une place prépondérante dans les débats. Comment mieux accompagner les acteurs à l’élaboration de projets d’éducation à la santé et à la citoyenneté? En "changeant de posture". C’est un point de vue qui a été donné lors du séminaire par Dominique Berger, professeur de Lyon. L’idée étant de penser autrement la notion d’éducation à la santé en transformant des comportements plutôt que de transmettre des savoirs.
Réduction des inégalités sociales, la condition d’une amélioration globale de l’état de santé
Maryvette Balcou-Debussche a également présenté les travaux qu’elle mène depuis plusieurs mois, sur la "littéracie en santé". La recherche sur la littératie en santé provient du domaine de l’éducation, le concept y ayant été abordé pour la première fois dans les années 1970. Une vingtaine d’années plus tard, ce sont les cliniciens qui s’y sont intéressés de manière à maximiser la relation soignant-soigné et à encourager le patient à suivre son plan de soins. C’est à la fin des années 1990 que la santé publique s’y intéresse dans un souci de promotion de la santé.
Les résultats de ces travaux "arrivent de toutes parts et vont permettre de montrer les bénéfices et les manques. Le principal pour moi, pendant ce séminaire, était de dire qu’on arrive aujourd’hui à montrer que les inégalités sociales de santé n’ont rien de fatal. Certains apprenants, qui ne sont par exemple pas passés par l’école, ont les moyens par des outils et dispositifs variés, d’accéder à l’information, de la comprendre et de prendre des décisions", explique Maryvette Balcou-Debussche.
Finalement, le défi pour notre système de santé est d’utiliser les connaissances accumulées pour réduire les inégalités sociales de santé et éviter un creusement dans un contexte de crise. Les progrès ne sont pas inexorables et la réduction des inégalités sociales de santé est la condition d’une amélioration globale de l’état de santé.