Les gaîtés de la correctionnelle: « Vous aviez bu ? – Oui, pour rendre service ! »
Qui a dit que les séances du tribunal correctionnel étaient tristes ? Même les audiences les plus mornes peuvent connaître des moments hilarants. Le quiproquo en est souvent à l’origine. Chronique du tribunal correctionnel de Saint-Pierre, jeudi 5 septembre 2013.
Ecrit par Jules Bénard – le vendredi 06 septembre 2013 à 09H29
Récidive et papiers douteux
Boire ou conduire, il n’a jamais su choisir. Ce récidiviste ne sait plus comment faire pour conserver son sauf-conduit l’autorisant à piloter un camion pour son travail. A l’Entre-Deux, en fin de journée, il grille un STOP au volant de son engin. Pas de bol, les gendarmes sont en faction à côté. L’enquête démontre qu’il est coutumier du fait et que ses papiers sont douteux. Et pour cause : il a déjà tenté de rouler l’administration pour se faire délivrer un duplicata et quand on veut saisir son vrai permis, il déclare l’avoir perdu… puis le retrouve par miracle plus tard. « Pour avoir deux permis, au cas où mon patron en conserverait un pour les formalités ». Il est bien le seul à comprendre de quoi il parle. Mais pourquoi avoir bu ? s’enquiert la présidente. « Pour rendre service ! » Il a voulu dire qu’il a pris le volant pour raccompagner un ami avec qui il venait de vider force godets mais s’est exprimé comme un loufoque. Le dossier étant vraiment mal ficelé, J.V. na écopé que de quelques amendes pour le STOP et la conduite sous emprise éthylique et relaxé pour la scabreuse histoire (non élucidée) de double permis.
« La crise économique, vous connaissez ? »
Son frère et complice Nicolas étant en cavale, Jonathan Smith comparaissait seul mais encadré par la gendarmerie, avec un casier « professionnel » long comme un discours de syndicaliste survolté. Les vols avec effraction, de nuit, il connaît : « J’ai appris comment lever un rideau métallique en taule… On fait des erreurs dans la vie… Et puis, il y a la poussée d’adrénaline, madame la présidente ! » Lorsque cette dernière, avec une bonne volonté touchante, tente de savoir comment il a plongé dans le vol organisé, en bande, avec effraction, et pour quelques euros à peine, il a cette réplique désarmante : « C’est la crise économique ! » Balle que le procureur a saisie au bond pour dire qu’avec les dernières statistiques sur la pauvreté, si tous les pauvres volaient, « il y aurait 350.000 casses chaque jour, ce qui n’est heureusement pas le cas. Vous risquez l’inflation, monsieur ». Pas de quoi émouvoir vraiment notre Arsène Lupin au petit pied qui est reparti serein entre ses accompagnateurs en uniforme, ayant encaissé sans broncher son année (supplémentaire) de gnouf. Avant de sortir, il avise une accorte jeune femme dans les premiers rangs : « Vous êtes bien jolie ». Pas là ek ça.
Que fait-il là, celui-là ?
Le rôle des tribunaux est surchargé par manque de personnel judiciaire, on le sait. On se demande alors comment certaines affaires navrantes échouent devant la Cour alors qu’elles pourraient être traitées autrement. C’est le cas pour X.Y., accusé par la fille de son ex-épouse d’attouchements sexuels déplacés. L’ex et la jeune fille ont retiré leur plainte depuis belle lurette mais la procédure a suivi son cours. L’incompréhension vient du fait que les trois enfants que X.Y. a eus avec son ex, eh bien elle les lui confie joyeusement chaque semaine alors qu’elle s’est plainte par textos (donc publiquement) qu’il était pédophile. Vous confieriez vos enfants sans défense à un amateur de jeunesses, vous ? Cette contradiction, suffisante pour jeter la suspicion sur le reste du dossier, a été brandie par l’avocate de la défense. Sur réquisition du procureur, lequel a souligné qu’il y avait « des jeux de séduction malsains », la cour a logiquement demandé un supplément d’enquête. Il y a des baffes qui se perdent.