Revenir à la rubrique : Social

Les dockers de la COR déoncent les agissements de leur ex-directeur

L'initiative originale de création d'une coopérative pour les activités d'acconage aurait dû être le début d'un rêve pour 200 et quelques dockers du Port. Le scénario imaginé par le PCR et la CGTR Ports et docks tourne résolument au vinaigre depuis la semaine dernière. Les événements s'emballent et les langues se délient depuis le départ contraint de l'ex-directeur de la COR (Coopérative des ouvriers réunionnais), Jacques Virin. Parmi les dockers écartés de la coopérative, Jean-Bernard Gaillac a décidé de poursuivre son combat sur le plan judiciaire. Non sans dénoncer au passage 20 ans de coups bas du directeur démis de ses fonctions la semaine dernière.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 06 juillet 2011 à 14H31

 

Il est un homme qui occupe toute l’attention des 200 dockers qui travaillent ou qui ont travaillé pour la Coopérative des ouvriers réunionnais : la COR. La semaine dernière (voir [notre article]urlblank:http://www.zinfos974.com/Le-directeur-de-la-Cooperative-des-dockers-prend-la-fuite-apres-des-malversations-supposees_a30005.html ), un conseil d’administration extraordinaire actait le renvoi du directeur de la structure : Jacques Virin. Son adjointe jusque-là et désormais directrice par intérim parlait la semaine dernière d’"investissements réalisés hors de l’intérêt social pour lequel avait été créée la coopérative".

Arrivée il y a un an seulement, Nathalie de Broissia n’a finalement fait que constater les méfaits reprochés à Jacques Virin depuis belle lurette. Ce n’est pas Jean-Bernard Gaillac, ex-docker à la COR de 1992 à 2005 qui dira le contraire.

L’histoire de la COR doit être retracée pour comprendre l’empêtrement dans lequel se trouve la coopérative aujourd’hui. Au début des années 90, sous l’impulsion du PCR et de la CGTR Ports et docks d’un certain Michel Séraphine, la COR voit le jour. Des dockers ravis de prendre part à un nouveau mode de gouvernance offrant à chaque docker une part égale dans la société a emballé à l’époque les 226 associés fondateurs de la COR. Mais la belle histoire de bénéfices en partage tourne court.

La COR investit ailleurs l’argent gagné par les dockers

En 1995, l’instauration de la mensualisation des dockers du fait d’un changement de la réglementation change la donne. Après une assemblée générale extraordinaire, sans convocation préalable de tous les associés, Jacques Virin évince 203 dockers. Départs volontaires, retraites anticipées ou travail chez la concurrence seront le lot de la plupart d’entre eux. Contre-coup de cette éviction massive, la COR se ramifie à tous les étages. La coopérative créera, sous l’impulsion de Jacques Virin, pas moins de six nouvelles entités dépendantes de la COR en l’échange d’une prise de participation non négligeable. Le comble reste le placement de nombreuses personnes de la famille du directeur dans ces sociétés. En clair, les efforts des dockers sont réinvestis dans des sociétés parallèles à la COR. Commence après cet épisode fâcheux un bras de fer qui n’est pas encore terminé à ce jour.

 

"C’est lors de cette assemblée extraordinaire que l’on a vu le vrai visage de Jacques Virin", affirme Jean-Bernard Gaillac, pourtant ancien délégué syndical de la CGTR qui a elle-même soutenu la création de la COR. "Jacques Virin s’est accaparé notre expérience, notre savoir-faire, au début de la COR pour ensuite monter ces sociétés parallèles à la coopérative (TLR, RSM, Présence service… font partie du lot). Il s’intronisera à la même période administrateur et PDG de la structure", juge sévèrement l’ancien docker. Mais les mots les plus durs sont à venir.

"J’étais délégué syndical CGTR. Je me souviens d’une entrevue avec Virin pour parler des choses qui n’allaient pas dans le bon sens, selon moi, au sein de la COR. Je me souviens de sa réponse : ‘Assez perd de temps pour ces gens-là (ndlr : en parlant des collègues de Jean-Bernard Gaillac). Rode pou ou, pou out famille’, relate Jean-Bernard Gaillac. Je lui ai dit que nous étions là pour faire avancer la structure ensemble. Bref, revenir à l’objectif premier d’une coopérative".

Par delà les soupçons de prise d’intérêt en dehors de l’objectif de la COR, Jean-Bernard Gaillac enclenche les actions administratives et juridiques. "J’ai écrit à l’Union des coopératives pour dire qu’il y avait un souci dans notre coopérative. Il s’agissait pour moi de dire qu’il y avait des dysfonctionnements. Lorsque nous demandions les bilans de la société par exemple, les sanctions de la direction tombaient et pouvaient même aller jusqu’au licenciement. OK, beaucoup d’entre nous sommes illettrés, mais est-ce une raison ?" Les mêmes courriers suivront à l’attention des directeurs régional et national des SCOP (Sociétés coopératives et participatives), sans réelle suite. Ces derniers se contentant de signifier aux plaignants que d’éventuelles solutions ne pouvaient relever que du fonctionnement propre à la COR.

Jean-Bernard Gaillac : l’homme qui veut en savoir trop

Peu de temps après l’envoi de ces courriers, Jean-Bernard Gaillac se voit signifier une mise à pied conservatoire. Une manière pour la société et Jacques Virin "que je ne puisse plus entrer en contact avec les collègues". Pour la petite histoire, le fameux courrier qui devait rester confidentiel entre l’organisme interpellé (la direction régionale des SCOP) et la direction de la COR aurait été détourné de son usage. Pas étonnant pour Jean-Bernard Gaillac que ce courrier ait été "la raison qu’utilisera Jacques Virin pour mon licenciement". La diffusion du courrier à des tiers figurera au motif de son licenciement en date du 9 avril 2005.

Un épisode rude sur la plan personnel qui n’éteindra pas la soif de vérité de Jean-Bernard Gaillac. Avant d’être licencié, une décision du tribunal de commerce lui donnera raison pour qu’enfin les documents administratifs de la COR et de ses sociétés satellites soient enfin délivrés. "Je les ai fait lire par un expert comptable. Ce qui précédera une plainte pour détournement de fonds, abus de pouvoir et abus de biens sociaux. Je suis seul dans cette démarche judiciaire mais derrière moi il y a un collectif d’environ 150 dockers", précise-t-il.

Un précédent qui aurait dû éveiller les soupçons de la Direction du travail

Un autre épisode connexe alimentera les suspicions à l’encontre du sérieux dans la gestion de la COR sous l’ère Jacques Virin. Nous sommes le 23 décembre 2007. Dimitri, un jeune docker de 18 ans a la jambe droite broyée alors qu’il travaille au déchargement d’un navire cimentier. L’enquête démontrera les manquements de la coopérative. Jacques Virin sera condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à 20.000 euros de réparation.

Cet enfer au quotidien et ces pressions contre toute forme de résistance face à la gestion de la coopérative, un autre docker les raconte avec son vécu. "J’ai passé, en six années de travail à la coopérative, les six pires années de ma vie", explique Jean-Luc Jouao. En 2009, il est licencié, "j’en suis sorti content", ironise-t-il.

 

"Là où je travaillais 14 heures, seules sept heures étaient comptabilisées. Ma fiche de paie restait figée", en rigolerait-il presque. Concernant son jeune collègue à la jambe écrasée, Jean-Luc Jouao charge Jacques Virin. "Il nous avait demandé (aux autres dockers ndlr) de cotiser pour le jeune homme puisque celui-ci n’avait pas été déclaré". Le docker se remémore aussi ce dîner somptueux donné en fin d’année pour féliciter l’excellent travail des dockers: "Tous les politiques étaient là. Paul Vergès et Michel Séraphine mangeaient sur de belles tables à l’écart des dockers qui avaient pourtant fourni le plus dur travail".

Les filatures pour intimider

Sur son cas personnel, Jean-Luc Jouao n’en revient toujours pas d’avoir vu son salaire stagner pendant des années alors même que la coopérative avait de plus en plus de contrats. "J’ai repris la suite de la participation de mon père qui était associé fondateur de la COR. J’avais un salaire de 1.100 euros. Voilà ce que me disait Virin : ‘Mais ou lé bien payé Jouao’. Lorsque je venais demander des comptes à la direction, Jacques Virin faisait en sorte de poster des vigiles pour m’accueillir".

Encore plus grave selon Jean-Bernard Gaillac, les filatures étaient fréquentes. "Il envoyait des gars de la société pour vérifier qu’aucun docker n’entre en contact avec moi". Ce qui lui reste de sa participation de la COR : pas grand chose à l’entendre. "Toutes les décisions me concernant ont été prises en mon absence (en parlant du conseil d’administration). Mes parts dans la coopérative ont été refondues dans le capital".

Le combat se poursuit devant la justice

Devant ces agissements, Jean-Bernard Gaillac dit avoir affronté cette opacité avec la plus grande détermination. "Je l’ai toujours dit à la direction : Il n’y a pas de souci. Attaquez-moi en diffamation si vous pensez que je ne dis pas la vérité". En terme de procédure judiciaire, c’est plutôt Jean-Bernard Gaillac qui attend un rendez-vous important en septembre. Une nouvelle audience devant la cour de cassation de Paris devrait clore pour un temps son bras de fer avec Jacques Virin, car depuis la semaine dernière, c’est la nouvelle direction qui a décidé de porter à son tour ses reproches devant la justice.

Une plainte au pénal et au civil concernant la gestion de Jacques Virin va être déposée, nous disait Nathalie de Broissia. Jacques Virin, 66 ans, a été démis de ses fonctions la semaine dernière par ses pairs. Il avait pourtant annoncé son souhait de poursuivre son boulot encore quelques temps. "Voyez Paul Vergès qui continue à plus de 80 ans m’avait-il dit", raconte Jean-Luc Jouao. C’était avant son éviction par le conseil d’administration du 28 juin dernier. Depuis, il affirme que son départ à la retraite était prévu au 1er juillet. Un mensonge de plus pour les dockers qui n’ont donc pas fini d’entendre parler de leur ex-patron "qui n’a jamais porté un sac de ciment de sa vie et qui s’est retrouvé à la tête d’une coopérative de dockers".

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Les journalistes du Quotidien campent devant le tribunal

Une vingtaine de journalistes du Quotidien de La Réunion se sont installés devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis. Une décision est attendue ce mercredi sur le sort du média placé en liquidation judiciaire depuis le 4 octobre.

Débrayage des préparateurs en pharmacie au CHOR

Une vingtaine de préparateurs en pharmacie hospitalière ont manifesté leur colère ce jeudi et ont pris part au mouvement de grogne nationale. Ils demandent notamment une révision des échelons et l’officialisation du diplôme d’État.

L’avenir du Quotidien de La Réunion entre les mains du tribunal de commerce

Alfred Chane-Pane et Henri Nijdam ont défendu leur projet respectif de reprise du Quotidien, mercredi après-midi à la barre du tribunal de commerce de Saint-Denis. Le premier a fait valoir le fait qu’il détenait une imprimerie ultra-moderne, tandis que le second a rehaussé son compte courant d’associés à 1,5 million d’euros. Le délibéré interviendra le 3 avril.