L’équipe de recherche de l’IRD ressort déçue. « Ca ne s’est pas passé comme nous l’espérions », regrette Marc Soria, chargé de Recherche IRD et coordonnateur du programme CHARC. Le bilan est maigre. Quatre requins ont été capturés. Tous des tigres. Mais un seul a bénéficié d’une marque permettant de le suivre en temps réel.
La déception est d’abord dirigée vers la difficulté non surprenante à cibler des requins bouledogues. « Il sont incriminés sur un plus grand nombre d’attaques donc c’est vers eux que nos efforts étaiet concentrés », explique le chercheur.
Sur les quatre requins ramenés à la surface de l’eau, un seul a pu être balisé avec un système de tracking. Ce requin tigre a été marqué sur le sec de Saint-Paul, soit entre le Cap La Houssaye et les Aigrettes, à plus de 2 miles de la côte.
Le suivre à la trace a montré les limites de la méthode, en tout cas pour une première. « Il s’est baladé le long du tombant, de façon très lente, entre 1,5 et 2 noeuds soit environ 4 km/h. A un moment, il s’est rapproché d’une embarcation de pêcheurs et a effectué des aller-retours autour de la barque. C’était des pêcheurs avec une ligne de fond. A 4h et demie du matin, ce samedi-là (le 18 mai), il a commencé à descendre de façon assez directe vers le Sud mais nous avons eu un problème technique sur les enregistreurs au large de Boucan qui nous a obligé à rentrer au port », désespère le docteur en écologie comportementale marine. Rappelons que le suivi à la trace nécessitait qu’une équipe suive en permanence le squale dans une embarcation dans une limite de 600 mètres autour de l’animal.
En tout, ce tigre a été suivi une heure une première fois. « On a perdu sa trace, mais on a eu la chance de le retrouver pour le suivre 4h et demie« , donc loin des 24 heures – a minima – espéré, et en continu. Malgré cette plage horaire très restreinte, le chercheur y voit une indication porteuse d’espoir, notamment sur ce trajet quasi délibéré vers le Sud, à cette heure précise.
Avec la pression ambiante – après le quatrième mort suite à une attaque le 8 mai – combinée aux incidents techniques et une avarie survenue sur le bateau, l’équipe a réduit la campagne de tracking. Mike Heithaus, le biologiste américain spécialement venu pour initier les chercheurs locaux à la pose de caméras, est reparti le 16 mai. « Nous avons poursuivi nos sorties jusqu’au 21 », soit quatre jours de moins que ce qui était prévu.
Un requin attaque son congénère
Les chercheurs sont sortis six jours en tout, et pendant 10 heures à chaque fois, tout en utilisant les mêmes méthodes de capture. La zone des sorties s’est étendue des Brisants/Roches noires, aux Aigrettes, au Cap La Houssaye, jusqu’à l’Etang Saint-Paul. « Mais nous n’avons pas eu de bouledogues », précise Marc Soria.
Cette campagne a donné lieu à un fait jamais rencontré par les chercheurs depuis maintenant 1 an et demi. « Un requin que nous avions capturé s’est fait mordre l’aileron par un autre requin. Celui qui a été mordu était l’un des plus gros tigres que nous avions capturés. Cela nous donne à penser qu’il y avait un peu plus d’agressivité ces jours-là, dû peut-être à un stress sur les stocks alimentaires rencontrés », affirme le chercheur.
« On n’a pas pu le marquer, tout comme un autre qui était trop abîmé au niveau de la gueule parce qu’il a été mal croché », précise-t-il. Un quatrième a été marqué de façon normale. La balise fixée sur le seul requin tigre émettra pendant encore une semaine. L’équipe pense éventuellement ressortir dans les prochains jours pour le suivre plus longtemps.
Les caméras restent à sec
Aucune caméra emmenée par l’américain n’a été posée. Quatre devaient servir de test. « Mike a estimé que les conditions n’étaient pas optimales ce soir là, le requin se trouvant déjà trop au large. Il y avait beaucoup plus de chances de ne jamais retrouver sa trace », assure Marc Soria.
Malgré l’échec de cette première approche du tracking, l’IRD évoque une nouvelle tentative pour fin juin ou septembre.