Sanctionné par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins le 4 avril dernier, le docteur François Rahmani a été contraint de démissionner de son mandat de président du Conseil interrégional de l’Ordre des médecins Réunion-Mayotte. Le professionnel de santé a été sanctionné d’un avertissement pour manquement à son obligation de confraternité, suite à une action du Dr Humbert Gojon. Mais le conflit remonte à plusieurs années.
Le conflit entre les deux médecins prend naissance en 2010. Au cours de l’assemblée générale constitutive de l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) le 9 décembre 2010, le Dr Philippe de Chazournes se lance dans un discours qui met en doute, publiquement, la probité de l’ex-président de l’instance, le Dr Humbert Gojon.
Loin d’en rester là, le discours du Dr de Chazournes est reproduit tel quel sur le site internet de l’URPS et de l’URML (Union Régionale des Médecins Libéraux) dont le responsable de publication n’est autre que le Dr Rahmani. Ce dernier reconnaîtra avoir donné son accord pour la publication du discours incriminé sur les sites web ouverts aux professionnels de santé de La Réunion, mais aussi à tout internaute.
Mis en cause publiquement sur une histoire de dette vis-à-vis de l’instance qu’il présidait, le Dr Gojon décide alors de porter plainte. C’est à partir de cette action que le Dr Rahmani juge à son tour utile de porter également plainte devant le TGI de Saint-Denis concernant cette dette qui incomberait à son homologue et prédécesseur.
Le 22 janvier 2014, le TGI finit par livrer son appréciation. Il donne raison au médecin diffamé. Fort de cette décision au civil, le docteur Gojon embraye alors logiquement sur une action devant le conseil de l’Ordre interrégional des médecins de la Réunion/Mayotte. Lequel saisit son instance disciplinaire.
En saissisant la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins de La Réunion, le Dr Gojon tente donc à ce moment-là, après avoir donc obtenu raison au civil, de laver son honneur devant ses pairs. Dans sa requête, il fonde ainsi essentiellement son action sur l’article R. 4127-56 du code de la santé publique. Lequel dispose que « les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité ».
« Des faits non suffisamment établis pour justifier une telle mise en cause publique »
Il reprochait ainsi au Dr Rahmani d’avoir manqué à cette obligation en concourant à la publication sur le site de l’URPS et de l’URML d’un « discours mensonger et diffamatoire » tenu à son égard. Le texte invoquait la dette supposée (voir plus bas) du Dr Gojon à l’égard de l’URML, qui portait sur 40.000 euros. Mais la décision de l’instance disciplinaire locale n’ira pas dans son sens…
Le 22 septembre 2014, la chambre régionale de l’Ordre des médecins estime en effet que le Dr Rahmani n’est pas coupable d’un tel manquement de confraternité. C’est alors que le docteur Humbert Gojon décide alors de saisir la juridiction d’appel, cette fois-ci à Paris, qui vient donc après ce marathon judiciaire, de lui donner raison il y a quelques jours en sanctionnant le Dr Rahmani. Au passage, l’instance disciplinaire nationale déjuge complètement le silence de la chambre disciplinaire de La Réunion qui n’avait rien à trouver à redire au Dr Rahmani.
L’instance nationale a en effet reproché à la publication de mettre en cause « personnellement le Dr Gojon, en imputant à ce dernier une importante dette vis-à-vis de l’URML, alors que ces faits ne pouvaient être regardés, à l’époque, comme certains ou suffisamment établis pour justifier une telle mise en cause publique ».
Elle a ainsi estimé que la décision rendue en première instance à La Réunion devait être annulée puisqu’« en concourant à rendre cette publication accessible au public de La Réunion », le Dr Rahmani n’avait pas satisfait à cette obligation.
Depuis le vendredi 13 mai, c’est le Dr José Guiserix, qui exerce au CHU de Terre Sainte, qui a été élu nouveau président du Conseil interrégional de l’Ordre des médecins Réunion-Mayotte. La simple sanction d’avertissement attribuée par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins interdit désormais, et pendant trois ans, au Dr Rahmani d’exercer toute représentation ordinale.