Après trois ans de travail, l’ouvrage KAF est disponible dans les rayons des libraires locaux. Zinfos a interrogé Laurent Médéa sur la position du Kaf dans la société réunionnaise.
Laurent Médéa, vous organisez une conférence-débat à Saint-Louis cet après-midi. Que pouvez dire à nos internautes concernant l’image du Kaf dans nos institutions ?
« Les institutions forment les structures sociales influençant les comportements des individus. Ces institutions sont la famille, l’école, la religion, le droit, la propriété, l’économie et la langue. Les identités culturelles existent également dans ces institutions. Dans la société réunionnaise, les valeurs ethno-culturelles définissent les rôles des Kaf qui sont ainsi dévalorisés, dénigrés par les institutions.
Ces stigmatisations et ce racisme, hérités de l’esclavage et du colonialisme, font partie intégrante de la formation de l’identité collective.
Les Réunionnais ont une identité modernisée et occidentalisée, marquée par le rejet de l’identité Kaf ; même si, dans le même temps, l’identité culturelle Kaf est considérée comme la plus proche de l’identité culturelle originelle réunionnaise. »
Quels sont les symboles et l’identité culturelle du Kaf ?
« Utiliser un Rouler et un Kayam revêt une dimension symbolique, qui va au-delà de la pratique musicale. Dans le Servis Kaf, ces instruments symbolisent le contact avec le sacré (…). Ces symboles représentent l’Afrique et Madagascar et ont été dévalorisés et cachés pendant l’esclavage, le colonialisme et la Départementalisation, donc par extension, on a dévalorisé et dénigré aussi ses pratiquants.
En interdisant le Maloya, on attaque les symboles africains et malgaches et indirectement on nie le passé et l’histoire mais aussi on prive les pratiquants de culture. On a vu l’éradication du Carnaval, on a essayé d’éradiquer le Moringue, on a vu l’interdiction du Maloya et actuellement on essaie d’éliminer la pratique du Créole dans l’espace privé. Ainsi, tout le savoir, l’histoire, les symboles, les vestiges du passé Kaf et surtout la religion n’existent presque plus (…) dans la mémoire collective et individuelle des Réunionnais. »
Peut-on parler d’un rejet de la langue créole et si oui, existe t-il un lien avec la condition Kaf ?
« Le rejet de la langue du groupe Kaf, part importante de l’identité culturelle Kaf, est un rejet de l’identité culturelle réunionnaise elle-même et à l’intérieur d’elle-même de la dimension africaine de cette identité. Les Réunionnais qui s’opposent à l’utilisation de la langue créole rejettent, de manière consciente ou non, la part africaine de leur identité culturelle réunionnaise…. »
Le Conseil Représentatif des Association Noires (CRAN) de la Réunion invite donc le public à sa conférence-débat demain, samedi 23 mai, de 16h à 18h à la salle Triouvallouvar, n°60 rue Valmy Bel Air à Saint-Louis.