Depuis le 28 février 2014, le Café de la Gare est un occupant sans titre sur le front de mer de Saint-Pierre. L’échéance a toutefois été mise entre parenthèses en raison d’une contestation menée devant les tribunaux.
Deux procès sont engagés. Le premier oppose directement le gérant de l’établissement, Eric Palaprat, à la mairie. En second rideau, ce sont les trois rondavelles venues s’installer sur l’espace appartenant au Café de la Gare qui sont dans le collimateur de celui-ci.
Face à ce qu’il qualifie d’occupation illégale de son bail commercial, le gérant du Café de la Gare réclame un million d’euros à chaque gérant de rondavelle. L’affaire suit son cours devant le tribunal de commerce. Mais ces indemnités qui portent donc sur trois millions d’euros ne sont que le tiers de l’indemnisation espérée dans ce triptyque opposant le Café, la mairie et les trois rondavelles puisque le Café réclame à ce jour 9 millions d’euros d’indemnités, dont 6 vont exclusivement à l’endroit de la mairie de Saint-Pierre.
Ainsi, au titre de l’indemnité principale d’éviction, le Café de la Gare attend de la mairie une compensation à hauteur de 4,8 millions d’euros. Une somme fixée au regard des chiffres d’affaires réalisés par ce type d’exploitation. La raison développée : toute possibilité de déplacement du fonds de commerce dans un autre local similaire à proximité s’avère impossible. En somme, l’éviction des lieux aura pour conséquence la disparition du fonds.
« Un bon arrangement plutôt qu’un mauvais procès«
200.000 euros viennent s’ajouter à cette somme, cette fois-ci pour les frais de déménagement et de réinstallation. Une autre indemnité de 864.000 euros est réclamée quant à elle pour les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur.
Pendant le temps nécessaire à la réinstallation du fonds, le locataire ne pourra exercer d’activité. Ce préjudice commercial a fait l’objet de diverses jurisprudences qui permettent au Café d’évaluer à 260.000 euros la perte de gain résultant de ce trouble commercial.
Enfin, la structure s’estime en droit d’attendre de la mairie qu’elle comble son coût de réinstallation dans de nouveaux locaux. Tarif : 600.000 euros au titre des travaux pour l’aménagement d’un bar avec terrasse, d’une petite restauration, d’une discothèque en rez-de-jardin et d’un espace discothèque VIP à l’étage. Bref, un Café de la Gare bis sans le cachet du bâtiment historique du front de mer.
Si le volume d’indemnisation espéré, soit 9 millions d’euros, est colossal à l’échelle d’une collectivité territoriale, le Café de la Gare, par le biais de son avocat, rappelle qu’il s’agit d’un plafond fixé en suivant les règles habituelles d’indemnisation dans pareil litige commercial.
Alors que la mairie et le Café semblent dos à dos, une voie médiane se dessine peut-être. Au nom du gérant, Me Olivier Hameroux rapporte que « nous sommes ouverts à toute négociation avec la commune. On n’est absolument pas fermé », répète-t-il après avoir confirmé, ligne après ligne, le montant conséquent d’indemnisation réclamé par son client. « Il vaut mieux un bon arrangement qu’un mauvais procès », estime l’avocat. La proposition est donc lancée d’autant plus que le conseil du Café de la Gare abat un atout maître dans son jeu.
« Un comportement de voyou que de renier une signature devant notaire »
Le 15 mars 2005 avait été signé un bail commercial de 9 ans entre les deux parties. En novembre 2013, le Café signifie à la mairie son intérêt de voir renouveler son bail qui arrive à échéance en février 2014 pour la même durée de 9 ans. Problème : un an plus tôt, le 29 octobre 2012, la mairie a déjà pris la décision de requalifier « unilatéralement le bail commercial en autorisation d’occupation temporaire ». Une formule beaucoup plus à l’avantage de la collectivité. « Le maire renie son engagement, je trouve cela totalement choquant. C’est véritablement se comporter en voyou que de renier une signature devant notaire », enfonce Me Hameroux pour le compte de son client.
A cette requalification de bail en AOT, il faut ajouter que par une délibération de son conseil municipal en date du 30 septembre 2013, la mairie a officialisé son souhait de non renouvellement du bail, le tout sans les indemnités compensatrices consécutives à une telle éviction.
Me Hameroux défend une constante dans le droit commercial. « Lorsque mon titre expire, j’ai droit à un renouvellement. Si mon bailleur refuse, il doit m’indemniser (ndlr : sauf s’il invoque un des motifs prévus par la loi »), fait-il remarquer.
Sans accord à l’amiable, les deux camps sont partis pour un procès fleuve dont le premier audiencement n’interviendra « pas avant un an ». Sollicitée pour exprimer ses intentions, le cabinet du maire de Saint-Pierre rappelle que les tribunaux sont saisis et qu’il ne fallait attendre aucun commentaire de sa part.