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La vérité sur les raisons de la disparition de l’ARAST

Beaucoup de choses ont été dites sur les raisons qui ont amené l'ARAST à la liquidation. L'essentiel n'a cependant pas encore été rendu public et c'est ce que nous nous proposons de faire ici, en répondant à un certain nombre de questions essentielles pour mieux comprendre le dossier.

Ecrit par Pierrot Dupuy – le dimanche 10 janvier 2010 à 22H40

Quelles étaient les relations entre le Conseil général et l’ARAST ?

L’action sociale est une des principales compétences du Conseil général et comprend, entre autres :    
    * La protection de l’enfance : dont la protection maternelle et infantile, l’aide sociale à l’enfance et la prévention spécialisée,
    * L’insertion des personnes en difficulté, RSTA,
    * L’aide aux personnes handicapées et âgées,
    * La prévention sanitaire
    * La gestion du RMI et de ses allocataires à travers l’ADI

Lorsque le Conseil général décide de déléguer une de ces compétences, il peut le faire, selon les articles L312-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, selon deux formules : l’agrément ou l’autorisation, cette dernière formule impliquant un contrôle permanent des services du Conseil général sur la gestion de l’association, avec possibilité d’influer sur les décisions prises.

Ainsi tombe le premier argument de la présidente du Conseil général : Le Département était parfaitement au courant de la situation de l’ARAST depuis de nombreuses années et a choisi de laisser faire. En 2007 par exemple, le Commissaire aux comptes avait fait état de plus de 6,7 millions de dettes fiscales et sociales au 31 décembre 2006. Qu’ont fait le Conseil général et Nassimah Dindar pour solutionner ce problème ? Rien…

Ce qui n’a pas empêché Nassimah Dindar de faire mine de découvrir récemment l’ampleur du déficit de l’ARAST…

Elle avait d’ailleurs contesté devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Denis, lors de l’audience du 29 novembre, quand a été prise la décision de liquider l’association, les affirmations de l’expert Baron selon lequel la liquidation était la seule solution possible puisque « les financements nécessaires pour l’ensemble de ces offres ne sont pas assurés dès lors que seul le Département en a la clé et (qu’il) n’a donné aucune garantie à cet égard, même pour ce qui est de l’offre AD (Aide à domicile) du GIHP qu’il soutient« .

Et il avait insisté sur le fait que « le Département n’a toujours pas à ce jour respecté son engagement pris devant le tribunal lors des audiences précédentes d’assurer la trésorerie la trésorerie suffisante pour ne point aggraver le passif, lequel engagement portant selon lui sur une somme de 2.500.000 euros jusqu’à fin décembre 2009 en sus des versements habituels« .

Nassimah Dindar avait nié le fait « de n’avoir pas respecté ses engagements et imputé la situation actuelle à des charges fixes excessives sur lesquelles (elle) dit n’avoir jamais pu peser, ni en fait ni en droit« .

Premier mensonge : on sait aujourd’hui que la loi lui donnait tous moyens pour influer sur les dépenses de l’association, en fait et en droit et qu’elle ne les a pas utilisés. Et qu’elle avait omis de verser les 2,5 millions d’euros comme elle s’était engagée à le faire, ce qui a entraîné la disparition de l’association. Par incompétence ou pour une autre raison cachée ? La réponse ci-dessous…

Les dépenses de l’association étaient-elles excessives ?

Lorsqu’elle a commencé à être mise en cause, Nassimah Dindar a fait courir le bruit que les dirigeants de l’ARAST bénéficiaient de salaires mirobolants et qu’ils dépensaient l’argent sans compter, que ce soit en voyages ou au restaurant.

Outre le fait que, même si c’était vrai, ces dépenses n’auraient représenté qu’une goutte d’eau dans l’océan des pertes de l’association, et qu’en plus le Conseil général avait tous moyens à sa disposition pour les faire cesser, il se trouve que là aussi, ce ne sont que mensonges.

Le directeur de l’association, Patrick Jacquemart, touchait 6.700 euros par mois. Dans le même temps, le directeur de Cabinet de Nassimah Dindar en touche 9.800…

Est-il choquant que le patron de 1.200 salariés touche une telle somme? D’autant que, comme je l’ai déjà dit, ce salaire est expressément prévu et imposé par la convention collective nationale qui régit le secteur.

Par contre, le salaire du directeur de Cabinet est-il choquant? Je vous laisse libre de la réponse…

On a aussi accusé le même directeur de « vivre sur la bête » et de passer son temps dans les meilleurs restaurants, aux frais de l’association bien sûr. En réalité, il se faisait rembourser en moyenne moins d’un repas par mois…

On a aussi dit qu’il allait régulièrement à Maurice passer un MBA (Master of Business Administration), un des diplômes les plus élevés en matière d’économie et de comptabilité. Ces cours étaient en fait pris en charge au titre de la formation continue à laquelle a droit tout salarié, et il est à noter qu’il vaut mieux payer le déplacement jusqu’à Maurice plutôt qu’à Londres ou Paris… Et c’est la preuve que les dirigeants de l’ARAST avaient toutes les compétences pour gérer une telle association et que le problème était donc bien ailleurs.

D’où viennent réellement les difficultés de l’ARAST ?

Comme je l’ai déjà explicité dans mon article « Nassimah, comment tu fais pour dormir la nuit? » ([cliquer ici pour lire l’article]urlblank:http://www.zinfos974.com/Nassimah,-comment-tu-fais-pour-dormir-la-nuit_a13665.html ), les déficits de l’ARAST ont été artificiellement créés depuis plusieurs années par le Conseil général qui a unilatéralement diminué les sommes qu’il versait à l’association.

L’ARAST avait deux modes de financement. Certaines activités faisaient l’objet de subventions, c’est à dire qu’un montant global était déterminé en début d’année. Les autres auraient du faire l’objet d’une « tarification« , c’est à dire qu’un montant aurait du être fixé à l’unité et ensuite multiplié par le nombre de jours ou de personnes prises en charge. La première formule offrait l’avantage qu’on savait dès le début d’année le montant sur lequel on pouvait compter, tandis que la seconde était plus aléatoire et pouvait varier en cours d’année.

Le problème, c’est que le reliquat de certaines subventions n’était versé qu’en décembre par le Conseil général, alors que les sommes auraient du être créditées en début d’année… Les montants se chiffrant en millions d’euros, je vous laisse imaginer le montant des agios versés à la banque puisque l’ARAST devait faire l’avance, sans avoir l’argent en caisse.

En ce qui concerne la tarification, c’est encore pire. Normalement, l’ARAST faisait une proposition par exemple de prix à la journée et le Conseil général aurait du faire une contre-proposition. Et la négociation aurait normalement du durer jusqu’à ce que les deux parties tombent d’accord sur un montant. Or, le Conseil général n’a jamais finalisé cette procédure. Chaque année, on travaillait dans l’urgence et on autorisait l’ARAST à démarrer sans prix vraiment ferme, sur la base de ce qui se faisait les années précédentes, en disant simplement aux dirigeants qu’on ajusterait en cours d’année. D’où les déficits. Et d’où ce que Nassimah Dindar a appelé ses « sauvetages » de l’ARAST, alors qu’elle ne faisait que payer à postériori ce qu’elle aurait normalement du verser en amont…

Mais le coup de grâce a été porté lorsqu’elle a annoncé aux dirigeants de l’ARAST fin 2008 que la subvention correspondant aux anciennes activités de l’ARFUTS passait de 10,4 à 6,4 millions d’euros. Quand on sait que 90% des dépenses de l’association sont d’ordre salarial, on imagine immédiatement les conséquences…

Et dans la foulée, elle a également annoncé qu’elle ne paierait plus que 16 euros par heure les aides ménagères, au lieu de 18€20, taux préconisé par la Caisse nationale d’assurance vieillesse…

Ajoutez à cela son refus de verser les 2,5 millions d’euros auxquels elle s’était engagée devant le tribunal pendant la période d’observation, et qui impliquait automatiquement la liquidation immédiate de l’association, et on est en droit de se demander à quel jeu a joué la présidente du Conseil général…

Les vraies raisons de la disparition de l’ARAST

Ces causes, je les ai également évoquées dans mon article « Nassimah, comment tu fais pour dormir la nuit ? »

En fait, les conseillers généraux, qui sont souvent maires ou proches de maires, souhaitent mettre la main sur les travailleurs sociaux et sur les citoyens électeurs en situation de détresse dont ils s’occupent.

Dans le schéma vers lequel on se dirige, le GIP ne sera qu’une espèce d’immense gare de triage, un peu comme la MDPH (Maison des Personnes Handicapées), qui se contenterait de répartir les personnes en difficultés vers les CCAS des communes. Et je vous laisse imaginer l’usage qu’on en ferait. Souvenez-vous de ces candidats qui passent, à chaque élection, dans les maisons de retraite, récupérer les cartes d’électeurs des petits vieux… Là, ils les auraient directement sous contrôle et ils assureraient leurs réélections à vie…

Pourquoi la gène des élus ?

La décision finale de liquidation de l’ARAST, avec la gestion catastrophique qui l’a entourée et qui a abouti, du fait des atermoiements du Département, à une fermeture immédiate de l’association avec la mise au chômage de 1.200 salariés, sans aucune préparation de reprise de l’activité, et à l’abandon de milliers de personnes âgées, de jeunes en difficultés et de familles désemparées, est de la responsabilité de la majorité actuelle, composée du PS, du PCR, de quelques proches de Nassimah Dindar et de quelques élus alimentaires.

Il convient également de noter que l’actuelle majorité est bien embarrassée pour critiquer la majorité précédente puisque c’est… Nassimah Dindar qui en était déjà présidente. Quand on s’allie avec quelqu’un, on le prend avec son actif… et son passif ! Difficile de critiquer l’ancienne majorité sans critiquer Nassimah…

D’où le silence assourdissant du PS, du PCR et des syndicats qui en sont proches, à l’exception notable de la CFTC dont le secrétaire général entame une grève de la faim aujourd’hui aux côtés de 5 ex-salariés.

Il faut également à ce sujet noter une tentative de récupération de la CGTR qui, sans soutenir les ex-salariés comme il pourrait le faire en organisant par exemple une grande manifestation de protestation, se contente de leur apporter quelques bonbonnes d’eau. Tous les soirs depuis le milieu de la semaine, on voit Yvan Hoarau et deux ou trois militants venir prêcher la bonne parole. De même qu’on note la présence agissante de Max Banon, sous-marin de la Pyramide inversée et ancien activiste du COSPAR.

Des paroles, mais quelles actions ?

Qui doit payer ? Le Conseil général ou l’AGS ?

L’ARAST n’est pas une société ou une association « normale« , liquidée pour insuffisance d’actifs. Il s’agit d’une association œuvrant dans le cadre d’une action de service public déléguée par le Département de la Réunion.

L’action sociale étant une compétence de droit du Conseil général, il est totalement exclu que cette activité puisse cesser, ne serait-ce que pendant un temps très court.

Le Conseil général est donc dans l’obligation légale d’assurer la continuité de cette activité d’utilité publique et donc de reprendre les ex-salariés de l’ARAST pour assurer cette continuation du service public. Et si elle le fait, elle apporte de l’eau au moulin de l’AGS qui ne cesse de mettre ce point en avant, et c’est donc à elle que revient l’obligation de prendre en charge leurs salaires et leurs indemnisations. D’où son refus de réembaucher immédiatement les ex-salariés. Mais ce faisant, elle se met en tort en respectant pas son  obligation de service public. De quelque côté qu’on se tourne, le Conseil général est en tort…

Rappelons que l’enjeu de ces indemnisations porte sur une somme comprise entre 24 et 27 millions d’euros. Sommes à rapprocher de ce que devra de toutes façons payer le Conseil général du fait de sa gestion catastrophique de ce dossier. Rien que vendredi, alors qu’elle avait affirmé le contraire jusque là, Nassimah Dindar a du s’engager à verser 1.000 euros d’aide d’urgence exceptionnelle. Mille euros multipliés par environ 800 personnes concernées donnent déjà 800.000 euros…

Même financièrement, ce dossier va être une catastrophe pour le Conseil général…

Quelle est la responsabilité juridique de Nassimah Dindar ?

Imaginons le pire : qu’un jeune en difficultés confié au Conseil général par la Justice, décède par manque de suivi. Dans cette hypothèse, c’est Nassimah Dindar intuitu personnae qui se retrouverait devant le tribunal correctionnel…

Et je n’ose imaginer qu’une des ex-salariées, au bout du désespoir, mette fin à ses jours. Pas de responsabilité pénale dans ce cas, mais une immense responsabilité morale avec laquelle Nassimah Dindar et les conseillers généraux de sa majorité devront vivre le restant de leur existence…

Quelle est la responsabilité politique de Nassimah Dindar ?

Jusqu’ici, la présidente du Conseil général avait réussi à garder la confiance de Paris et de l’Elysée. Son discours : « On a voulu me tuer, il était légitime que je me défende » rencontrait une oreille complaisante jusqu’auprès du Président de la République.

Il faut dire qu’elle n’hésitait pas à jouer sur son charme et à mettre en avant tous ses atouts pour contrer les accusations venant des élus et des militants UMP de la Réunion.

Mais tôt ou tard, à force de faire le grand écart, on finit par se faire une déchirure musculaire…

Nassimah Dindar se heurte à un obstacle incontournable : la visite de Nicolas Sarkozy en fin de semaine. Si jusqu’à maintenant, « Paris » lui a passé nombre de ses frasques, plus question maintenant de « foutre en l’air » la visite du président, sous les yeux des caméras de toutes les télévisions de France.

Claude Guéant, le Secrétaire général de l’Elysée, a donc pris le dossier en main et suit la situation heure par heure. Il est parfaitement informé du dossier, et donc des bourdes de Nassimah.

Si la présidente du Conseil général est dorénavant carbonisée à Paris, elle l’est tout autant auprès de ses alliés de l’Alliance et du PS à la Réunion. Il était par exemple acquis qu’elle figure en bonne place sur la liste de Paul Vergès aux prochaines régionales. Nul doute que cette présence va être remise en cause. Quiconque la mettra sur sa liste risquera de subir les foudres des électeurs en retour…

Et sa candidature aux sénatoriales, avec le soutien du PCR, risque tout autant d’être rangée dans un placard…

En politique, la Roche tarpéïenne n’est jamais très éloignée du Capitole…

 

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