Tout cela a fait un grand flop : l’estran institutionnel s’est à peine découvert et tous les citoyens sont revenus à peu près bredouilles de leurs illusions.
Les Bretons, qui s’attendaient à un fort coefficient comme on dit là-bas, continuent de pester contre leurs députés qui les ont trahis en refusant de rattacher la Loire Atlantique à la Bretagne ; les autres, Alsaciens, Poitevins ou Ch’tis, sont rentrés à la maison un peu dépités mais en oubliant vite le mauvais coup.
La Réunion n’est pas tournée vers la mer et n’attendait à vrai dire pas grand chose de l’équinoxe. Notre cher président, lors de sa dernière visite, avait d’ailleurs pris les devants et nous avait prévenus que les prochaines agapes législatives n’étaient pas pour nous. Nous avions déjà été largement servis par son prédécesseur et n’avions pas été au demeurant des invités très conviviaux puisque nous nous étions permis d’amender un peu le menu.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il nous fallait retrouver notre cantine et le train train de l’île garnison où ce n’est pas toujours 14 juillet.
Dans cette torpeur estivale, avec les cyclones qui nous boudent effrontément, la ville de Saint-Denis nous propose un petit divertissement : il s’agira de retourner à l’école mais, rassurez-vous, ce sera pour un jeu de piste d’un nouveau genre.
Notre curiosité s’aiguise au dilemme que voici :
… « Suite à la réorganisation des bureaux, vous vous trouverez dans l’une des deux situations suivantes :
– soit votre numéro de bureau de vote a changé sans que vous ne changiez de lieu de vote
– soit votre numéro de bureau de vote a changé et également votre lieu de vote et dans cette hypothèse vous voterez dans une autre école.
On aura donc compris que tout le monde va devoir changer de numéro de bureau de vote, ce qui est plus rigolo que de voter toujours pour les mêmes candidats en passant par le même isoloir et que certains, mais les moyens informatiques ne permettent pas encore de dire lesquels, vont en plus changer de lieu de vote. Un grand bazar en perspective à l’occasion de cette grande kermesse des élections départementales. Austérité oblige, les lots mis aux enchères seront les mêmes qu’il y a trois ans mais pour varier les plaisirs, on va changer les itinéraires qui conduisent aux stands.
L’électeur moyen, celui dont le suffrage honore notre République, aurait sûrement été tout à fait capable de repérer son éventuel rattachement à un nouveau bureau de vote, pour peu qu’on ait pris la précaution de joindre à l’envoi un avertissement ad hoc, mais on se serait privé d’une petite excitation préliminaire qui contribuera à rompre l’ennui d’une élection. Au passage, on saura que nos élus veillent sur nous et ne nous laisseront pas orphelins. C’est un petit prestige politique qu’il n’est pas négligeable de capitaliser en ces temps de disette.
On aurait aimer imputer ce nouvel avatar de découpage électoral et de chamboulement de nos habitudes à Sarkozy mais le cachet de la poste fait foi de son innocence.
A force, ils finiront bien quand même par nous faire douter du suffrage universel et il y aura ces 22 et 29 mars beaucoup d’autres chemins.
Pierre BALCON