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La consommation d’Artane augmente notamment parce que le zamal se fait plus rare

Selon Jean-François Guignard, qui dirige deux structures médico-sociales anonymes et gratuites, le CAARUD et le CSST, l'augmentation de la consommation d'Artane, mais aussi des autres psychotropes et des drogues en général, s'explique d'abord par le manque de prévention, ensuite par la raréfaction de cannabis, puis par la situation économique et sociale qui exclut les plus défavorisés mais aussi par les secrets de famille, et même par la position que l'individu occupe dans la famille, si elle est en position haute ou basse...

Ecrit par Daniella Maillot – le mercredi 07 mars 2012 à 21H40

Selon les chiffres communiqués cette semaine par la douane, on observe une montée en puissance du trafic de cachets d’Artane à La Réunion. Ce phénomène tient à plusieurs raisons. Tout d’abord le bon travail des gendarmes sur le terrain a rendu le cannabis beaucoup moins accessible, et la nature ayant horreur du vide, il est remplacé par ce que les consommateurs de psychotropes appellent « des grains » explique Jean-François Guignard. Des « grains », ce sont les cachets de type Artane, Rivotril et Rohypnol.

Dépénaliser le zamal

 « Le rouleau de zamal coûte plus cher que l’Artane, le Rivotril ou le Rohypnol », selon Jean-François Guignard. Mais depuis la loi de 1970 qui considère le cannabis comme un stupéfiant, la position de l’Etat n’a pas changé, « par manque de courage politique » regrette Jean-François Guignard. « C’est contre-productif. C’est un manque de pragmatisme. On est au bord de la manipulation » lâche-t-il, tout en voyant là une manière d’entretenir les clichés qui stigmatisent les addicts qui vivent pour la plupart déjà dans un mal-être.

« On tombe dans l’addiction de moins en moins par pêché de gourmandise. Il s’agit plus d’une mauvaise auto-médication, pour oublier que l’on ne parviendra pas à être comme tout le monde, à faire un crédit pour acheter une voiture ou emmener sa copine au restaurant. Pour 99% des addicts, consommer une drogue ou un psychotrope permet d’oublier pendant deux heures qu’il n’y a pas de place pour eux… », analyse-t-il.

La consommation des drogues dures progressent

Cela fait dix ans que Jean-François Guignard travaille en contact avec les personnes dépendantes de drogues dures ou de psychotropes. Et de plus en plus, il remarque que les toxicomanes viennent de moins en moins chercher de substituts tels que le Subutex ou la Méthadone, ce qui est pour lui indicateur de la présence de plus en plus importante de drogues dures sur l’île.

« Quand quelqu’un ne trouve plus de produits dans le circuit, alors il vient chercher des substituts dans les centre médico-sociaux lors des périodes creuses. Mais là, j’en reçois de moins en moins », dit-il. « Il n’y pas de drogues dures dans tous les coins de rue mais il y en a dans le circuit toute l’année ».

La famille souvent responsable

Autre cause de l’addiction : les secrets et drames familiaux ou la place que la personne addict occupe dans la famille. Il ne faut pas se leurrer, bien souvent l’alcoolique ou le consommateur de zamal porte la souffrance des autres membres de la famille. « Le plus noir est désinvesti. Il y a souvent un qui est préféré », ce qui amène « le vilain petit canard » à trouver refuge ailleurs que dans le foyer familial où le membre addict se sent exclu.

« Celui qui tombera dans l’addiction est celui qui occupera la postion basse dans la famille. Parfois des femmes emmènent une énième fois leur mari et disent « Regardez, il a rechuté, il est bon à rien ». Mais cette situation l’arrange bien car le mari est alcoolique, ce qui lui permet de continuer à aller voir son amant » lâche sans état-d’âme Jean-François Guignard

Prévenir coûte moins cher que guérir…

En effet ce n’est pas seulement la consommation d’Artane qui augmente mais la consommation de drogues et de psychotropes de manière générale : « gentiment mais sûrement », assure Jean-François Guignard.

L’insertion sociale est de moins en moins facile, surtout en ces temps de crise économique et social. Et par temps de crise, les pouvoirs publics ont tendance à réduire les moyens, ce qui n’arrange en rien la situation. « La prévention est essentielle. On perd énormément d’énergie et d’argent dans les soins », regrette Jean-François Guignard, qui assure que le manque de prévention à pour conséquence une augmentation des consommations.

L' »effet » pour oublier

La majorité des toxicomanes sont des hommes. Même si Jean-François Guignard reconnait que 25% des personnes addictes ont moins de 25 ans, il indique que 20% sont des femmes. « Elles ont été souvent violées ou agressées et l’effet de la drogue leur permet pendant deux heures de ne plus se sentir coupables ou sales ». Mais pour la société qui juge et qui exclut, c’est donc une double peine pour les personnes addictes. En plus de leur souffrance, ils sont stigmatisés.

Il n’y a pas de profil type

Mais ce ne sont pas uniquement les catégories défavorisées qui tombent dans l’addiction. « Il y a pas mal de fils à papa ou des chefs d’entreprises, des professeurs, des médecins, des commerciaux. Et c’est parfois des addictions plus graves car eux ont les moyens ».

« Toutes les ethnies sont touchées, que ce soit le Chinois, le Malgaches ou le Zoreil. L’addiction est un phénomène transversal », assure Jean-François Guignard.

Une prise en charge globale

Pour Jean-François Guignard, la prise en charge de la personne addicte doit être globale. « Elle doit être médicale, psychologique et sociale. En addictologie, c’est du cas par cas. On doit considérer l’individu dans son ensemble. Il faut faire un travail systémique en tenant compte de l’interaction avec la famille ».

 

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