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La Région Réunion célèbre ses 30 ans… Et maintenant?

La Région Réunion a 30 ans. Pour l'occasion, la collectivité a organisé plusieurs temps forts dont un débat qui s'est déroulé ce jeudi matin dans l'hémicycle de l'hôtel de Région Pierre Lagourgue. Un échange public qui a permis à divers acteurs d'apporter leur point de vue sur le rôle de la Région, ainsi que les enjeux de la décentralisation et les perspectives pour l'avenir.

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 11 avril 2013 à 18H10

A l’heure où le gouvernement se penche sur une réforme de l’organisation territoriale pour redéfinir les compétences des Régions, Départements et communes, la célébration des 30 ans de la Région Réunion tombe à pic pour s’interroger sur son avenir et les enjeux à relever. Au sein d’un hémicycle rempli de conseillers régionaux, d’acteurs de la vie sociale et économique, d’étudiants… le président de la Région Réunion et président de la Conférence des Régions Ultrapériphériques, Didier Robert, a proposé plusieurs heures d’échanges sur la décentralisation.

Le politologue, Yvan Combeau, a évoqué, dans les grandes lignes, l’histoire de la décentralisation à la Réunion. 30 ans pour la Région, 67 ans pour le Département… Ces deux institutions ne peuvent être considérées comme vieillissantes. Pour relativiser, la création des départements français date du 18ème siècle ! Dans les années 60, les idées jacobines du député Michel Debré se sont exprimées avec force. Plus tard, le PCR et ses idées autonomistes s’oppose vigoureusement à l’ARDF et ses convictions départementalistes.

Le référendum du Général de Gaulle sur le projet de loi relatif à la création de régions a eu lieu le 27 avril 1969. La population réunionnaise pousse un grand « non » à la régionalisation, à plus de 91%. On demande alors que le Conseil général reste la seule assemblée délibérante, ou à la rigueur, que l’éventuelle création d’un Conseil régional soit cooptée par le Conseil général… Les années 70 voient l’arrivée d’un fort mouvement régionaliste et le 25 février 1983 naît la Région Réunion. Depuis, les débats institutionnels sont globalement apaisés.

« En 1983, notre île était pour beaucoup, vue de Paris, au mieux ignorée, au pire dénigrée »

« En 1983, notre île était pour beaucoup, vue de Paris, au mieux ignorée, au pire dénigrée ; perçue encore très souvent comme une terre distante et sous-développée. En 2013, grâce à l’action conjointe de l’Union Européenne, de l’Etat, de la Région et du Département, la Réunion est reconnue par un grand nombre comme un lieu d’exception : un modèle d’harmonie interculturelle dans un patrimoine naturel mondialement reconnu depuis 2010 », rappellera dans son discours, le président de Région, Didier Robert.

En 30 ans, le travail de la Région pour le développement économique est sans précédent. Les conditions de vie des Réunionnais, à travers la démocratisation de l’éducation, la culture, l’informatique, les déplacements, la mobilité, la continuité territoriale, s’améliorent. « La Région a su grandir avec la Réunion, accompagner sa métamorphose en une vitrine de la France et de l’Europe dans l’océan Indien », analyse Didier Robert.

Aujourd’hui une nouvelle ère s’ouvre. « Le défi du rattrapage semble en passe d’être gagné. Mais ces progrès ne doivent pas faire illusion, ils ne doivent pas nous conduire à nier la persistance et parfois l’aggravation des déséquilibres », poursuit-il.

Trois scénarios évoqués

Mathieu Maisonneuve, professeur de droit public à l’Université de la Réunion, a proposé lors de ce débat, trois scénarios possibles : Le premier serait assimilé à un « Frankenstein » où l’on donnerait naissance à une créature qui risquerait de devenir un monstre, et pourquoi pas de se retourner contre son créateur… Plus juridiquement, la Réunion choisirait de passer de l’article 73, qui regroupe les DROM, à l’article 74 relatif aux COM (ex-DOM). Avec pour condition de ce passage, le consentement des électeurs. C’est l’opération qui a été tentée en 2010 en Guyane et en Martinique, sans succès. D’autres ont opté pour ce changement de statut à l’instar de Saint-Barthélémy ou encore de Saint-Martin. Dans ce cas, le droit national n’est plus automatiquement applicable et l’on bénéficie d’un « statut à la carte », explique le professeur. Mais parce que ces collectivités sont dotées d’autonomie, elles se voient conférées des super-pouvoirs. Cette évolution institutionnelle et statutaire comporte des risques.

Le deuxième scénario est celui d’un « retour vers le futur ». La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République comporte des dispositions relatives aux collectivités territoriales situées outre-mer. Les Régions et Départements d’Outre-mer peuvent juridiquement devenir des collectivités uniques. Cela devient encore plus vrai lorsqu’arrive en 2010 la réforme sur les collectivités territoriales permettant aux Départements et Régions de métropole de fusionner. Il n’y a donc plus alors de spécificité Outre-mer. Mais Mathieu Maisonneuve interroge : « Est-ce politiquement souhaitable? A voir… Risqué? La Guadeloupe et la Martinique ont refusé, puis l’Alsace il y a quelques jours. La Guyane et la Martinique ont pour leur part décidé de quitter le régime DROM. Si la Réunion devait suivre cette voie, le territoire n’aura pas plus de compétence décentralisée avec une collectivité unique », rappelle-t-il. Et de citer l’ancien Premier Ministre, Michel Rocard, qui déclara un jour à propos des DOM-TOM : « Toute agitation institutionnelle n’est qu’une fuite en avant ».

« C’est à vous (ndlr: les politiques) de jouer »

Et le troisième et dernier scénario parle du « meilleur des mondes », selon Mathieu Maisonneuve. Comment changer l’actuel, sans passer à la collectivité unique? La suppression de l’article 73 alinéa 5 de la Constitution, l’amendement Virapoullé, vient alors à l’esprit. « Cette solution oui, mais pour quoi faire? Si l’on a besoin d’avoir un droit différent du droit national, a-t-on besoin de compétences autres que celles qui sont dans la loi », questionne le professeur de droit public.

Le projet de loi sur l’acte III de la décentralisation a été présenté en conseil des ministres hier par la ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique. Un acte III qui a finalement été scindé en trois étapes, trois projets qui présentent pour l’instant, selon Mathieu Maisonneuve, des intérêts de rationalisation, de cohérence et de dialogue renforcé… non pas de nouveaux champs de compétences. « On peut encore ajouter ou modifier des éléments dans ce projet de loi. C’est à vous (ndlr: les politiques) de jouer », a conclu le professeur d’Université.

 

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