Hier soir, malgré la pluie, tous les servis kabaré de l’île ont résonné aux rythmes du Maloya. Chaque année, le 20 désamb’ est sans conteste la meilleure occasion pour les artistes réunionnais de faire vivre cette musique traditionnelle au passé chargé.
Transmettre, faire connaître le répertoire du Maloya, gagner un peu sa vie comme musicien, ou simplement pour le plaisir de fêter dignement la fèt’kaf, les motivations des « maloyèrs » sont diverses et variées.
La plupart des musiciens qui s’investissent dans la maloya sont des amateurs, ils ne vivent pas de cette activité. Au mieux ont-ils le statut d’intermittents du spectacle et tournent avec plusieurs groupes musicaux aux quatre coins de l’île, plus exceptionnellement en métropole ou en Europe pour les plus connus. Certes, des artistes comme Danyèl Waro, Firmin Viry ou encore la famille « Lélé » font raisonner le Maloya au delà des frontières de l’océan indien, mais certains artistes regrettent le faible investissement des politiques péi alors que la musique traditionnelle réunionnaise est classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco depuis le 1er octobre 2009.
La sauvegarde du Temple
C’est notamment le cas de Stéphane Grondin qui a publié cette année un livre sur le sujet : [« Aux rythmes du Maloya » (lire ici).]url:http://www.zinfos974.com/Stephane-Grondin-presente-son-livre-Aux-rythmes-du-Maloya_a30276.html Pour lui il y aurait une sorte de récupération politique du Maloya.
De temps en temps, les politiciens feraient mine de s’y intéresser pour des raisons électoralistes mais personne ne se préoccuperait réellement de la « sauvegarde du temple ».
Redécouvrir et transmettre les différents styles de Maloya, se réapproprier les danses ou la richesse des récits lyriques, partager une véritable authenticité autour des codes du « Maloya way of life », tout un projet qui semble difficile à mettre en œuvre dans le contexte actuel.
« Nous sommes encore trop souvent catalogués de joueurs de tam-tam » soupire Stéphane Grondin dont le destin est étroitement lié à des rencontres comme celle avec le « Lo Rwa Kaf« , un des acteurs majeurs de la survie des traditions du Maloya à l’époque de la prohibition.
L’Unesco, un coup d’épée dans l’eau ?
L’homme continue à s’investir dans sa passion au sein des Maloyallstars mais ne cache pas son amertume en constatant que rien n’est réellement entrepris pour promouvoir le Maloya.
Selon lui, les groupes de musique seraient uniquement sollicités par les collectivités à l’approche du 20 décembre ou lors de rares occasions pour des animations de quartiers, par exemple dans le cadre de la fête de la musique.
Quoi qu’il en soit, le Maloya traditionnel aurait peine à exister selon Stéphane Grondin : « L’insciption au patrimoine mondial de l’Unesco a été un coup d’épée dans l’eau. Le jour J, c’était la jubilation et au final, c’est la déception » déplore-t-il.
Maloya traditionnel ou moderne métissé ?
Etre classé au patrimoine mondial de l’Unesco, cela signifie aussi que le Maloya doit tenter de s’ouvrir au monde. A l’export, le métissage, le mélange avec d’autres sonorités prend véritablement l’ascendant sur un Maloya qualifié de plus traditionnel.
C’est notamment l’exemple donné par des artistes comme Meddy Gerville ou Davy Sicard qui perpétuent ce métissage, comme l’ont fait Alain Peters ou René Lacaille avant eux.
Cet aspect « recherches-développement » du Maloya semble d’autant plus indispensable qu’il rencontre un franc succès auprès du public.
Il reste maintenant aussi à « faire vivre la musique des camps, des calbanons », celle des grandes plantations agricoles qui raconte l’histoire de La Réunion.
Une maison du Maloya ?
Finalement, son combat pour la sauvegarde du Maloya, Stéphane Grondin l’a imaginé à travers la création d’une « Maison du Maloya, un lieu mémoriel ou l’on pourrait réunir, exposer et partager des connaissances historiques sur le Maloya. Un lieu de rencontres » plaide t-il.
Pour l’heure, ce projet ne rencontrerait pas l’écho escompté auprès des responsables politiques, au grand dam de son instigateur. « Vous ne pouvez pas apprendre à lire si vous ne connaissez pas les lettres de l’alphabet », s’agace t-il.
Pour lui, il est essentiel de redécouvrir les bases des codes musicaux, l’esthétique poétique du Maloya, ou encore les techniques de fabrication des instruments traditionnels.
Il assure en outre que le coût d’un tel projet serait relativement modeste en comparaison avec l’intérêt qu’il représenterait pour la sauvegarde de notre histoire et l’identité réunionnaise.