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L’oratoire Notre Dame et le mystère Saint Expédit

Situé en hauteur dans un creux naturel formé dans la falaise, le long de la R.N. 2, l’oratoire Notre Dame de Lourdes a eu comme maître d’œuvre, le père Dobenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921. De nombreuses autres statues sont posées à l'avant et à l'arrière de cet oratoire. Ainsi, le Christ, la Vierge Marie et Saint Expédit cohabitent.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 27 mars 2010 à 08H05

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Sa construction fait suite à l’histoire qui s’est déroulée à cet endroit lors du cyclone de 1862. En effet, un énorme raz-de-marée s’est jeté sur la côte, balayant tout sur son passage. Les habitants de Saint-François, la petite bourgade située entre Saint-Benoît et Sainte-Anne, avaient trouvé refuge dans l’excavation surélevée. La mer ne les a pas atteints, ils ont été sauvés.

Il faut noter que le même phénomène s’est produit un siècle plus tard, en 1962 avec le cyclone Jenny, qui à son tour, balaye le petit village situé en bord de mer. Cette fois 12 personnes périssent et le village est rasé par l’énorme vague. Comme à chaque fois où il se passe un évènement exceptionnel, les croyants de la Réunion sont venus prier à cet endroit. Le Père Daubenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921 (Cf. Église de Sainte-Anne – Chef d’œuvre architectural) y établit un oratoire qui est fait de lave, de moellon, de pierre de taille et de béton et décoré de sculptures.

 

Initialement construit en l’honneur de la Vierge et du Christ, cet édifice abrite aujourd’hui, un autre personnage : Saint Expédit qui est aussi très sollicité dans l’île. L’histoire de ce saint est incertaine, plusieurs thèses sont avancées. Même l’Eglise se pose des questions sur son authenticité.

D’après la légende, ce personnage était un chef romain exerçant en Arménie. En l’an 303 du calendrier romain, il se convertit à la religion chrétienne mais Dioclétien, empereur de Byzance le fait exécuter.

 

Selon une autre version,Saint Expédit aurait été inventé par des religieuses qui auraient reçu un colis venant de Rome. Ce paquet contenait des statuettes de soldat romain sans qu’il n’y ait nulle part, le nom de celui qui était représenté. Sur l’emballage, il était seulement mentionné « in expedito ».

D’après une autre version encore, lors d’une épidémie une réunionnaise se trouve retenue en France sans possibilité de rentrer dans son île. Elle prie Saint Expédit lui demandant de dénouer sa situation rapidement. Ses prières sont exhaussées, elle embarque à Marseille. Arrivée à Saint-Denis, sa ferveur pour Saint Expédit lui donne la force de persuasion pour qu’on accepte une statue de ce saint dans l’église de la Délivrance.

 

Saint Expédit n’a jamais été canonisé par l’Eglise catholique. Son nom est supprimé du martyrologue et ses représentations sont interdites dans les églises par le Pape Pie XI en 1906. Sa statue est accueillie dans les années 1920/1930 à la Réunion et prend une place considérable dans la religion populaire réunionnaise. D’ailleurs dans l’île, les autorités religieuses n’ont pas prohibé son culte. Sa fête est célébrée le 19 avril, sans qu’on en fasse grand cas.

On le retrouve dans de nombreuses chapelles et petites grottes. Il est également dans l’église de la Délivrance. Il a encore une stèle entre le Col de Bellevue et le 27ème km à la Plaine des Cafres. Il est situé à 1800 mètres d’altitude surplombant toutes les zones habitées de La Réunion. Ces petits autels à peine capables de contenir une statuette fleurissent le long des routes. Ils sont presque toujours fraichement fleuris et souvent les nombreuses bougies sont allumées.

 

De couleur rouge, couleur de sang ou de pratique macabre, ils se remarquent aussi par les nombreux exvotos et les remerciements qui l’entourent. Ce qui est surprenant, c’est que la population se l’approprie le faisant cohabiter avec des icones catholiques. Ainsi, cette croyance est réalisée d’un syncrétisme religieux mélangeant aux rites catholiques ceux venus de Madagascar ou d’Inde. Les croyants fréquentent ces lieux dans la plus grande discrétion. Ils ont recours à Saint Expédit lorsque qu’ils se trouvent face à des problèmes qui s’étalent dans le temps. Il semble être le saint patron des écoliers, des hommes d’affaires et des candidats au permis de conduire. Quels sont les pouvoirs de ce saint ?
Dernier recours, St Expédit apparait comme un sauveur énergique et efficace est prié pour des causes délicates parfois inavouables : problème affectif, bataille familiale ou de voisinage, dispute, travail, argent.… Il demande une compensation. Cependant, il est très exigeant sur le respect des promesses faites à son encontre et requiert qu’elles soient totalement respectés.

 

 Le Patrimoine des Communes de France – Coll. Le Flohic – 2000 – p.163, donne une explication un peu plus complète : « Bien que St Expédit ait été retiré du calendrier liturgique puisque son existence n’est pas avérée, il demeure vénéré dans l’ile. De nombreuses niches dédiées à ce saint jalonnent les routes et aussi les jardins des particuliers car, selon la croyance, Saint Expédit est également considéré comme protecteur contre les maléfices et les voleurs. L’usage est d’allumer une bougie dès 18 heures afin de signaler à ceux qui voudraient entrer la présence du saint. C’est en général le vendredi qu’Expédit est prié, dans un rituel au cours duquel camphre et bougies sont brûlés. Brûler du camphre dans une cérémonie religieuse est un rite indou, ce qui s’explique également par le fait de Saint Expédit a été assimilé à Karl, Mardévirin ou encore Salespédy. Son culte est par ailleurs souvent empreint de sorcellerie ». Ces divinités indiennes symbolisent la richesse et la force.

 

Saint-Expédit est montré en jeune soldat romain debout ayant à la main gauche la palme du martyre; dans l’autre main il présente une croix où est inscrite « hodie » (aujourd’hui). Sous son pied droit il retient un corbeau qui dit « cras » (demain).

Sources :

Recherches de Prosper Eve parues en 1977 et de Christian Barat

Philippe Reignier Intervention au Colloque de l’ADFOI : Institutions et cultures. Les enjeux d’une rencontre », samedi 9 juin 2001 (chez L’Harmattan).
EVE P., 1985, « Le culte voué à Saint-Expédit », in « La religion populaire à La Réunion », tome 2, Université de La Réunion, ILA, pp. 36-43 « culte voué à ST Expédit, culte assez discret, est lui aussi validé. Son flux s’exerce pratiquement dans toute l’île. »

 

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