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L’errance animale peut disparaître… Si chacun identifie et stérilise

C’est devenu une caractéristique notable de La Réunion: des animaux errants, principalement des chiens, qui occupent les rues, parcs et plages de l’île. Si certaines associations de lutte pour le droit des animaux disent voir un fléau qui prend de l’ampleur, la situation reste stationnaire – même si elle demeure « inquiétante » – selon le GEVEC […]

Ecrit par zinfos974 – le dimanche 09 octobre 2016 à 09H01

C’est devenu une caractéristique notable de La Réunion: des animaux errants, principalement des chiens, qui occupent les rues, parcs et plages de l’île. Si certaines associations de lutte pour le droit des animaux disent voir un fléau qui prend de l’ampleur, la situation reste stationnaire – même si elle demeure « inquiétante » – selon le GEVEC Réunion (Groupe d’étude vétérinaire sur l’errance des carnivores). « On a une impression générale de stabilité, affirme Hélène Rondeau, présidente du groupe d’étude, mais les associations doivent continuer leurs actions car c’est elles qui évitent la hausse des chiffres ».
 
Des associations qui retirent les chiens de la rue, les stérilisent et les font adopter par des familles « responsables » qui les nourrissent, leur donnent un abri, ne les laissent pas s’échapper et les aiment, tout simplement.
 
Mais la grande majorité ne connaîtra jamais cette fin heureuse. Ils seront attrapés et conduits à la fourrière où malgré une bonne santé et une gentille nature, ils seront piqués.
 
Si les campagnes de stérilisation (qui proposent des stérilisations gratuites allant de un à deux animaux par an aux maîtres non-imposables) coûtent en effet plus cher aux intercommunalités que l’euthanasie en fourrière, le coût du travail en fourrière n’est pas négligeable non plus. À titre d’exemple, la CIREST a dépensé 38.400 euros l’année dernière en euthanasie. Mais les stérilisations ont quant à elles coûté 87.300 euros à l’intercommunalité.

 

 

En tout, ce sont 19.000 animaux qui ont franchi les portes des fourrières de La Réunion en 2014 et parmi eux, 17.700 sont morts. Ces morts, ce sont des chiens et chats euthanasiés ou des cadavres sur la voie publique.
 
On retient que sur les 8487 chiens capturés cette année-là, 7370 ont été euthanasiés. Sur les 2853 chats, 2614 ont aussi été piqués. Et les cadavres que les agents de fourrière ont ramassés s’élèvent à 7716. Un record depuis les cinq années précédentes.
 
« Même si nous ne réalisons pas les euthanasies, nous assistons et ça c’est difficile »
 
La mort coûte moins cher, donc, mais à quel prix (moral) ? Pour les agents de fourrières, qui restent discrets à ce sujet, le quotidien n’est pas toujours évident. « La situation que l’on vit actuellement n’est pas normale et ces euthanasies de chiens en bonne santé, ce n’est pas ce que les techniciens de fourrière devraient faire au quotidien, explique Eddy Turby, responsable de l’activité environnement animalier au sein de la SEMRRE (Société d’économie mixte Réunion recyclage). Même si nous ne réalisons pas les euthanasies, nous assistons et ça c’est difficile ». Il avoue qu’ils cherchent souvent à repousser les dates d’euthanasie prévues autant que possible afin de leur laisser une chance de trouver une place en refuge. « On s’occupe d’un chien pendant une semaine et on s’y attache, c’est normal », avoue-t-il.

 

Un travail difficile également pour Annick Letaconnoux, responsable de la SPA du Nord de La Réunion, qui travaille avec la fourrière de Sainte-Marie: « Être obligée de faire endormir un magnifique toutou qui vous lèche affectueusement la main et qui remue innocemment la queue, ça fend le cœur. Quand je vais choisir des chiens de la fourrière pour les emmener au refuge, je n’ai pas du tout l’impression de sauver des chiens mais d’envoyer les autres à la mort ».
 
Dans un monde idéal, Eddy Turby voit la fourrière comme un lieu de retrouvailles entre un chien perdu et son maître inquiet. Il aimerait donc voir bien moins d’euthanasies et plus de maîtres « responsables » qui gardent leurs chiens chez eux.
 
Donc, comment éviter autant de morts dans les fourrières ? Certains ont une vision utopique d’une stérilisation massive par les habitants des quartiers ou par les associations qui prendraient les chiens de la rue, les emmèneraient se faire opérer et les remettraient sur la voie publique. Simple, efficace et décent. Mais ce n’est malheureusement pas possible, légalement. Pour faire stériliser un animal, il doit être identifié et devient ainsi la responsabilité de la personne qui prend en charge les soins. Cette personne n’a ensuite pas le droit de relâcher l’animal, devenu le sien, dans la rue.
 
L’association ASSEZ (Allon siouplé sauv’ ensemb’ zanimos) et sa présidente Anne-Laure Frixon, reconnaissent que la loi est donc un frein à la stérilisation massive et s’indignent : « Situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles non ? » Elle précise en effet que le préfet aurait le pouvoir de donner l’autorisation de stérilisation sans identification. « Il faudrait alors que la stérilisation soit gratuite et accessible à tous avec un dispensaire qui stériliserait les animaux avant de les remettre dans la rue , explique-t-elle, l’État doit juste se décider à mettre les moyens ».
 
En Allemagne, les fourrières n’existent pas
 
Frank Hohlstamm, président de l’association Galiendo et éducateur canin, croit à une « Réunion sans fourrière ». Originaire d’Allemagne, il rappelle que là-bas, les fourrières n’existent pas. « Donc ce n’est pas possible que le chien soit le problème; les chiens sont les mêmes sur toute la planète », affirme-t-il. « Si l’on considère que le chien est le problème, ça justifie le nettoyage des rues. Si les communes s’étaient concentrées sur la sensibilisation et l’éducation au lieu de chercher à se débarrasser du problème « chien », la situation ne serait pas ce qu ‘elle est aujourd’hui. Les seules responsables sont les communes, s’indigne-t-il.

Sans soutien politique il est impossible de faire quoi que soit, on sera toujours comme un Hamster dans sa roue. Mais les mairies ne font rien de peur qu’elles soient vus comme faisant plus pour les animaux que les gens ; ce qui entraînerait une perte d’électeurs ». Frank Hahlstamm reste néanmoins convaincu que celui qui s’engagera pour les animaux obtiendra bien plus de soutien des citoyens, « mais pour ça on a besoin de courage », ajoute-t-il. Arrêter de choisir l’euthanasie et de jouer le rôle de Dieu et obtenir une « Réunion sans fourrière », peut-être pas demain « mais d’ici cinq ou 10 ans », précise l’éducateur.
 
L’action que Frank Hohlstamm propose est celle de la sensibilisation dans les écoles: « Les gens doivent apprendre à s’occuper d’un chien et j’ai proposé un projet de sensibilisation au Rectorat il y a trois mois… sans réponse. Je n’obtiens jamais de réponse ». Il explique que 90% des problèmes de comportements viennent de chiens de race que les propriétaires enferment dans leur cour. Une fois en promenade, ils ont peur, sont agressifs ou veulent s’échapper. « Leurs chiens deviennent bien plus dangereux que des chiens errants qui eux connaissent la rue et ont appris à se sociabiliser. C’est ça qu’il faut expliquer aux gens ».
 

 

« L’euthanasie fait partie d’un ensemble »
 
Hélène Rondeau croit elle aussi à la sensibilisation, même si l’euthanasie « reste inévitable »: « Il y aura toujours des animaux qui connaîtront le sort de l’euthanasie, ce serait impossible autrement, mais le but est en effet que cette alternative soit la plus rare possible ». Selon elle, seule une combinaison de trois éléments peut éliminer ce problème d’errance : l’euthanasie, la stérilisation et la sensibilisation.
 
C’est bien sur ce troisième point que le GEVEC insiste. « Si l’on n’apprend pas aux gens comment s’occuper de leur animal, le problème sera récurrent, explique Emmanuelle Arhel, vétérinaire et membre du groupe d’étude, car la plupart des Réunionnais ne sont pas de mauvaise foi, ils croient simplement à la liberté de leur animal et ne voient pas l’utilité d’une stérilisation ». Le public à toucher en priorité serait selon ces deux professionnelles les plus jeunes, dans les écoles. « Nous aimerions faire des interventions régulières dans les écoles et apprendre aux petits que les chiens ont des besoins comme l’accès à l’eau propre, la nourriture, un abri et ne pas être attaché trop court. Ils doivent comprendre qu’il est aussi interdit de laisser errer son animal dans la rue et qu’il faut les identifier », ajoute Hélène Rondeau.
 
La dernière campagne de sensibilisation à la radio date en effet de 2001, selon elle, « ce qui est inadmissible ». Annick Letaconnoux est d’accord. « Nous n’avons pas les moyens de sensibiliser le public mais nous insistons souvent pour que les intercommunalités prennent le temps de mettre des affiches d’information quant à l’identification et la stérilisation dans les lieux publics et en particulier les salles d’attente ».

 

A-t-elle enfin été entendue ? Les conseillers communautaires de la Cinor (Saint-Denis, Sainte-Marie et Sainte-Suzanne) se sont récemment mis d’accord sur la participation au plan d’intensification de lutte contre l’errance animale 2016-2018. Les intercommunalités auront 200.000 euros par an à se répartir entre elles (48.000 euros par an pour la Cinor) afin d’augmenter le nombre d’identifications (par puce électronique) et de stérilisations, ce qui devrait pouvoir assurer une hausse de 20% pour les deux. Le plan contient également un projet de sensibilisation avec une campagne radio et d’affichage.
 
La Casud (L’Entre-Deux, Saint-Joseph, Saint-Philippe, Le Tampon) compte faire de même grâce à un affichage dans les mairies et mairies annexes ainsi que la diffusion d’une plaquette d’information. Elle rappelle que des médiateurs et animateurs sensibilisent les enfants dans les écoles. Cet élan arrive après la diminution du nombre de stérilisations et identifications entre 2014 et 2015 dans ses communes (de 1646 à 1597).
 
L’importance de l’identification : 90% des chiens euthanasiés appartiendraient à quelqu’un
 
Une fois leurs obligations connues, les familles peuvent être davantage tenues responsables de leurs actes, selon les vétérinaires. Elles doivent par exemple être informées que selon l’article 276-2 de la loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, l’identification de tout chien et chat est obligatoire.
 
« L’identification est la chose la plus importante, explique Annick Letaconnoux, avant même la stérilisation. Si les chiens à la fourrière étaient identifiés, on pourrait contacter leurs maîtres pour qu’ils viennent les récupérer ».
 
Car selon elle, 90% des chiens qui finissent à la fourrière appartiennent ou ont appartenu à quelqu’un. « Ils sont beaucoup trop faciles à attraper et trop gentils pour être de véritables chiens errants; la plupart des chiens que l’on finit par euthanasier auraient pu être sauvés si on avait un moyen de contacter leurs maîtres », avoue-t-elle.
 
Il est aussi interdit de laisser divaguer son animal domestique sur la voie publique.
 
Les campagnes de stérilisation varient selon les intercommunalités:

CIVIS : A partir du 1er octobre et pas d’identification comprise
CASUD : Toute l’année (ou jusqu’à ce que les 80.000 euros de budget soient épuisés) et identification comprise
CIREST : Toute l’année et identification comprise
CINOR : Toute l’année et identification comprise
TCO : Toute l’année et pas d’identification comprise
 
Le prix de l’identification varie entre 35 euros (dans les dispensaires de la Spa ou en fourrière) à 90 euros.
 
« Nous demandons aussi à ce qu’il y ait une homogénéité entre les intercommunalités et que tout le monde se mette d’accord », terminent les membres du GEVEC qui tient des réunions régulières avec les intercommunalités et la préfecture. Par contre, la réunion initiée l’année dernière par l’association des maires n’a absolument rien donné selon elles. Nous en avions parlé sur [Zinfos 974]urlblank:http://www.zinfos974.com/Errance-animale-Fremissement-du-cote-des-elus-alertes-par-l-AMDR_a92974.html . « Il y a une volonté d’action mais le but est maintenant de mettre tout le monde d’accord, d’avoir les même habitudes et budgets ». 
 
 

 

Mais pour l’instant, malgré de la bonne volonté par-ci par-là, ce sont les actions concrètes qui manquent, forçant les bénévoles et âmes sensibles à récupérer et sauver ce qu’ils peuvent, du mieux qu’ils puissent.

 

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