Voici une décision du tribunal correctionnel de ce jeudi qui risque de faire grand bruit… Et l’affaire est loin d’être terminée.
La scène se passe dans une résidence touristique de Saint-Leu le 23 mai 2014. Pourquoi a-t-elle mis autant de temps à arriver devant la cour? Voilà qui est un premier mystère.
Cette structure loue des meublés et propose une piscine à sa clientèle. Précisons que l’ensemble n’a jamais fait l’objet de plaintes ni de réclamations de qui que ce soit. Depuis 13 ans qu’elle fonctionne, c’est une performance.
Ce jour-là, un fonctionnaire de l’ARS (agence régionale de santé, ex-DDASS) se présente, en compagnie d’un employé d’un laboratoire privé d’analyses, pour effectuer des prélèvements dans la piscine.
C’est la loi, il n’y a pas à rouspéter : dans les structures accueillant du public, de sévères normes sanitaires doivent être respectées. Rien à dire contre.
Mais l’employée de l’accueil, qui est aussi la bru de la gérante, ne laisse entrer personne : la patronne, belle-maman, en France pour se faire soigner d’un AVC, lui en a laissé la consigne, elle applique, point.
L’homme de la loi la prévient qu’elle risque des poursuites pénales mais fidèle à la consigne, la jeune femme refuse : comme en 14, « on ne passe pas ! »
Là où ça coince grave, c’est que l’agent du laboratoire privé ne disposait pas à cet instant de l’agrément pour effectuer les prélèvements.
« Carrément de l’escroquerie administrative ! »
Ce qui a d’ailleurs permis au bâtonnier Georges-André Hoareau de se livrer à un de ces coups de théâtre dont il a le secret : « Quelques mois auparavant, ce laboratoire était soi-disant agréé. Au moment du prélèvement, il ne l’était plus. Où est la coupure ? Avait-il un agrément ? Un demi-agrément ? Pas d’agrément du tout ? Apparemment il ne l’avait pas. »
Et l’avocat de sortir les chiffres, qui impressionnent toujours : « Un prélèvement, obligatoire, rappelons-le, est facturé 160 euros au client, pas à l’ARS. 160 euros par piscine, précisons-le. Comme le laboratoire n’avait pas d’accréditation administrative au moment du prélèvement, on tombe carrément dans la tentative d’escroquerie ».
L’escroquerie consiste à se prévaloir d’un faux titre pour en retirer un avantage.
Le bâtonnier Djalil Gangate, fin pinailleur pénaliste, a fait valoir que « les lois et règlements ne sont pas à choix multiple ; dans un établissement même privé mais recevant du public, nul ne peut se soustraire à un contrôle ; il en va de la salubrité publique ».
Toutefois, l’ARS ne réclamait pas de dédommagement financier.
« Ca pue la combine ! »
Le bâtonnier Hoareau a plaidé la relaxe avec ses « images » favorites : « La Tour Montparnasse est bourrée d’amiante mais ça n’inquiète pas les pouvoirs publics qui préfèrent s’en prendre à ceux qui travaillent. La procédure est basée sur un faux ! L’Etat a-t-il un si urgent besoin d’argent ? Le marchandage est odieux : si vous payez dans moins d’un mois, votre amende sera diminuée de 20 %. Et pourquoi le chikungunya a-t-il ému les autorités en métropole seulement ? Pourquoi faut-il payer un laboratoire privé pour des prélèvements que le fonctionnaire de l’ARS est parfaitement qualifié à effectuer ? Le labo peut venir 10 fois par an, la victime devra casquer 10 fois. Ca pue la combine ! »
Son appel à relaxe n’a été entendu qu’à moitié. La propriétaire a été relaxée mais son employée et belle-fille taxée de 400 euros avec sursis.
Si on traduit bien, la principale responsable est blanchie (normal pour une piscine, me direz-vous) mais l’employée condamnée. Si j’ose dire, l’accessoire paye pour le principal, comme on dit en droit.
Il y a de l’appel dans l’air, affaire à suivre.