« Manque de courage politique » ou désengagement de l’Etat dans le développement des universités ultra-marines ? C’est la question que se pose Mohammed Rochdi, président de l’Université de La Réunion face à la démarche du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui demande à l’ensemble des universités de France de basculer en mode RCE (responsabilités et compétences élargies). Le RCE provoque un transfert de gestion de l’ensemble des moyens humains et financiers au nom d’une autonomie plus large des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais sans que le budget soit révisé en conséquence.
Depuis 2009, un nouveau modèle d’allocation des moyens est effectif selon un mode de calcul appelé Sympa (Système de répartition des moyens à la performance et à l’activité) qui vient remplacer le modèle San rémo et se base désormais sur une enveloppe globale.
Le modéle Sympa est « presque linéaire, car il effectue la répartition presque uniquement au prorata des étudiants pondérés et des enseignants-chercheurs publiant » indique l’université de Lille qui a observé dans les faits ce nouveau mode de calcul qui s’applique pour la dotation en crédits et en emplois.
Alors que l’ancien mode de calcul San Rémo prend en compte « des effets de taille, de coûts de fonctionnement différents par classe de formation ; d’un besoin en personnels IATOS différentié non pas par étudiant, mais par grand groupe pour des formations secondaires et tertiaires professionnelles ou générales. Il est également différentié pour les besoins en enseignants sur la base du nombre d’heures par étudiant (H/E) et du statut des enseignants ».
L’Université de La Réunion « sous-encadrée »
Cela a pour effet collatéral d’amener des universités à geler des postes pendant que d’autres établissements, tels que ceux de la Réunion, sont sous-encadrés, notamment dans le domaine de la recherche où elle doit faire appel à des contractuels.
L’Université de La Réunion doit déjà couvrir la rémunération de 148 contractuels, des non-titulaires qui correspondent à 131 équivalents temps-pleins. « L’Université de La Réunion est sous-encadrée », contrairement à d’autres qui sont obligées de « geler des postes car elles n’ont pas d’heures à donner » à ces fonctionnaires qui restent sur le carreau.
10 miilions du budget global pour la continuité territoriale
Pourtant le RCE, pour lequel un audit commandé par Ministère a jugé que notre université est armée en moyens humains et techniques, a été vendu comme un moyen de « dégager des marges de manœuvres pour mieux orienter leur politique de développement dans les domaines de la formation, de la recherche, de l’aide à l’insertion professionnelle, de la vie étudiante, des relations internationales (…) » déplore le président de l’Université de La Réunion, qui a soumis tout de même une solution.
Sur une enveloppe de 1, 7 milliard d’euros que l’État consacre à l’enseignement supérieur et la recherche, il demande que 10 millions d’euros, soit 0,7% de cette enveloppe globale, soient mis de côté afin de couvrir les frais de continuité territoriale des universités ultra-marines. Ceux-ci s’élèvent à 3,4 millions d’euros pour La Réunion et ne sont couverts par aucune dotation spécifique.
Rien que pour le marché aérien, 1,9 millions d’euros sont dépensés par l’université de La Réunion. Elle n’a pas de dotation spécifique liée à l’éloignement géographique et déshabille Paul pour habiller Jacques pour couvrir les déplacements des chercheurs aux congrès, rendez-vous indispensables pour l’échange des savoirs.
« Il faut que toute la présidence des Universités aille dans ce sens »
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche entend l’appel de Mohammed Rochdi : « Il faut que toute les présidents des Universités aillent dans ce sens » lui a t-on répondu dans les locaux du Ministère. En clair, « que 83 universités viennent au secours de quatre universités ultra-marines » résume le président de l’Université de La Réunion… Déjà lors d’une rencontre bilatérale, le Ministère lui avait soufflé qu’il fallait « faire avec ce que vous avez et nous verrons ce que nous pourrons faire pour vous en 2012″…
La Réunion joue déjà « dans la cour de l’excellence »
Pour Mohammed Rochdi, « le RCE est une grosse mascarade ». Et c’est la raison pour laquelle le Conseil d’administration a finalement voté à l’unanimité hier un budget primitif classique qui ne correspond donc pas au mode RCE, à la demande du président Mohammed Rochdi lui-même, parce que « l’État ne nous accompagne pas » a t-il conclu.
Il rappelle que malgré un contexte socio-économique difficile, La Réunion de part son dynamisme a contribué « au rayonnement de la France et de l’Europe dans toute la zone Océan Indien » et que « oui je réclame un traitement spécifique ». Il assure que l’Université de La Réunion joue déjà « dans la cour de l’excellence » et qu’il s’agit de maintenir cet état de fait.