Qu’est-ce qui a motivé votre engagement politique ?
Enfant, j’ai été élevée par une mère militante. J’ai évolué dans un univers de manifestations, de porte à porte, de débats menés sur les inégalités quelles qu’elles soient. J’ai vécu à Madagascar, là-bas, j’ai découvert d’autres formes d’inégalités. Par la suite, lors de mes études supérieures en France, j’ai été confrontée aux différences faites entre Réunionnais et métropolitains. Ce chemin de vie m’a motivé, donné l’envie de m’engager non pas en politique mais de participer au développement de mon île à travers mon métier. Lorsque Paul Vergès m’a proposé d’être sur la liste des régionales en 2003, sans être dans un parti politique, j’ai dit oui parce que cela me correspondait.
Avez-vous l’impression que la place des femmes a évolué en politique à La Réunion ?
Il reste encore un très long chemin à parcourir. La place des femmes a évolué de manière superficielle parce que la loi l’a voulu ainsi. Les quelques femmes qui sont en place ne sont pas là d’une manière spontanée et désirée, c’est en quelque sorte une place obligée. Il faut que cela devienne naturel. La représentation féminine est encore très faible, elle est à mes yeux comme d’autres représentations minoritaires, ethniques ou handicapés. Pourtant, statistiquement, nous sommes aussi importantes que les hommes ; le pouvoir devrait être partagé logiquement. Autant de femmes que d’hommes. Il en va de même pour dans le public comme dans le privé.
Pensez-vous que les femmes font de la politique autrement ?
Il ne faut pas généraliser et tomber dans un piège réducteur. Il y a autant de personnes brillantes chez les hommes comme chez les femmes. Il suffit de leurs donner l’opportunité. Ne pas permettre aux femmes d’exister en politique, c’est se priver d’un vivier essentiel.
Vous définiriez-vous comme féministe ?
Il existe encore de nombreuses inégalités hommes/femmes à travers le monde et ce dans tous les niveaux de la société. Cela passe de la famille, à l’éducation, au travail, dans les médias etc.
Moi-même en tant que mère, il m’est difficile de donner un modèle précis à mes enfants : le monde de l’image (tv, presse, internet) renvoie nos enfants vers des modèles très réducteurs : l’ambition pour les garçons, le respect pour la fille. Comment dans ce contexte, les jeunes filles et les jeunes garçons peuvent se projeter, s’émanciper ? Une dose de féminisme ne peut être que bénéfique.
Quand vous étiez enfant, vous aviez conscience d’un statut différent entre l’homme et la femme ?
Très tôt, j’ai pris conscience de l’importance du travail pour une femme (ma mère m’a élevée seule). Et aussi le droit de la liberté, de l’émancipation. Je suis contente d’être une femme, c’est une belle chose que de donner la vie. Pour rien au monde, je ne laisserais ma place. Mais je sais aussi combien c’est difficile la vie d’une femme lorsque l’homme est en défaillance. Toutes les responsabilités : matérielles, financières ou affectives incombent à la femme. La société a un grand rôle à jouer. Il y va du respect des uns envers les autres, des devoirs de chacun. Très peu d’hommes ont compris l’importance de la place de la femme.
Est-ce que l’homoparentalité est une nouvelle forme de famille ?
Cela a toujours existé. Enfant, j’avais une amie, sa mère vivait avec une autre femme. La cellule familiale ne posait aucun problème. La loi permet la prise en considération, la reconnaissance officielle. Faut-il une loi pour permettre le bonheur différent du modèle classique ?
Il existe des esprits très fermés chez les hétérosexuels comme partout ailleurs. C’est une question d’individu ; J’ai tendance à croire qu’un enfant trouve son épanouissement entre deux personnes qui mènent une relation choisie et non obligée.