Quelques jours à peine après le 10 mai, “Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition”, instituée en 2006, je suis malheureusement dans l’obligation de lancer un appel à l’apaisement des esprits, au respect, à la raison, mais aussi à la mémoire.
Les tristes déclarations du premier adjoint à la maire de Saint-Paul, contre le maire du Port que je suis, au moment même où sa candidate, Huguette Bello, lance un nouveau mouvement politique, laisseront, à n’en pas douter, une pierre dans le jardin réunionnais. Proférés devant une large assemblée, ces mots viennent en aval d’une série de provocations répétées.
Courriers des lecteurs maniant une équivoque sans équivoque, propos nauséabonds proférés assez forts pour qu’on les entende, et, particulièrement, un certain meeting tenu au Port, dont tous les termes — ou presque — suintaient le mépris, fondés sur une dialectique du maître et de l’esclave assez élaborée pour mordre à répétition la ligne (blanche ?) sans jamais la franchir définitivement.
A tous ces détracteurs, j’affirme : je ne suis l’esclave de personne. Je suis un homme libre. Libre par mes ancêtres qui ont mis en actes l’épopée du marronnage. Libre par mes prédécesseurs politiques et syndicalistes qui ont ouvert la voie du progrès social pour La Réunion. Libre par mes choix, mes opinions, mes espérances. Libre.
Comment ne pas percevoir, à travers cette déclaration répétée : « Va dire à ton maître », et dans les propos qui l’ont suivie, une allusion supplémentaire et théâtrale, voulue, à cet héritage que je porte, et dont on cherche à faire un signe d’infamie ? N’y-a-t-il pas là, comme dans les épisodes auxquels j’ai fait allusion précédemment, une volonté calculée, étudiée, d’humilier ?
Une campagne politique, fût-elle menée pour un siège à l’Assemblée Nationale, ne peut justifier pareils égarements. Cela n’a jamais été et cela ne sera jamais ma conception de la politique à La Réunion. Je le dis clairement : nous ne sommes pas sur la plantation. Et j’entends, en tant qu’homme de conviction, en tant qu’homme de devoir, en tant qu’être humain titulaire d’un droit inaliénable à la dignité, être respecté. Qu’il y ait des confrontations et des controverses, cela tient à la nature du jeu politique.
La polémique peut à mon sens être évitée ; cela n’est pas l’avis de tout le monde, mais je demande instamment à celles et ceux qui ne peuvent s’empêcher d’y recourir, d’avoir un minimum de contrôle d’eux-mêmes. Je sais à quel prix on conquiert et on garde sa dignité et je ne laisserai personne, sous quelque prétexte que ce soit, atteindre mon intégrité.
Jean-Yves Langenier