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Itinéraire d’un enfant pas gâté

Correctionnelle Sud - Jeudi 9 Mars 2017

Ecrit par Jules Bénard – le vendredi 10 mars 2017 à 16H10
Appelons-le Victor car il n’a nul besoin d’être reconnu. Il est arrivé à l’audience entre les gendarmes mais SANS les menottes. Un infirmier l’accompagne car Victor vient direct de l’hôpital de Saint-Paul, établissement réservé aux dérangés du coco.

Manifestement délaissé, abandonné à ses délires

La procédure est normale dans ce genre d’affaire. Victor, Créole né dans l’Hexagone mais ayant toujours vécu ici, a fêté ses 30 ans voici quelques jours. Enfin, quand on dit « fêté », c’est façon de causer car personne de sa famille n’est venu l’embrasser chez les fous, où il a été placé par ordonnance judiciaire. Pour protéger les autres mais surtout lui-même qui, selon les expertises psychiatriques, présente de fortes tendances suicidaires.

Il ne « fait » d’ailleurs pas ses 30 balais, mais plutôt la vingtaine attardée. A peine. Grand, gros, balourd, marchant « en crabe » sans l’appui d’un quelconque alcool (il ne boit pas), il semble en permanence se demander ce qu’il fait là et ce n’est pas de la simulation, ça se sent, ça se voit.

Victor est en conflit permanent avec sa voisine pour des raisons que personne, sauf lui, ne semble connaître. Les enquêtes de voisinage disent que la victime de Victor est plutôt une femme au commerce agréable, avenante avec chacun, qui ne cherche jamais noise à qui que ce soit.

Ce qui n’empêche pas Victor, son voisin immédiat, de la bombarder d’insultes et surtout de galets. Une fois, il a même sauté sur le capot de la voiture de cette dame pour l’empêcher de sortir de chez elle. Il s’en est sorti de justesse parce qu’elle est bonne conductrice et lui un mauvais sportif ne sachant pas « cabrioler » comme il faut.

Mais que fait-il à la barre ?

Victor nie tous les faits qui lui sont reprochés. Des galets, lui ? Mais ça va pas, non ? « C’est elle qui m’a provoqué, et plusieurs fois encore ! Elle parle sur moi dans mon dos. Elle la amonte à moin le doigt (insulte inexpiable à La Réunion). Je l’ai menacée avec un galet, c’est vrai, mais je n’ai jamais rien envoyé ».

Un voisin gendarme confirme les dires de la victime point par point. Victor a d’ailleurs été nombre de fois condamné par la justice pour dégradations, violences diverses, menaces de mort, outrages (non précisés, les outrages).

Lors de sa première comparution, l’expert psychiatrique a clairement parlé d’abolition de sa volonté car souffrant de troubles psychologiques graves.

Mais alors, que faisait Victor à la barre du tribunal ? Voilà une comparution au tribunal qui n’aurait jamais dû avoir lieu ! C’était l’opinion de toute la presse et aussi celle des avocats présents à l’audience de ce jeudi.

« Mi veux êt’ libéré, moin ! »

« Vous habitez où, madame la Présidente ? Pas à côté de cette dame. Moi si ! Mi habite Estella (Stella), moin. Mi connais ça qu’elle i fait. Elle i fait la fête tous les jours. Sa vie c’est in long fleuve tranquille, elle (d’où ça sort, ça ?) A moin, moin lé dan’ tribunal. Mi veux artrouve mon liberté ».

Ce qui n’est pas prêt de lui arriver même si le procureur Bernard n’a pas requis de peine contre cet accusé manifestement à côté de ses pompes : il n’écoute même pas lorsque la présidente Dinot lit son casier judiciaire. Ce doit être celui de quelqu’un qu’il ne connaît pas.

Evoquant l’article 736 du Code pénal, le procureur Bernard a cité l’expertise psychiatrique concluant à l’absence de responsabilité. Et de mettre en avant le fait que Victor est déjà sous le coup d’une hospitalisation d’office. Son avocat, maître Han Kwan, n’a pas plaidé, « s’en rapportant » à la décision du tribunal.

Lequel tribunal a reconnu l’irresponsabilité de Victor et lui a imposé une mesure de sûreté de 5 ans, à savoir réintégrer son hôpital d’où on n’aurait jamais dû l’extraire.

Victor est reparti avec ses gendarmes mais sans les menottes, serré de près par son infirmier, attentif au bien-être de ce patient apte à toutes les surprises.

« Mi veux êt’ libéré, moin », n’a-t-il cessé de marmonner en s’en allant. Souhaitons que ses traitements éteignent ces orages électriques lui éclatant dans la tête à tout bout de champ. Quand on connaît l’efficacité des traitements psy, on peut se rassurer, on est loin du « Vol au-dessus d’un nid de coucou ».

 

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