Marcel P., quadragénaire, a une cousine jeune, très jeune puisqu’âgée de 13 ans seulement au moment des faits. Nous ne citons pas le nom de cet homme car cela amènerait aisément à identifier la jeune victime.
Des faits très graves puisqu’il s’agit d’attouchements sexuels sur mineure et que le viol a été évité de justesse. Comme d’habitude, quand c’est la parole de l’un contre l’autre, l’homme nie tout : c’est elle qui l’a voulu, elle qui l’a aguiché, elle qui l’a cherché.
Le procureur Saunier n’en revient pas : « C’est quand votre fille dormait que sa cousine vous cherchait, alors ? », demande-t-il à l’accusé.
« Oui ! »
Avec ça, on est mal barré. Essayons de faire simple.
Marie (prénom d’emprunt) est une gamine de 13 ans et demi à l’époque des faits, deux ans auparavant. Son cousin, Marcel, âgé de plus de 40 ans, marié, a une gamine de 9 ans à laquelle Marie est très attachée. Plusieurs fois par semaine, Marie va chez sa petite cousine et dort chez elle. Les deux familles habitent pas très loin l’une de l’autre, la première à Bérive, l’autre à Mont-Vert.
L’affaire sera portée à la connaissance des autorités de façon bizarre. Lors d’un voyage en Afrique du Sud, un groupe de collégiennes entend un débat sur le viol. A la stupéfaction de ses copines, Marie réagit très mal. De retour à La Réunion, les élèves avisent l’assistante sociale qui finit vite par apprendre la réalité… plus d’un an après leur commission.
La gamine apprend aux enquêteurs que son cousin, certains soirs, lui prodigue des caresses et des attouchements. Jusqu’au soir où, la plus jeune étant couchée, Marie se met à l’ordinateur qui se trouve dans la chambre à coucher.
Quelques instants plus tard, Marcel arrive, nu comme un ver, en érection. Il entraîne la malheureuse sur le lit, la déshabille de force et se met à lui prodiguer des caresses très intimes. Il lui maintient les poignets serrés au-dessus de la tête et s’apprête à commettre l’irréparable.
Le viol est stoppé net par l’arrivée de la plus jeune, peut-être réveillée par les gémissements et les pleurs de Marie. Cette dernière se rhabille et s’enfuit pour rentrer chez ses parents, 7 kilomètres plus loin à Mont-Vert. Voilà pour les faits.
La question que tous se posent est : pourquoi Marie a-t-elle attendu un an avant de dénoncer ces faits odieux ? Il ressort de l’enquête (très pointue) que la gamine, jugée très équilibrée et non affabulatrice par les psychologues, a eu peur de semer le trouble entre deux familles qui, jusque là, se fréquentaient et s’estimaient.
A la barre, l’accusé nie tout, sauf peut-être quelques bisous et quelques caresses qu’elle recherchait. Il en vient même à évoquer on ne sait quel complot fomenté par la malheureuse pour camoufler des aventures amoureuses extérieures qui l’auraient perturbée.
Marie, durant toute l’enquête, n’a pas varié d’un iota dans ses déclarations. Cette bonne élève se retrouve gravement perturbée et ses résultats scolaires en ont un moment pâti. Comme elle est forte dans sa tête, elle a repris le dessus ; elle est maintenant une lycéenne qui obtient les meilleurs résultats, ce que ses parents ont confirmé à la barre.
La présidente Peinaud tient à ce que toute la lumière soit faite et assaille le prévenu de questions.
« Si c’est elle qui vous aguichait, pourquoi n’en avoir pas avisé ses parents ? » Réponse décoiffante : « Moin l’avais peur. Mi gaingn pas raconter ». Sauf qu’à la barre, il parle, parle, parle, pour persister dans ses dénégations. « Elle me faisait des bisous que j’ai peut-être mal interprétés ». Serions-nous au bord de l’aveu. Pas du tout : « Elle me cherchait. C’est ça qu’elle voulait ! Elle a dû voir ça dans des films car je suis incapable de faire ça ».
Mis au courant de l’affaire, les parents de Marie lui téléphonent pour savoir de quoi il retourne. Il leur répond de façon surprenante : « Ben si c’est ça, je ne me rappelle pas ». Comprenne qui pourra.
Pour la partie civile, Me Brigitte Hoareau allume sévèrement l’homme « qui n’ose pas se regarder en face et refuse l’évidence. Experts et psychologues disent tous que Marie ne ment pas ».
Le procureur Saunier, incisif, implacable, enfonce le clou : « Cette jeune fille est très équilibrée et la thèse de la provocation sexuelle ne tient pas ». Et de réclamer 4 ans de prison dont 2 assortis du sursis, avec inscription au fichier des prédateurs sexuels.
Vieux briscard des prétoires, Me Jacques Hoareau ne se laisse pas démonter et ses éclats de voix vont dépasser les limites de la salle d’audience.
« Il n’y a rien de matériel dans tout ça ! Quel jour ? Quelle heure ? Quelle date ? On n’en sait rien ». Reprenant point par point tous les éléments du dossier, le ténor en dénonce les incertitudes, pour réclamer la relaxe pure et simple.
Jugement le 10 avril prochain.
Jules Bénard