Le biologiste marin sud-africain Geremy Cliff a profité de ses sept premiers jours à la Réunion pour découvrir le contexte local du risque requin. Il livrait hier soir à Saint-Paul ses premières sensations sur la configuration de la côte réunionnaise, tout en se prêtant au jeu des questions/réponses.
Devant une assemblée acquise au projet Cap requin mais impatiente d’entendre l’avis d’un expert international, le directeur de la recherche scientifique du KwaZulu Natal Sharks Board, programme de protection contre les requins de la côte sud-africaine, a mêlé constat, hypothèses et certitudes le long d’un speech maîtrisé.
Avec 30 ans de connaissances engrangées sous d’autres cieux, Geremy Cliff glace tout d’abord l’assistance en dressant le palmarès mondial des attaques mortelles des 30 dernières années qui classe notre département en deuxième position. Un constat qu’il compare d’emblée aux kilomètres de côte que possèdent des pays comme l’Australie (1er) ou le Brésil (3e). « C’est le signe qu’il y a un problème », avise-t-il.
Il ne faut cependant pas compter sur lui pour verser dans l’exagération. L’interdiction de la commercialisation de viande de requin en 1999 en raison du risque toxique aurait « selon mon interprétation engendré une augmentation très lente du nombre de requins ». Plus loin, il émettra des doutes sur le rôle d’accélérateur de la réserve marine. « Je ne pense pas que la réserve ait impacté directement le comportement des tigres et des bullsharks », affirme-t-il.
Photo aérienne de l’Etang Saint-Paul à l’appui, Geremy Cliff expose l’interaction que pourrait créer les embouchures de rivières vis-à-vis du requin bouledogue. Une espèce beaucoup plus « territorialisée » que le tigre, quant à lui « plus nomade ». Sans surprise, c’est la pollution amenée par ces effluents que le sud-africain pointe du doigt. Une évidence maintes fois évoquée ces dernières années.
« Réintroduire une pression par la pêche »
Cette territorialisation que le spécialiste semble privilégier pour expliquer la multiplication des rencontres homme/animal, lui fait dire qu’il est temps de « réintroduire une pression par la pêche ». Justement à la Réunion pour livrer son expérience sud-africaine en la matière, Geremy Cliff ne peut qu’appuyer le projet Cap requin initié par l’association PRR, avant que la Préfecture ne mandate le comité des pêches pour la phase opérationnelle. « L’ancrage des drum lines devrait se faire sur des fonds sablonneux », juge Geremy Cliff. Les appâts devraient donner de meilleurs résultats la nuit. En plus des techniques existantes, le CRPM compte bien innover en testant un système de déclencheur permettant aux équipes embarquées de se rendre sur site dans les deux heures qui suivent la prise. Les acteurs locaux espèrent ainsi contribuer à la limitation du nombre de prises accessoires. Cap requin doit débuter sa phase test en baie de Saint-Paul le mois prochain et livrera ses premiers résultats six mois plus tard.
Avant de poursuivre son enquête de terrain, le spécialiste du KZNSB n’exclut pas un risque de plus en plus évoqué depuis l’attaque de juillet. « Il n’y a pas de risque zéro dans le lagon », estime-t-il, avant de répondre par la négative sur l’effet DCP de ce qu’il reste des cages de la ferme aquacole, toujours en baie de Saint-Paul. Mais sur ce sujet qu’il découvrait hier soir, il aura sans doute l’occasion d’en apprendre davantage ces deux prochains jours. Il repart jeudi matin. Cap : l’Afrique du Sud.