Zinfos974: D’où est venue l’idée de déposer cette proposition de résolution devant l’Assemblée nationale ?
Ericka Bareigts: L’idée est venue en 2013 pendant le 50ème anniversaire de la commémoration des « Enfants de la Creuse ». On a commencé à travailler et faire des recherches pour aboutir fin novembre, début décembre, à la proposition de résolution. Nous n’avons jamais utilisé ce type de procédure pour la Réunion. Ce sera une première.
Comment avez-vous travaillé à l’élaboration de cette résolution ?
On a travaillé au niveau local et national avec de la documentation, des livres. De plus, nous connaissions un certain nombre d’associations. C’est un sujet qui interpelle depuis très longtemps et beaucoup de Réunionnais ne connaissaient pas les détails. Il faut dire que beaucoup de ces enfants ont subi une grande détresse. Et beaucoup d’entre eux ont vécu cette histoire comme un grand drame.
Avez-vous reçu des soutiens de la part des autres députés ?
La proposition de résolution a été portée à la connaissance des socialistes et de la commission des affaires sociales. Elle a été adoptée par le groupe socialiste républicain et citoyen de l’Assemblée nationale (janvier dernier ndlr). Tous les députés du groupe vont voter la résolution (la proposition de résolution relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 60-70 a été signée par Ericka Bareigts, Monique Orphée députées de La Réunion, Marie-Anne Chapdelaine, présidente du Conseil Supérieur de l’Adoption, Serge Letchimy, député de la Martinique, Christian Paul, député de la Nièvre, Jean-Patrick Gille, député d’Indre-et-Loire, Marie-Françoise Clergeau, députée de Nantes, et Annie Le Houérou, députée des Côtes d’Armor ndlr).
Quelles seront les incidences d’une telle résolution si elle est adoptée devant l’Assemblée nationale ?
L’idée est avant tout de donner une grande symbolique à cette affaire, celle de l’histoire d’enfants réunionnais dans les 50 et 60. Il s’agit d’une grande reconnaissance de cette vérité. Sur la promesse de réparation ? Ce n’est pas l’objectif. Nous ne pouvons pas guérir ce qu’ils ont vécu mais nous pouvons reconnaitre ce qu’ils ont vécu pour qu’il n’y ait plus de doute sur cette souffrance. Ensuite nous souhaitons que l’Etat reconnaisse sa responsabilité morale. Mais il s’agit surtout de tout mettre en œuvre pour faciliter l’accès des victimes aux documents et archives afin qu’elles reconstituent leur histoire personnelle.
Enfin nous espérons mettre en commun tous les travaux locaux et nationaux des associations et des historiens pour écrire sur cette histoire. Elle doit faire partie de notre patrimoine mémoriel. Car on ne peut pas tirer un trait sur notre histoire, cela fait partie d’un tout.
Est-ce que vous regrettez le fait que personne avant vous n’ait eu l’idée de proposer une telle résolution ?
Oui, je regrette ce genre de choses. Il est regrettable que le travail n’ait pas été fait plus tôt à l’Assemblée nationale pour accompagner les victimes et les ayants droits dans leur réparation.
On peut dire que demain (17 heures de Paris ndlr), les députés s’apprêtent à voter une résolution historique pour la Réunion ?
C’est un vote historique, je le pense. C’est la première résolution qui va permettre de donner de la légitimité à certaines victimes. Il faut dire que j’ai rencontré des Réunionnais(es) qui ont réussi leur vie professionnelle comme leur vie personnelle. Mais d’autres ont eu des réussites au prix de quelles souffrances…