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Energie nette, pic pétrolier et découplage énergie/croissance

Les absents du débat sur la transition énergétique.

Ecrit par Dr Bruno Bourgeon, membre EELVR – le jeudi 11 juillet 2013 à 15H23

Le débat national sur la transition énergétique s’achève sans l’évocation de trois questions fondamentales : l’énergie nette, le Peak Oil, et le découplage.

L’énergie nette ou EROI (Energy Return On Energy Invested) d’une filière est la quantité d’énergie utilisable une fois ôtée l’énergie nécessaire à sa production et sa mise à disposition. Ainsi, pour injecter quinze litres dans le réservoir d’une automobile, il faut, aujourd’hui, en moyenne, un litre. Il y a cinquante ans, vingt centilitres auraient suffi. En effet, à cette époque, les champs pétroliers étaient plus accessibles, le brut de meilleure qualité, la chaîne d’approvisionnement moins coûteuse. Dans toutes les filières, on observe ainsi une baisse de l’énergie nette au cours du temps. Jusqu’au point où certaines n’exhibent plus d’énergie nette et deviennent des « puits d’énergie » inutilisables. Telles sont les filières des biocarburants qui sont subventionnées par la France et l’Europe, sous la pression des lobbies céréaliers et betteraviers. La notion d’énergie nette est un outil pertinent pour comparer les filières énergétiques et considérer leurs évolutions. Alors qu’il apparaît indispensable, cet outil est absent du débat sur la transition énergétique.

Le Peak Oil, ou pic de production pétrolière mondiale, est plus controversé. Certains experts nient que ce phénomène puisse un jour advenir, arguant que la raréfaction géologique peut être compensée par des investissements supplémentaires ou par substitution au pétrole d’un autre fluide énergétique. D’autres, au contraire, estiment que le pic est déjà passé depuis sept ans, et que la légère hausse de la production mondiale est due aux huiles non conventionnelles (sables bitumineux de l’Alberta, huiles extra lourdes de l’Orénoque, pétroles off-shore profonds…). S’y ajoutent les « huiles de schiste » étasuniennes (Dakota du nord, Texas) dont on peut pourtant anticiper la décrue pour cause d’inefficience économique et de dévastation environnementale. Les plus avisées des estimations concernant le passage du pic de production mondial, tous liquides confondus, évoquent les années 2015-2018, suivies d’un déclin continu de l’ordre de 5% par an. Ainsi, dans un rapport récent du Parlement européen : « La probabilité est très forte de voir l’offre pétrolière se réduire avant 2020 » ; puis « l’Europe est très vulnérable à un choc énergétique ». En mars 2013, l’Energy Watch Group, des universitaires allemands, décrit le Peak Oil et la déplétion consécutive en ces termes : « La production mondiale totale d’énergie fossile est proche de son pic. Le déclin imminent de l’offre pétrolière créera un écart grandissant avec la demande que les autres combustibles fossiles (charbon, gaz) seront incapables de compenser ». L’armée américaine et certaines compagnies d’assurances ont récemment publié des études alarmistes sur les conséquences du Peak Oil.

Enfin, le « découplage » indique la possibilité d’une croissance du PIB sans croissance de la consommation d’énergie. Or, en moyenne depuis 1970, chaque augmentation de 1% du PIB a été accompagnée d’une augmentation de 0,6% de la consommation d’énergie primaire. Malgré les progrès techniques et l’amélioration de l’efficacité énergétique, il y a une corrélation positive entre activité économique et énergie depuis 43 ans. Dans tous les scénarii examinés lors du débat sur la transition énergétique, le contraire est affirmé pour les 37 ans à venir. Il est ainsi écrit que, à l’horizon 2050, la France réussira le tour de force inédit dans l’histoire de diviser par deux sa consommation d’énergie tout en multipliant par deux son activité économique. Consommation d’énergie -50%, PIB +100% ! Cette dernière fantaisie, ajoutée aux oublis de l’EROI et du Peak Oil, discrédite la transition énergétique et le projet de loi afférent.

Ignorance ou dissimulation de ces trois paramètres, et, au-delà, de l’analyse de la catastrophe multiforme qui s’approche ? Dans les deux cas, hélas, le volontarisme politique optimiste du gouvernement se heurtera aux lois incontournables de la thermodynamique.

Dr Bruno Bourgeon,
Membre EELVR
D’après Yves Cochet,
Député européen EELV,
Ancien Ministre de l’environnement

 

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