En août dernier, Frédéric Pecharman, un homosexuel de 35 ans, avait entamé une grève de la faim suite à son exclusion du don de moelle osseuse. Alors qu’il avait été contacté par l’Etablissement français du sang de Toulouse, l’homme avait tenu à préciser son homosexualité, provoquant alors un refus de l’EFS d’accepter son don. Depuis, Frederic Pecharman a débuté une second jeûne le 1er janvier de cette année, dans le but de dénoncer cette ‘injustice et discrimination« .
Selon la législation, un arrêté ministériel du 12 janvier 2009 exclut en effet les homosexuels du don du sang, et aussi de moelle osseuse, dont le sang est issu. La population homosexuelle est considérée comme à risque : l’Institut de veille sanitaire (INVS) informait en 2008 que sur les 6.500 personnes ayant découvert qu’elles étaient séropositives, 2.500 étaient homosexuelles.
Un rapport à risque non dépistable entre 7 et 15 jours
Pour éviter les contaminations tout en continuant d’accepter tout un chacun, il existe bien des tests de dépistages. Seulement voilà, ces tests ne seraient pas en pouvoir de détecter les contaminations récentes d’entre 7 et 15 jours, ce qui représenterait un risque de 1 sur 2.400.000, selon l’INVS. Malgré tout, les séropositifs ne sont pas que des homosexuels, ce qui renforce encore le débat.
L’argument évoqué pour justifier l’interdiction? Selon l’Agence de biomédecine, ce sont 20% des personnes contaminées qui le seraient sans le savoir. Or, les homosexuels sont considérés comme « à risque », risque de 70% plus élevé que chez les hétérosexuels, d’après l’EFS. Ce qui a amené le ministère de la Santé à déclarer fin 2008, juste avant la parution de l’arrêté ministériel du 12 janvier 2009, que « les rapports sexuels entre hommes constituent une contre-indication au don du sang« .
Une histoire de pourcentages et de chiffres
Pourtant, selon Christian Robert, homosexuel, médecin, et vice-président de l’association Rive (Réunion Immunodéprimés, vivre et écouter), ces chiffres sont des « vrais-faux » chiffres, car « même si le pourcentage de gays séropositifs est plus important, en nombre de personnes, c’est beaucoup moins : ce sont 9 séropositifs sur 10 qui sont hétéros« .
Le débat se complique encore lorsqu’on évoque le manque criant de dons de moelle et de sang dans les établissements. Frédéric Pecharman, interrogé par la presse nationale déclarait : « On n’est pas discriminé, on laisse mourir des malades. On a une chance sur un million de trouver un donneur compatible, pour la moelle osseuse« . L’homme lutte d’ailleurs à travers son jeûne, pour une confrontation des idées avec les politiques, et une ouverture de débat scientifique.
De son côté, Christian Robert estime aussi qu’il serait plus juste de laisser les homosexuels donner leur sang, quand on sait qu’on a « une chance sur un million d’attraper le Sida en recevant du sang; c’est mieux de sauver une personne sur le bord de la route, qui pourrait bénéficier d’une transfusion« .
Insister sur les comportements à risque
A la Réunion, la législation provoque aussi le mécontentement de la population gay. « Ce n’est pas forcément une bonne chose, puisque ça sous-entend que les homos sont séropositifs, et pas les hétéros« , s’écrie Christian Robert, lui-même homosexuel. Il tient à préciser que « le mode de contamination principal du Sida est hétérosexuel » et que « c’est le comportement à risque qui doit doit être identifié, et non la sexualité de la personne elle-même« .
Pour le vice-président de Rive, les choses doivent changer : « Sur les questionnaires à remplir avant de donner son sang, il faudrait préférer la question « Avez-vous des rapports à risque » à « êtes-vous homosexuel?« . Car cette interdiction est pour lui une véritable discrimination. De plus, « c’est la pratique sexuelle à risque un mois avant le don du sang qui importe, qu’on soit hétéro, bi, ou homo« , rappelle-t-il. Il ne peut s’empêcher de terminer par cette comparaison : « On se croirait revenus en 1939-1945, quand on empêchait les juifs de donner leur sang … » Un vaste débat donc, où beaucoup de points restent encore à discuter.