L’Etat vient de prendre une – première – raclée au tribunal administratif. L’arrêté préfectoral de chasse aux requins a été en grande partie suspendu. Les raisons invoquées par le préfet pour tuer des requins dans la réserve nationale marine – le prétexte « bidon » de l’étude sur la ciguatera – ne tiennent pas la route : elles ont été jugées contraires aux objectifs PRIMORDIAUX de protection et de bonne gestion de la réserve.
En clair, l’Etat a été pris en flagrant délit de braconnage ! Trop « cool », quand on pense que le préfet est justement la plus haute autorité locale en termes de responsabilité et de pouvoir décisionnel s’agissant de la protection et de la gestion de ladite réserve…..
Mais vous bilez pas, hein ! De toute façon y’aura pas d’amende. Ni de peine de prison. Ce genre de bricoles, c’est juste pour les p’tits citoyens lambdas comme vous et moi. Et puis sauf erreur, on n’a jamais vu l’Etat porter plainte contre l’Etat. Ce serait choquant, non ?
On aurait pu croire que ça allait le freiner un peu, l’Etat. Hé ben non, même pas. Le ministre des zoutremers a dit qu’y fallait tuer des requins. Alors y faut les tuer ! Y faut !!
Et puisque le tribunal interdit au préfet de chasser dans la plus grande partie de la réserve, qu’à cela ne tienne : il continuera en dehors. Na !
Les scientifiques en charge de l’étude CHARC sur le comportement des requins, s’étaient déjà précédemment désolidarisés de la tuerie, arguant, à juste titre :
– que cela serait coûteux et ne servirait strictement à rien en termes d’amélioration de la sécurité pour les activités nautiques,
– que cela allait torpiller l’étude scientifique en question, payée quand même 700 000 euros par le contribuable,
– que la pêche illégale tolérée jour et nuit par le préfet, notamment dans l’Ouest, risquait en sus de sédentariser les squales devant les plages et les spots de surf.
Alors ce coup-ci, ils ont carrément envoyé ballader l’Etat, lui signifiant en gros qu’il était hors de question pour eux de cautionner ce genre de mauvaise cuisine.
En désespoir de cause, le préfet a donc fait son cari de requin avec les seuls pêcheurs professionnels (comité régional des pêches et des élevages marins, CRPEM).
Mais comme, dans cette histoire, la seule chose qui intéresse ces braves gens, c’est le pognon, lesdits pêcheurs lui ont signifié : « Oui mais, nous, à moins de 4 euros le kilo, on pêche pas ».
L’argent ? Facile : y’a le contribuable pour ça. Mais les requins, on en fait quoi après ?
Bonne question. Ben, on va les donner à bouffer aux réunionnais, non ?! Quoi ? Y z’en veulent pas ? Y z’aiment pas ça la viande de requin ? Pas coopératifs, ces gens-là décidément.
Bah, on finira bien par les persuader que c’est bon pour la santé. Je sais pas moi : que le bouledogue ça fait de belles dents, que le requin tigre c’est excellent comme aphrodisiaque, allez quoi, un peu d’imagination là !
Résultat des courses : on va payer des pêcheurs avec l’argent du contribuable pour aller tuer des requins dont personne ne voudra et qu’on mettra finalement à la poubelle.
Tout ça pour, paraît-il, savoir si la chair de requin est encore, ou non, toxique, depuis le temps qu’on ne s’y est pas intéressé vu que ça n’a jamais intéressé personne.
Et tout ça dans le but ultime de reprendre la commercialisation du requin à la Réunion.
Là, j’ai quand même un peu de mal à suivre le film. Quelqu’un de charitable pour m’expliquer, siouplé….
Mais au moins le ministre sera content : on aura tué des requins.
Il aura enfin lavé publiquement l’humiliation que lui a fait subir le désormais célèbre « supérieur hiérarchique du préfet ». Vous savez, le boug’ de Saint-Leu, là, notre député-maire grand chasseur de requins, pourfendeur de la réserve marine et….casseur de gueules de journalistes à ses heures.
Quant aux pêcheurs, ils auront été payés entre 800 et 1000 euros la bestiole. Sur le dos du contribuable, vache à lait de circonstance…Dis donc, c’est vachement plus rentable que les rats pendant la grande peste, ce truc là : je sens que je vais m’y mettre si ça continue !
La 4ème étape de la « route des squales » aura lieu ce dimanche 7 octobre.
Au menu, 6.500 km de nage entre le spot de surf de Trois Bassins et le poste MNS de l’Hermitage à l’embouchure de la ravine du même nom. Ce sera la traversée la plus longue.
Départ de Trois Bassins à 9h30 dimanche matin. Arrivée prévue en principe sur la plage de l’Hermitage vers midi (entrée dans le lagon par la passe).
Si, comme moi, vous croyez :
– que « les eaux réunionnaises infestées de requins » et « la réserve marine garde-manger des requins », ce n’est que de la propagande orchestrée par quelques surfeurs, des pêcheurs, et un spécialiste local de la politique politicienne ;
– que les surfeurs en planche sont les seuls à avoir un vrai problème de sécurité. Et qu’ils doivent d’abord faire l’effort de le régler à leur niveau ;
– que les requins sont chez eux. Qu’ils ont droit au respect. Et que, comme tout un chacun, ils ont tout bêtement le droit de vivre, eux aussi.
Si, comme moi, vous en avez une peu marre que les représentants de l’Etat – et en particulier nos braves ministres parisiens – nous prennent constamment pour des andouilles.
Alors dans ce cas, venez nous soutenir dimanche. Venez témoigner. Montrez à l’Etat, par votre seule présence pacifique, que vous êtes contre cette mascarade de chasse aux requins.
La mer et ses habitants – petits et gros poissons – vous en sauront gré.
Didier Dérand
Délégué de la Fondation Bardot
Ordre National du Mérite au Titre de l’Environnement.
