Michèle Graja, présidente de l’ADDIP, commence sans le savoir son combat il y a un peu plus de dix ans. En 2000, alors qu’elle règle un propre cas de succession familiale, elle se rend compte que des pans entiers des biens familiaux sont ignorés de sa famille. « Je devais au départ ne m’intéresser qu’à mon sort, mais je l’ai élargi en me disant qu’il y avait des milliers de Réunionnais qui, comme moi, étaient dans la même ignorance », explique-t-elle.
« 90% de la population n’a jamais fait sa succession », évalue la présidente d’association. « Les gens croient souvent que s’il n’y a pas eu de biens transmis par le grand-père, alors il n’y a absolument rien », précise-t-elle. Elle veut démontrer l’inverse. « Combien d’expropriations n’ont jamais été rendues aux propriétaires légitimes et une fois décédés à leurs ayants droit ?« , demande-t-elle sans être naïve.
« Nul n’est censé ignorer la loi, je suis d’accord, mais qui va prendre la peine d’aller consulter les publications au Journal officiel, réplique-t-elle. Nous avons une administration et des politiques qui n’ont fait que maintenir les gens dans l’ignorance ».
Et sans la réclamation de ce dû par les propriétaires ou leurs ayants droit dans les 30 ans suivant l’expropriation, la somme est reversée automatiquement à l’Etat. « Et l’Etat c’est pour qui au final ? Pour les collectivités locales », dit-elle, sûre du silence complice des administrations locales.
En 2011, 82 familles ont perdu leur argent
Pour remonter à la source des biens qui pourraient avoir échappé à la connaissance des ayants droit, Michèle Graja invite les Réunionnais à s’investir totalement dans les recherches aux archives. « Aux hypothèques tout d’abord, la fiche d’immeubles est le document qui est censé retracer toutes les transactions d’un propriétaire. Ensuite, il faut aller rechercher acte par acte, ça prend du temps », mais la présidente d’association est sûre de ses recherches de quelques années : les sommes « volées » aux Réunionnais au profit des collectivités dont profitent les bailleurs sociaux, les promoteurs, etc… atteignent des millions d’euros.
Rien que sur l’année 2011, 82 cas de familles dont le dû était consigné à la Caisse des dépôts en attendant qu’un ayant droit se manisfeste sont connus. Elle tient à la main le document officiel de la Caisse des Dépôts et Consignation qui recense tous les noms de ces bénéficiaires qui s’ignorent.
L’un de ses combats immédiats est de demander à l’Etat de « geler » ces placements à la Caisse des Dépôts, « le temps que les Réunionnais concernés se manifestent ou que des recherches approfondies puissent repérer les ayants droit ». De multiples alertes à l’Elysée ainsi que vers les députés de la Réunion ont été lancées. La présidence de la République, aux dernières nouvelles, aurait transmis les demandes de l’ADDIP vers le Préfet. L’ADDIP promet d’aller plus loin en 2012, en désignant tous ces grands propriétaires qui ont rendu les Réunionnais « locataires à vie ».