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Des agents de sécurité sans diplôme : 25 accusés à la barre

Correctionnelle de Saint-Pierre.

Ecrit par Jules Bénard – le jeudi 21 août 2014 à 17H08
Christian Boyer est patron du GASP (gardiennage, alarme privée, sécurité), entreprise aujourd’hui interdite d’exercer. On comprend vite pourquoi au fur et à mesure que se déroule l’audience avec pas moins de 25 accusés à la barre.
Mais il faut préciser que sur les 25, il y a d’un côté le patron et ses deux adjoints et, en face, des « agents de sécurité » qui ont travaillé parce qu’ils avaient besoin de gagner leur vie. Une circonstance qui faisait bien les affaires de M. Boyer.

L’affaire a été découverte fortuitement. Lors du Leu Tempo Festival 2013, les gendarmes en patrouille aperçoivent une de leurs vieilles connaissances, Jean Mola, neuf condamnations au compteur pour trafic de stupéfiants, vols, violences diverses et recel. Un tendre. Quand il les voit, l’homme se débarrasse vite fait de sa combinaison d’agent de sécurité mais il est trop tard.

L’enquête mettra en avant que la société de M. Boyer n’en est pas à son coup d’essai. Quelques semaines après le Tempo, rebelote à la Plaine-des-Cafres où Miel-Vert est « sécurisé« par les mêmes intervenants.

L’enquête, très pointue, laisse apparaître que les agents n’ont pas fait l’objet de déclarations préalables à l’embauche et surtout que, bien plus grave, ils n’ont jamais été formés à leur métier. Or ce dernier est très réglementé.

On va de surprise en surprise. Ainsi, le sieur Mola, au casier chargé comme une mule, ne peut être employé en qualité d’agent de sécurité. Qu’à cela ne tienne, « il est responsable des équipes et agent d’encadrement ». Encadrement d’une profession dont il semble tout ignorer. Qui plus est, s’étonne le procureur Saunier, « employer un repris de justice en qualité d’encadrant ne laisse pas de surprendre ».

L’enquête laisse entrevoir des pratiques salariales surprenantes, des heures supplémentaires jamais payées, d’autres transformées en « heures de chiens » pour échapper aux taxes. Car certains vigiles tiraient des chiens soi-disant de défense sans jamais avoir été formés à cette délicate mission.

Le représentant local de la CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité) est venu détailler par le menu les obligations légales auxquelles sont soumises les personnes se livrant au gardiennage et à la sécurité privée. Il en ressort que si M. Boyer avait bien l’autorisation d’ouvrir son entreprise, toutes les prescriptions légales ont joyeusement été passées à la trappe.
M. Boyer, qui est le seul à s’exprimer, a réponse à tout. Réponse souvent évasive, souvent surprenante aussi. Ainsi, à la demande de la présidente Tomasini sur l’emploi d’un repris de justice :
« C’est quelqu’un de confiance ». Ah bon !

C’est encore lui qui avoue qu’en tout, il emploie une quarantaine de personnes, dans les mêmes conditions. Mais ne pourra jamais expliquer pourquoi la mairie de Saint-Leu lui a confié un marché public sans jamais vérifier les compétences et autorisations d’exercer des uns et des autres. Surtout que certains concurrents semblent avoir fait des offres moins… illégales.
M. Boyer doit plus de 40.000 euros au fisc, et quelques dizaines de milliers à ses employés dont beaucoup, ce matin, étaient à la fois accusés et victimes de ses agissements financiers : « ils étaient d’accord pour travailler ».

Le procureur Saunier n’y est pas allé par quatre chemins :
« Boyer s’en sortait par ses tarifs bas, sa concurrence déloyale. Ses employés ont peu gagné mais, avec la crise, ils étaient demandeurs d’emploi à tout prix. Il y a un détournement évident du droit du travail avec ces fiches de paye bidouillées, ce non-paiement des charges ».
Le procureur a été magnanime avec 23 employés, plus victimes que coupables, en sollicitant une amende avec sursis. Contre Mola et Cédric L. (autre multi-récidiviste), 1000 euros d’amende. Et au final, 8000 euros d’amende contre M. Boyer.
Me Osmane Omarjee s’est emporté contre « une justice spectacle qui amène 25 accusés à la barre pour réclamer des peines de principe. » Ne reculant devant rien, il a présenté l’emploi d’un repris de justice comme « une preuve d’humanité » ! Reprenant ensuite l’imprécision des arrêtés de renvoi, non nominatifs, et les difficultés des entreprises, l’avocat a sollicité la relaxe pour tout le monde.
Ce qui nous a valu une bien réjouissante passe d’armes entre le parquet et la défense.
Jugement au 9 octobre.

 

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