La loi énonce que quelqu’un qui émet un chèque doit garantir la provision de ce chèque, mais personne ne garantit cette obligation. C’est en partant de ce constat que deux Réunionnais ont planché sur la création d’un moyen de paiement sécurisé pour le bon vieux chèque.
Selon nos informations, ces deux inventeurs ont travaillé pendant des années dans une société de fabrication de chéquiers à la Réunion. Ils auraient, depuis, mis au point un process qui permet à tout commerçant de vérifier instantanément la solvabilité (ou pas) du chèque qu’il reçoit.
Pas question d’entrer dans la vie des gens, aucune donnée personnelle n’apparaît. Le client n’aura pas à présenter de pièce d’identité comme cela se fait couramment. Au lieu de cette méthode à l’ancienne, sans filet pour le commerçant, le process offrira une garantie à celui qui s’apprête à encaisser le chèque. Un procédé qu’ils ne peuvent développer plus en détails pour des raisons de confidentialité.
Même sécurisation attendue après la perte ou le vol d’un chéquier. Si le voleur tente de régler avec ce jeu de chèques, un message de refus apparaîtra sur le boîtier du commerçant.
Le process, qui pourrait offrir une seconde vie au chèque dont la mort est pourtant annoncée de façon récurrente, possède toutes les caractéristiques pour séduire les professionnels mais aussi les banques. Au 31 décembre 2013, 77.330 chèques sans provision ont été comptabilisés à la Réunion, nous répond l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM). Et l’encours des chèques en bois au 31 décembre 2013 était de 148.564 euros.
« Derrière tous ces chèques impayés, il y a des professionnels qui attendent leur dû, et qui doivent faire face à des problèmes de trésorerie », explique une source bancaire. Ce projet intéresse déjà des banques de la place. Selon nos informations, deux banques sont particulièrement avancées dans les discussions. Ces dernières, que nous avons sollicitées, maintiennent le secret commercial autour de ce nouveau moyen sécurisé.
Au sein de la Chambre de commerce et d’industrie de la Réunion, le phénomène des chèques impayés ne fait plus rire depuis longtemps. Lui-même commerçant, Ibrahim Patel raconte avoir reçus des chèques impayés difficilement recouvrables: « Pour des montants de 300, 400 euros, ça ne vaut même pas la peine d’aller engager des frais de poursuite car les frais seront au final supérieurs au montant du chèque », nous expliquait Ibrahim Patel en connaissance de cause.
La problématique est ressentie aussi bien « pour les petits que les gros commerçants », explique le président de la CCI. « Les petits commerçants préfèrent jeter l’éponge quand ils voient les frais à engager. C’est un souci permanent. Voilà pourquoi ces commerçants ne veulent plus accepter de chèques. C’est pareil dans des grandes surfaces ».
Une vérification minimaliste existe déjà
Le président de la chambre consulaire a pu rencontrer les porteurs de projet il y a quelques jours. Cette invention portée par deux Réunionnais a visiblement séduit le premier des commerçants qui devrait les faire participer au concours à l’innovation organisé par la CCIR.
A l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, son directeur affirme ne pas être au courant de cette trouvaille. « Je n’ai jamais été informé de quoique ce soit à ce sujet », confirme Thierry Beltrand. S’il est admis que l’utilisation des chèques est « en perte de vitesse », Thierry Beltrand rappelle qu’« un système de vérification existe déjà ». Limité à la consultation du Fichier national des chèques irréguliers (FNCI), « le système interroge le fichier FNCI et non la banque », précise le directeur de l’IEDOM. « C’est un dispositif simple auquel les commerçants ont accès en étant abonnés ».
Le nouveau procédé, lui, interroge à l’inverse la banque plutôt que le fichier. « L’idée paraît intéressante car tout moyen supplémentaire de sécurisation est une bonne chose. Maintenant, il y a des questions qui apparaissent. Est-ce qu’il ne se heurte pas à la loi Informatique et Libertés ? Quel sera le coût de l’équipement ? Sera-ce au client ou au commerçant de le supporter ? », interroge le directeur de l’IEDOM.
Examen obligatoire devant le CFONB
Conscient du contentieux engendré par les chèques impayés, Thierry Beltrand relativise. « Le chèque reste un moyen de paiement sûr même s’il existe toujours des gens qui en abusent ». Si toutefois cette trouvaille portée par ces inventeurs péi aboutissait, sa validation effective n’interviendrait qu’après examen devant le Comité français d’organisation et de normalisation bancaires ou CFONB. Passage obligé.
La députée Monique Orphé, qui a pu rencontrer les porteurs de projet, confirme que son rôle est avant tout de « faciliter » les démarches des entrepreneurs, quel qu’en soit le secteur d’activité d’ailleurs. « Lorsqu’un projet intéressant m’est soumis, j’interpelle les services compétents. En l’occurrence dans ce dossier, cela concerne le Ministère des finances », précise la députée de la Réunion. « Sur ce projet complexe, il est normal d’avoir certaines expertises pour étudier la suite à donner », nous affirme Monique Orphé qui conclut en disant que « tout système qui aurait pour objectif de sécuriser au maximum l’émission de chèques, notamment en cas de vol, perte, serait à encourager ».
Le volume d’incidents de paiement sur chèque représente 4 % du volume national des incidents bancaires. Un pourcentage constant depuis plusieurs années.