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« Défenseurs des requins, qu’avons-nous déclenché? »

Courrier des lecteurs de la présidente de Shark Angels France, Florentine Leloup, envoyé à Zinfos974:

Ecrit par Florentine Leloup – le lundi 23 septembre 2013 à 10H06

Aujourd’hui c’est simple : plus besoin de sortir de chez soi pour se comporter en véritable petit colon, Facebook et les médias sont là pour ça. Un colon n’est pas forcément animé de mauvaises intentions : il considère juste que « les gens la bas » ont besoin qu’on leur rappelle quelles sont les lois naturelles et humaines qui font tourner le monde. Qu’importe les savoirs locaux. Il n’a pas besoin d’écouter.

Prenons en compte cette société qui s’effondre par la crise requins.

Ce long courrier je ne l’écris pas spécialement en tant que présidente de Shark Angels France. Ce n’est qu’une étiquette que je n’ai pas attendu pour m’intéresser aux requins, les aimer comme en avoir une peur bleue. Je l’écris en tant que passionnée et pratiquante du milieu marin. Pour rappel, un « milieu naturel » comprend tous les êtres l’utilisant et l’influençant, êtres qui sont influencés en retour. Aux fans français du « wilderness » : nos espaces de nature, y compris ceux placés en réserves, sont des milieux dont nos sociétés font partie intégrante depuis longtemps. La mer, côtière en particulier, fait partie de ces milieux. Que cela soit ou non une bonne chose n’est pas la question : il faut en tenir compte. J’invite ceux qui en douteraient à pousser leurs recherches personnelles.

Parlons un peu de cette société qui a perdu le contrôle sur un milieu par lequel elle s’est construite. Quelles seront les conséquences de la crise requins sur la relation à la mer et à ces prédateurs ? Sur ceux qui vivent des activités nautiques ? Parlons un peu de ce qui dessert les requins du coté de ses défenseurs. Que se passera t-il les 6 prochains mois ? J’ai beaucoup de questions pour ceux qui savent comment roule le monde.

L’INTERDICTION des activités nautiques sera reconduite le 1er octobre au vu des éléments actuels.
Les décisions du Conseil d’État suite aux actions d’un maire et d’associations, doublée de la pression de l’opinion publique concernant la responsabilité de la Préfecture, l’ont amenée à cette gestion chaotique du milieu concerné.
Pourquoi la Préfecture lèverait-elle cette interdiction ? Est-elle à l’abri de poursuites ? L’État connaît le problème, il ne peut pas remettre les gens à l’eau sans avoir pris les mesures demandées.

Les dispositifs qui ont été réfléchis et proposés, tel que le test CAP Requin, les vigies en apnée, les ballons de surveillance aérienne, les barrières magnétiques, etc., sont en attente : les financements ne sont pas rassemblés, une charge est laissée aux communes, qui doivent aussi gérer les aspects techniques de la diffusion de l’information. Il faudra aussi attendre les conclusions de l’étude sociologique et sa stratégie de communication vis à vis des publics visés. En attendant, pas d’information, et sans information, il y a risque, un risque contre lequel rien n’est mis en œuvre sur le terrain. Le surf restera interdit, ainsi que le reste.
Il y a aussi la pression associative venue de métropole, avec ses discours anti « massacres » et les conséquences sur l’image de l’île, sur les gens qui l’habitent, et comble du comble : sur les requins. Cette pression bloque les processus décisionnels dans leur ensemble, vigies incluses, mais le retour à la mer n’est pas le problème de l’opposition aux tests du dispositif Cap Requin.

EN SE RENOUVELANT,
cette interdiction mettra le feu aux poudres. Et cette croisade anti-égoïstes-tueurs-de-requins qui polarise les positions depuis 2 ans et demi fera exploser le baril.

Je n’ai pas rencontré 800 000 réunionnais. Mais j’échange en permanence avec les gens de mer, pécheurs, pratiquants, professionnels de ce secteur coulé, écolos reconvertis, surfeurs, associations d’usagers… Bref, les forces vives de cette problématique. Difficile de raconter en détails ces rencontres aux ONG qui n’ont pas fait cette démarche alors qu’ils ont leur part de responsabilité dans la crise requins. On ne peut rien faire pour ceux qui ne veulent pas venir vérifier la justesse des opinions qu’ils diffusent.
Et si les responsables de ces ONG de protection du milieu marin venaient constater par eux même ce que je décris ? Il faudra qu’ils laissent aprioris et sciences infuses derrière eux : ça ne nuira pas à leur équilibre écologique interne. Par contre deux questions leur seront posées :

Que répondent les ONG lorsque des gens qui se revendiquaient écolos et avaient une carte d’adhésion chez elles, organisent des pêches aux requins suite aux blocages des dispositifs officiels ? Savent-elles que les lignes de pêche remplacent les planches de surf dans les jardins ?
Répondent-elles qu’elles leur rendent service en s’opposant à ces mesures qu’elles jugent contre-productives ? Où vont-elles se cacher derrière le non-sens qui consiste à superposer le temps de la science à celui de l’usager, où même du politique ?

Que répondent-elles lorsque l’actuelle et la nouvelle génération se mettent à renier une Réserve Marine, à mépriser les scientifiques, et à haïr les écologistes ?
Répondent-elles (je cite) que tous ces gens sont « juste » des « surfeurs crétins influencés par des crétins influents » ? Ne savent-elles pas qu’elles ont commis des erreurs ?

ET L’ÉTUDE CIGUATERA ?
Oui l’État a voulu faire d’une pierre cassée deux coups. Mais qui sommes-nous pour vouloir annuler une étude pouvant apporter des réponses aux questions sanitaires qui concernent aussi les sociétés vivant dans d’autres zones de l’océan Indien ? Les écologistes n’ont d’ailleurs pas hésité à brandir les morts par ciguatera de Madagascar comme arguments ! Ces mêmes zones que les flottes européennes exploitent, y compris pour les requins : vous me suivez ? Bien sur que nous pouvons hurler que cette étude est un fake ! Mais hurler pour que La France, remplie de citoyens altruistes et responsables, développe un protocole complet sur autant d’espèces et de biotopes qu’il le faudra, requins inclus, à La Réunion donc, et sur d’autres stations de l’océan Indien. Une fois que la France nous aura dit « non » et démontrera par là son indécence, nous pourrons hurler pour ces 90 requins. En attendant, c’est un conflit d’enfants trop bien nourris.

QUID DES 6 PROCHAINS MOIS ?
Vu d’ici : l’interdiction d’aller à l’eau persistera, les requins seront désormais péchés à l’arrachée en dehors de la Réserve. Les études seront gênées, les protocoles encadrés bloqués. La communauté concernée continuera d’être méprisée, celle qui vit des activités nautiques est déjà en train de couler. Tout cela renforcera les oppositions et situations de blocages.

Ce désastre est aussi le résultat de l’action d’associations écologistes qui ont négligé les rencontres avec leurs opposants. À force d’insultes ou de critiques violentes, elles ont créé un sentiment de rejet vis à vis du requin. Pourtant elles auraient pu peser vers solutions et consensus, et ne pas faire le jeu des réappropriations politiques.
Est-ce cela représenter l’écologie aujourd’hui ? Mépriser les usagers des milieux que nous devons préserver ? Je ne signe pas.
Rien n’est parfait d’avance. Des désaccords persistent, des ajustements et des tests sont à faire. Il faut justifier l’allocation de fonds. Mais on pouvait avancer, ensemble, pour éviter de nouveaux drames.
Ces associations peuvent décrire des choses de loin avec d’habiles discours, mais ne pourront les démontrer sans faire acte de présence terrain, auprès de leurs détracteurs. Espérons que ce signal d’alarme sera entendue par les « défenseurs des requins » et que la tendance saura s’inverser. On m’a demandé de nombreuses fois de partager ce qui ressortait de ma présence ici, quel était ma vision « terrain » : ce n’était pas chose facile, c’est désormais chose faite.

Finissons sur ce triste constat : il n’y avait pas de « massacres », il n’y avait pas de « connards » tel que cela a été présenté, mais demain il y en aura car les gens ont mal et car ils saturent. Tout est gâché pour encore plusieurs mois, pour les gens ET pour les requins.

 

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