Quand les temps sont durs, un joueur de flûte, à faire un parallèle avec le conte bien connu, peut tenter de charmer un certain nombre de citoyens afin de les attirer et emmener ensuite la société dans une impasse. Ces populistes, toujours bons comédiens, ont des solutions immédiates à tous les problèmes pour peu que les électeurs souscrivent à leur logique des plus simplistes, à leur généralisation des plus hâtives, et s’accrochent à leurs mots creux. Le résultat est connu d’avance, et point n’est besoin de remonter loin dans l’histoire : une perte de temps importante pour le pays.
Les responsabilités quant à la nature du terrain propice à de telles apparitions sont plus à chercher du côté des élites, car le peuple, qui n’est jamais un, dans ses composantes et à différents niveaux, ne fait que résister pour les besoins premiers, quitte à imiter des comportements dans la classe politique où trop souvent la préoccupation essentielle, quels que soient les moyens utilisés, est la conservation des avantages liés au pouvoir.
Les échanges sur la continuité territoriale ont eu pour mérite de montrer aux Réunionnais la complexité des dossiers, et particulièrement l’interdépendance financière de plusieurs secteurs (voyages, billets d’avion, emplois aidés, formation, abattement pour les impôts, surrémunération, etc.). En effet, les rapports entre l’État et les collectivités doivent être revus dans les deux sens – demander plus sur une face d’un problème, c’est à coup sûr s’entendre répondre en ces temps difficiles qu’il faudra en retirer sur une autre. D’où l’indispensable débat sur les priorités, une communication claire sur les positionnements des uns et des autres et l’évaluation régulière des politiques, sans perdre de vue les principes d’égalité des personnes et de parité des territoires ! Parce que, in fine, tout retombe sur le dos des habitants qui maintiennent l’État debout par les impôts et diverses taxes. L’État, c’est nous !
Les citoyens se doivent d’être aussi exigeants quant à la présentation complète des différents projets locaux, et aux modifications de la gouvernance dans les exécutifs locaux. La participation de tous les acteurs, y compris des oppositions, conditionne la réussite des projets. Aux associations qui militent pour une meilleure pratique démocratique locale de faire des propositions !
Rien ne sert à brandir un projet, et à jurer que sa mise en œuvre va au-delà des clivages politiques, si la distance entre le dire et le faire n’est pas une préoccupation. Un projet ne se résume pas à des têtes de chapitres à décliner à la télévision avec passion en comptant sur ses doigts comme pour montrer son sérieux. C’est sur l’interaction entre le national et le local que les efforts d’explication doivent porter ; et la recherche d’un équilibre entre les deux volets selon les priorités retenues est un acte politique majeur. Car autrement, il ne saurait être question de « parler d’une seule voix », et encore moins de rassemblement, qui ne serait alors qu’une aventure grosse dès le départ d’hypocrisie et de manipulation.
Mais rien ne se fera sans une pédagogie de l’information, à la télé notamment, où une saine confrontation des idées devrait s’organiser régulièrement pour que les citoyens puissent mieux caler leurs positionnements. Par rapport à celui qui porte l’événement, la présence dans la même émission d’opposants, d’experts, et de journalistes de la presse écrite mieux expérimentés dans le décorticage des argumentations que les diseuses et diseurs d’information sur le petit écran – quelle que soit la qualité du spectacle –, serait une garantie. Un « C dans l’air » péi sur la continuité territoriale avant la manifestation aurait dissuadé le plus effronté des flûtistes.
Aimé LEBON, Bois-de-Nèfles Saint-Paul