« Je suis un retraité pauvre ». Voilà comment se décrit Daniel Faivre, 63 ans. Arrivé à la Réunion en 1999, celui-ci fonde en 2007 l’Association Solidarité-Inter-Génération qui vient en aide aux personnes en difficulté.
L’objet de l’association est, comme son nom le laisse entendre, orienté vers cette solidarité fuyante dans notre société. Sans « sectariser » ses interventions, disons que la grande partie d’entre elles vont à l’endroit de personnes qui ont plus de 50 ans : le constat d’une société malade de ses aînés. « Aider les personnes âgées qui ont une petite retraite ou aider ceux à qui l’on a dit un jour qu’on ne veut plus de vous en entreprise car trop vieux », voilà le combat que mène son président, Daniel Faivre. Sa journée-type varie peu d’un jour à l’autre.
« Il y a les personnes qui peuvent venir me voir à mon domicile. Je les écoute avant de prendre leur dossier en main. Certains débarquent alors qu’ils n’ont plus de retraites versées depuis cinq ou six mois », raconte-t-il. Voilà le genre d’histoire qui fait son quotidien. « Lorsque la personne est trop démunie, je me déplace jusqu’à sa case », précise-t-il. Appareil photo dans les mains, Daniel Faivre témoigne de son passage, avant de faire des dossiers de signalement de grande précarité ou d’habitation insalubre aux services sociaux.
« Beaucoup de ces gens, qui ont une petite retraite, ils allaient au boulot sans penser au futur. La plupart d’entre eux ne connaissent pas leurs droits. Un pauvre ne sait pas s’il peut faire appel à la Direction de la Sécurité sociale, aux CCAS, à la CAF, à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) etc…, je suis là pour le renseigner », complète-t-il.
Certaines de ses interventions sont heureusement plus gaies. « Il m’arrive de faire des petites vidéos d’une personne éloignée de ses enfants, lesquels se trouvent par exemple en métropole. Je la filme adressant un message à ces derniers, puis j’expédie la vidéo à ses proches », histoire de resserrer les liens rompus par la distance.
Nombreux signalements de maltraitance
A ce titre, Daniel Faivre ne manque pas de relater ces trop nombreux cas de personnes âgées dont « la retraite est subtilisée par un ou des enfants indélicats envers leurs propres parents », quant ce ne sont pas des exemples de « maltraitance » qui se font jour. Au passage, le président d’association égratigne les services sociaux qu’il juge beaucoup trop limités dans leurs interventions. « La seule réponse des CCAS : « on ne peut rien faire pour cette personne » » n’est pas du genre à le satisfaire. Il ajoute : « leur personnel n’est pas assez bien formé aux réponses à apporter à ce type de cas ».
En six ans d’existence, l’association et sa trentaine d’adhérents peuvent également témoigner de ces « familles d’accueil marrons qui abandonnent les personnes dont elles ont la charge, dans des fauteuils, sans aucune attention« .
Sans relâche, et malgré la multiplication des signalements, Solidarité-Inter-Génération prend à son compte les demandes d’ouverture de droits. « Combien de personnes sont sans APA (allocation personnalisée d’autonomie) depuis des mois ? Ou alors on le leur coupe pour des raisons indéterminées », fustige l’intéressé. Son expérience du « système » lui fait pointer du doigt le « manque de concertation entre les institutions que sont les services du Conseil général, de la MDPH, de la CAF ou encore de la CGSS. Je les appelle les créateurs de la misère sociale », s’emporte-t-il.
« Il ne faut plus attendre du gouvernement, des élus »
Daniel Faivre parle tellement des autres qu’il en oublie sa situation de « retraité à 610 euros ». Ce n’est pas l’eldorado pour quelqu’un qui, fils d’agriculteur, a travaillé dès l’âge de 13 ans. Il dit avoir touché à tous les métiers : manoeuvre, peintre, ouvrier dans une usine à scier l’ardoise ou encore agent en sous-traitance dans les murs de la centrale nucléaire de Marcoule, « c’est d’ailleurs là que j’ai perdu mes cheveux », rigole-t-il, seulement à moitié…
A côté de la richesse matérielle, le président de l’association Solidarité-Inter-Génération parle davantage de « richesse née des rencontres ». Même s’il n’hésite pas à alerter les élus sur telle ou telle situation de détresse, ne comptez pas sur lui pour en attendre plus que nécessaire. « Il ne faut plus attendre du gouvernement, des élus. Il faut se bouger soi-même », exhorte-t-il.
Bouger : c’est ce qu’il compte bien continuer à faire avec son « réseau associatif », comme il l’appelle. « L’association P’tit Coeur d’Aurélien Santon, l’Association de défense des pères de Bernard Barsamian, des noms comme Patrick Savatier ou Patrice Louaisel » lui viennent à l’esprit, sans exhaustivité aucune.
Son combat d’alerte continuelle sur le sort réservé à ces « petits retraités » se poursuit sans discontinuer. L’association espère établir de bons rapports de confiance avec le nouveau sous-préfet en charge de la cohésion sociale, successeur de Richard Daniel Boisson qui « était très attentif à notre égard », témoigne Daniel Faivre. Il en attend autant de Ronan Boillot. Leur dernier échange ne date que d’hier, 26 février.
« Nous avons fait le point sur les principales demandes d’aide qui nous arrivent à l’association, à savoir les injustices dont un grand nombre sont victimes. Comme faire payer trop d’impôts locaux, équivalents pour certains à trois mois de leur retraite sur l’année. C’est trop », clame-t-il. D’autres « injustices sociales » ont été abordées lors du rendez-vous. Daniel Faivre y a transmis son souhait de « revoir les retraites les plus basses qui sont en dessous du RSA ou encore le maintien d’un vrai revenu pour ceux qui ont vraiment travaillé plus de 40 ou même 50 ans de leur vie ».