La Recherche, magazine scientifique de référence en métropole, a publié ce mois-ci une interview d’un médecin généraliste réunionnais, Philippe de Chazournes. Connu sur l’île pour sa mobilisation contre la loi Touraine, il l’est aussi pour son action au sein de Med’Océan, association de formation et de recherche en santé de l’océan Indien dont il est le président.
Activement opposé au vaccin contre le cancer du col de l’utérus, Philippe De Chazournes est devenu une référence de la lutte contre le Gardasil à La Réunion. Et c’est La Recherche qui l’a mis face à Robert Cohen, pédiatre infectiologue, coordonnateur des experts du réseau d’information sur les vaccins Infovac, dans son édition d’avril. A la différence de Philippe de Chazournes, qui prône uniquement le dépistage par les frottis, Robert Cohen soutient l’idée que les deux méthodes sont nécessaires pour se prémunir de ce cancer.
« Ensemble, les papillomavirus humains (HPV) 16 et 18 sont responsables de 70% des cancers du col de l’utérus, affirme-t-il dans le magazine. D’où l’intérêt des vaccins Gardasil et Cervarix qui protègent à plus de 90% contre une infection par ces deux types de papillomavirus ».
Selon Philippe de Chazournes, en revanche, Gardasil a été mis sur le marché de façon « précipitée ». « En effet, de l’aveu même du Haut Conseil de la santé publique et de l’Institut de veille sanitaire (INVS), son efficacité ne dépasse pas les 20%, tous les papillomavirus confondus. C’est donc tromper les femmes de faire croire que le vaccin protège contre 70% des cancers du col utérin, comme on l’entend partout. Brandi par les promoteurs du vaccin, ce chiffre de 70% est en fait le pourcentage de cancers du col de l’utérus dans lesquels on trouverait les HPV 16 et 18, les deux papillovirus contre lesquels le Gardasil est efficace. Mais même cela fait débat: selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’INVS, ce pourcentage semblerait en fait nettement inférieur, au moins en Europe. Et c’est sans compter qu’il y a plusieurs dizaines d’autres papillomavirus », explique le médecin dionysien au mensuel.
En réponse à cela, Robert Cohen ajoute: « Le chiffre d’une efficacité de seulement 20% reflète simplement l’inclusion dans certaines études de patientes déjà contaminées par ces papillomavirus avant la vaccination ».
La peur de Philippe de Chazournes: « Que les femmes ayant eu le vaccin, n’aillent plus faire de frottis, pensant qu’ils sont alors inutiles, ce qui n’est pas du tout le cas ».
Le débat reste donc bien animé concernant le vaccin et n’est pas prêt de se calmer. Une nouvelle version de Gardasil, autorisée aux Etats-Unis, a été recommandée par l’Agence européenne des médicaments. Elle cible aujourd’hui neuf types de souches… « De quoi jeter un peu plus le trouble », selon Philippe de Chazournes, qui demande à La Recherche: « Faudra-t-il revacciner toutes celles déjà vaccinées par l’ancienne version? »
3.000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus sont enregistrés chaque année en France. « Ce n’est pas une affaire de santé publique », précise Philippe de Chazournes, ne justifiant donc peut-être pas une telle prise de risque… A moins qu’elle ne profite aux laboratoires pharmaceutiques, sous-entend le médecin.