350.000 personnes ont bénéficié jusqu’ici d’un bon à la continuité territoriale. Ce n’est pas rien. Et cela valait bien un débat pour s’accorder sur la suite à donner au financement de ce dispositif après que l’Etat ait annoncé son intention de diminuer sa contribution.
Dans l’hémicycle de la Région, au cours d’une assemblée plénière extraordinaire, les conseillers régionaux ont donc fait part de leur point de vue. Mais rien de neuf à l’horizon. Didier Robert, le président de la Région Réunion, n’a pas manqué de le souligner au moment de clôturer la journée de paroles: « J’ai noté que les positions des uns et des autres n’ont guère évolué (… Je crains que la dimension politicienne ne l’emporte trop souvent sur les débats« .
Lui non plus ne changera vraisemblablement pas de ligne de conduite. « J’entends bien que, sur le principe de reconnaitre la responsabilité de l’Etat concernant la continuité territoriale, nous sommes d’accord. Mais nous ne sommes pas tous en phase sur la mise en oeuvre de ce dispositif. La réalité aujourd’hui c’est que, chaque jour, des Réunionnais se posent la question de savoir s’ils peuvent ou pas acquérir un billet d’avion, se rendre en métropole. J’entends que les élus de l’Alliance campent sur une position en disant que c’est à l’Etat de faire. Cela n’est pas ma conception. Je considère qu’avec l’Etat nous devons mener des combats. Avons-nous notre juste place au sein de cette République? Une part de la solidarité nationale a permis à la Réunion et aux Réunionnais d’être ce qu’ils sont aujourd’hui. Je ne partage absolument pas le point de vue qui consiste à dire qu’on ne fait rien tant que l’Etat n’a pas répondu favorablement. Ne rien faire n’est pas juste, pas équitable. Les budgets des collectivités locales ne tiennent que parce qu’il y a solidarité nationale. Opposer l’un et l’autre n’est pas ma posture. Nous revendiquons notre juste place. Je me battrai pour qu’à partir du 1er janvier de l’année prochaine, les Réunionnais ne soient pas malmenés et nous ferons les arbitrages nécessaires« , annonce-t-il en conclusion.
Un peu plus tôt, Catherine Gaud du groupe de l’Alliance avait justement regretté ces « arbitrages » qui toucheront l’éducation et l’université. Pour la conseillère régionale, « on peut réfléchir ensemble pour des solutions réunionnaises afin de ne pas dépendre entièrement de la métropole, à l’instar de l’A380… Et d’insister encore un peu plus tard: « Quelle solution le président de Région propose pour régler le problème, alors qu’il détient 98% d’Air Austral? A entendre les représentants des compagnies aériennes, on peut rien bouger. Avec l’A 380, mécaniquement le coût du billet d’avion peut baisser mais il faut une volonté politique. Il faut creuser cette piste« , suggère-t-elle.
Didier Robert répondra, en s’appuyant sur les différentes interventions des représentants de compagnies aériennes, que « chacun aura compris que la question du prix du billet d’avion devient moins évidente et que les prix correspondent à la réalité du marché. Comment peut-on encore me démontrer aujourd’hui que la continuité territoriale ne doit pas interférer sur le dispositif alors que cette même continuité pourrait supporter l’investissement et le fonctionnement d’une compagnie aérienne pour obtenir une diminution du prix du billet d’avion?« , remarque-t-il.
Le groupe de l’Alliance, autant que le groupe PS, demeurent inquiets quant à « l’explosion budgétaire » que représente ce dispositif « du domaine de l’Etat« . Pour Christine Soupramanien, « les moyens budgétaires de l’Etat ne sont pas suffisants. Pour les contrats aidés, vous ne pouvez pas, mais pour la continuité territoriale, il faut aller creuser dans le budget de l’Etat ».
L’élu PS, Axel Zettor, estime qu’il y a une « volonté d’amalgamer, de créer un écran de brouillard. Une volonté de récupération politique des uns et des autres. Nous parlons bien ici de la mobilité des personnes avec trois volets (passeport étudiant mobilité, passeport mobilité formation et aide au voyage). L’aide au voyage, que vous appelez aide à la continuité, est détournée. Vous avez en 2010 créé des inégalités. Vous avez décidé d’offrir un bon de transport sans distinction. J’ai une conception de l’égalité et de la solidarité qui n’est pas la votre. En 2007, vous étiez député avec une majorité de droite à l’assemblée nationale, vous avez été muet sur ce sujet. L’urgence à la Réunion pour moi c’est l’emploi, l’activité économique« , a-t-il déclaré.
Paulet Payet ou encore Serge Camatchy ont pris la parole pour défendre la majorité régionale. « Plus de 50% de la population de la Réunion vit au dessous du seuil de la pauvreté. Les mairies et les associations assurent l’urgence, en partie. Pour sa part, la continuité territoriale, amplifiée en 2010, contribue à l’épanouissement du Réunionnais, lui permet d’aller ‘frotter sa cervelle à celle des autres’ (De Montaigne). Compter sur le gouvernement ne sert à rien. Les parlementaires sont tellement divisés qu’il leur est difficile de prendre une décision à l’heure actuelle. A nous de prendre une décision« , tente de convaincre Paulet Payet.
Dans un discours solennel, prononcé debout face à l’assemblée, Paul Vergès a évoqué l’historique de ce dispositif avant d’affirmer qu’il doit rester « social« . Il a notamment pris pour exemple le cas des fonctionnaires: « Vous dites allons donner à tout le monde, vous donnez à tous ceux qui ont la surrémunération alors qu’elle répare déjà l’injustice du coût de la vie. Cette injustice est déjà compensée«