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Communes détricotées : la fin des villes et de la démocratie ?

Mais pour qui donc et pourquoi donc allons-nous voter dans deux mois ? La plupart d’entre nous ne savent pas que nous entrons dans un autre modèle que celui de 2001 et de 2008. Elire un « petit Maire » en capacité de répondre à mes petits problèmes quotidiens après avoir fait la queue à […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 31 janvier 2014 à 16H27
Mais pour qui donc et pourquoi donc allons-nous voter dans deux mois ?
La plupart d’entre nous ne savent pas que nous entrons dans un autre modèle que celui de 2001 et de 2008. Elire un « petit Maire » en capacité de répondre à mes petits problèmes quotidiens après avoir fait la queue à sa permanence, c’est hier : un certain pouvoir du tanlontan, dont on se demande parfois s’il a été repensé depuis la départementalisation de 1946 ! Le jeu de rôles n’est plus du tout le même en 2014. Encore faut-il l’observer et essayer de le comprendre.
 
Que personne (Préfet, Elus de tous niveaux, partis de tous bords, fonctionnaires de tous grades, citoyens zappant sur Internet) ne dise qu’il n’a rien vu venir. Tout est dans l’histoire de la décentralisation qui avait à son origine (en 1982) l’ambition de repartir du « bas », c’est-à-dire de la commune pour reconstruire et répartir des « blocs de compétences » dévolues à l’Etat aux échelons intermédiaires.
 
Un Etat qui voulait redonner un pouvoir aux Régions, aux Départements et aux Communes en incitant ces dernières à se regrouper sous différentes formes: C’était l’acte II de la décentralisation, vécu à La Réunion par la création en deux ans (1996-1997) de cinq établissements publics de coopération intercommunale permettant à leurs membres d’associer positivement leurs savoir-faire et leurs moyens financiers et techniques à la réalisation d’objectifs communs à court, moyen et long terme.
 
L’acte III est conclu avec le vote récent de la « loi de décentralisation et de réforme de l’action publique » à la construction de laquelle l’ADELROI (Association pour la Démocratie Locale à La Réunion et dans l’Océan Indien) a contribué à travers différentes formes de débat démocratique ayant abouti à 12 propositions soumises aux rapporteurs de la Commission des Lois de l’Assemblée et du Sénat (sans avoir été appuyé par nos mandataires locaux).
 
Comme nous l’avions fait pour les élections Municipales de 2001, puis de 2008, ce fût toujours le même rappel hérité du message parlementaire d’Alexis de Tocqueville à l’aube de la révolution de 1848 : « Otez la force et l’indépendance de la Commune ; il n’y aura plus de citoyens ; il ne restera que des administrés ». Cette perte de force, d’indépendance et d’initiatives locales, c’est le plus grand malheur qui puisse nous arriver pour le bien être de tous, dans nos territoires de vie, reliées en comm(e)unes et en villes ; et pour l’avenir de la démocratie.
 
Cet acte III ouvre la porte à ces dangers. Au lieu de nous appeler à construire une articulation entre ce qui vient d’en haut (le global institué) et ce qui vient d’en bas (le local construit avec les énergies des personnes et des groupes dans leurs lieux de vie : le « terla » des Réunionnais avec leurs façons de vivre ici et maintenant), c’est l’inverse que la loi nous propose. Cela est dénoncé récemment dans un pamphlet de Michel Peraldi (ancien haut fonctionnaire sorti de son devoir de réserve) : « Ils ont volé la décentralisation » (L’Harmattan – Editions « Questions contemporaines »).
 
Tout part des grandes métropoles (qui ne nous concernent pas) pour descendre jusqu’aux communes, qui devront chercher dans les échelons intermédiaires les moyens financiers de répondre aux besoins présumés des habitants (car aucun espace de débat et d’analyse n’est prévu avec eux pour les identifier).
L’application de la loi sur le non cumul des mandats en 2017 peut conduire des Maires à rechercher un pouvoir dans d’autres collectivités tout en assurant qu’ils privilégieront leur commune.  Sans vigilance citoyenne  nourrie par l’éducation populaire, on peut s’attendre à bien des désillusions, à un nouveau rejet du politique, et à la montée des extrémismes.
 
Si nous laissons faire, le Conseil Municipal ne sera qu’une chambre d’enregistrement de décisions prises « an misouk » par le Maire et les Conseillers communautaires, généraux, régionaux, voire européens présents sur la liste, faisant jouer leurs réseaux et négociant des accords parfois difficiles à comprendre pour des électeurs souvent maintenus volontairement dans l’ignorance.
 
Annoncer dans son programme qu’on va « donner un emploi dans chaque famille »( ? ), changer l’horaire du bus pour l’adapter aux besoins des habitants des « Hauts » ( ? ), créer un équipement culturel, une piscine ou une crèche, sans dire aux citoyens que tout dépendra du bon vouloir des assemblées tenant les cordons de la bourse, et en capacité de blocage partisan, c’est une forme de mensonge par omission.
 
Tous les citoyens savent-ils que les transports, la petite enfance, c’est le Conseil Général… ; que l’aménagement, la culture, etc… c’est la Région… que telles compétences sont transférées à l’intercommunalité… et que l’Emploi qu’il soit en entreprise ou « aidé » n’est pas directement de la compétence communale ?
Le pire, c’est que toutes ces décisions vont être prises sans que localement, les citoyens aient pu dire leur mot sur le fond et sur la forme, à partir de leurs attentes vécues quotidiennement. Ça n’est pas parce qu’il y aura un petit jeu de fléchettes pour pointer les Conseillers communautaires sur le bulletin de vote qu’on pourra dire qu’ils ont été élus démocratiquement.
 
Avant de voter, il faut savoir si nos candidats s’engagent à construire dans leur commune des espaces de débat public permettant aux élus, aux producteurs de biens et de services et aux citoyens, d’identifier ensemble leurs besoins, et de pouvoir faire poids aux différents niveaux de décision. Tout le contraire des « conseils de quartiers » ou « conseils citoyens » promis par le Ministre de la Ville, simplement créés pour leur faire avaliser les décisions déjà prises, ce qui est contraire à un processus démocratique.
 
Notre Association questionnera à ce sujet chaque candidat, et fera connaître les réponses avant le premier tour, par communiqué de presse.
En fin de compte, la question fondamentale est celle de savoir si nos candidats ont envie de sauver nos communes et donc nos villes, avec leur histoire, leur vécu quotidien, la diversité de leurs ressources humaines et culturelles, leurs initiatives personnelles et collectives prises dans chaque quartier ou îlet, chacun dépassant ses frontières pour reconstituer la Cité, ouverte à ses voisins. C’est autre chose que 30 caméras de vidéo surveillance pour sauver notre sécurité !
Il y va du nécessaire « modèle de développement économique et social » rêvé depuis des lustres pour notre Ile intense, avec les pays voisins et amis de l’Océan Indien.
 
La balle est dans le camp des citoyens organisés ou non. Qui est prêt à tirer au but pour ne pas se laisser voler la décentralisation ?
 
L’Association pour la Démocratie Locale à La Réunion et dans l’Océan Indien

 

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